Pour classer CFBDS0059, les astronomes ont dû inventer une nouvelle catégorie de naines brunes. Cet astre isolé est juste un peu plus chaud que notre Jupiter et contient de l'ammoniac, un composé réservé aux planètes.

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    Les trois télescopes de la découverte : en bas le CFHT, en haut à gauche le NTT et en haut à droite Gemini Nord. © J.-C. Cuillandre, CFHT ; ESO ; Gemini Observatory/Aura

    Les trois télescopes de la découverte : en bas le CFHT, en haut à gauche le NTT et en haut à droite Gemini Nord. © J.-C. Cuillandre, CFHT ; ESO ; Gemini Observatory/Aura

    La frontière entre planète et étoile devient de plus en plus floue. Entre les deux s'installent les naines brunes, trop petites et trop froides pour initier des réactions de fusion nucléaire. Considérées comme des étoiles avortées, elles ressemblent à des planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses, comme nos voisines JupiterJupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune, mais en plus chaud. N'émettant que peu de lumière visible mais surtout de l'infrarouge, elles sont discrètes. La première, d'ailleurs, n'a été découverte qu'en 1995. Mais les astronomesastronomes pensent qu'elles sont nombreuses.

    Un réseau franco-canadien, le Canada-France Brown-Dwarfs Survey (CFBDS), mis en place pour en repérer le plus possible (brown dwarf signifie naine brune) vient de débusquer la plus froide d'entre elles. Avec une température de surface de 350°C, elle est seulement 500° plus chaude que Jupiter et 15 à 30 fois plus massive qu'elle, soit 1,5 à 3 % de la massemasse de notre SoleilSoleil. Cet astreastre minuscule se trouve à environ 13 parsecsparsecs (42 années-lumièreannées-lumière), dans la constellation de la Baleineconstellation de la Baleine. Elle n'a pas encore été baptisée. A son triste matricule, CFBDS J005910.83-011401.3, les astronomes n'ont pour l'instant trouvé qu'un léger diminutif, CFBDS0059.

    La physique des très grandes planètes loin des étoiles éblouissantes

    Comme la dernière pièce d'un puzzle, la petite naine brune vient compléter définitivement le lien qui unit les étoiles aux planètes géantes gazeuses. Les unes et les autres sont des masses d'hydrogènehydrogène, de poussières et d'autres gazgaz, dont la taille décide de la destinée. Jusque-là, les astronomes, qui aiment les catégories comme tous les scientifiques, distinguaient deux familles de naines brunes. Sur les « T », la température de surface ne dépasse pas 1.200°C, alors qu'elle  est comprise entre 1.200° et 2.000° sur les naines « L ». Avec 350°, CFBDS0059 inaugure une nouvelle catégorie, désormais baptisée Y. Elle n'y sera pas seule car elle aura la compagnie de ULAS0034, découverte en décembre 2006, une naine brune seulement 50° plus chaude qu'elle.

    La découverte a nécessité la collaboration d'équipes françaises et canadiennes (observatoires de Besançon, de Grenoble et de Lyon, ENS de Lyon, notamment) et l'utilisation de plusieurs grands télescopestélescopes. Après avoir été repérée par la caméra Megacam montée sur le télescope de 3,60 mètres du CFHT (Canada France Hawaii TelescopeCanada France Hawaii Telescope, à Mauna Kea, Hawaï), la naine brune a été observée en proche infrarouge par le NTT (New Technology TelescopeNew Technology Telescope), de l'Observatoire européen austral (à La Silla, dans le désertdésert d'Atacama, au Chili). L'équipe a ensuite vérifié s'il ne s'agissait pas d'une binairebinaire (étoile double) en s'aidant du KeckKeck II, avec ses 10 mètres de diamètre et son optique adaptative (Mauna Kea). Il a enfin fallu un quatrième instrument, le télescope Gemini Nord, de 8,10 mètres (Mauna Kea) pour confirmer une autre caractéristique inattendue de CFBDS0059 : la présence d'ammoniacammoniac (NH3).

    Inconnu dans les étoiles (où la température est bien trop élevée pour qu'un tel édifice moléculaire puisse se maintenir), ce composé fait de cette petite naine brune une presque planète. Nul doute que ces deux premières naines Y feront l'objet d'études plus poussées. Isolées dans le ciel, elles sont bien plus faciles à observer en détail que les exoplanètesexoplanètes, alors qu'elles en diffèrent peu. On peut donc en espérer des informations sur la physiquephysique qui régit les très grandes planètes, une espèceespèce absente de notre système solairesystème solaire.