La vie telle que nous la connaissons sur Terre dans ses grandes lignes est-elle universelle ou au contraire très rare car très contingente ? Nous ne le savons pas encore mais ce qui est sûr, c'est que certaines de ses briques se retrouvent dans des nuages moléculaires interstellaires dans la Voie lactée. On en voit un nouvel exemple et pour la première fois avec un acide aminé de la vie, le tryptophane.


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    Sommes-nous seuls dans l’Univers ? C'est une des grandes questions existentielles et philosophiques à laquelle la Science peut peut-être apporter des réponses comme l'illustre le récent projet A Sign in Space lancé par l'Institut Seti le mercredi 24 mai 2023. C'est aussi la question que l'on pouvait se poser suite à l'interview qu'avait donnée, à Futura, Jean-Pierre Bibring, défenseur de la thèse de la Terre rare.

    Selon lui, par exemple, le chimisme du Système solaire pourrait bien être très particulier. De sorte que les molécules et leurs abondances, héritées du nuagenuage moléculaire qui s'effondrait gravitationnellement pour donner une pouponnière d'étoiles contenant notre jeune Soleil et son cortège planétaire en formation, pourraient avoir eu des caractéristiques uniques parmi les autres nuages moléculaires de la Voie lactéeVoie lactée, précisément celles permettant ensuite à ces molécules amenées par les comètescomètes et les astéroïdesastéroïdes sur la Terre primitive de donner naissance à la vie.


    Le Système solaire s’est formé à partir d’un nuage moléculaire riche en poussières s’effondrant sous sa propre gravité. C’est ainsi qu’est né le Soleil, entouré d’un disque protoplanétaire. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube

    IC 348, la formation du Système solaire en direct

    Pour tenter de le savoir il faut donc chercher à déterminer la présence et les abondances de molécules prébiotiquesprébiotiques, des briques de la Vie, dans les nuages moléculaires de la Voie lactée. Nous sommes donc particulièrement intéressés par l'annonce faite récemment par l'astrophysicienne Susana Iglesias-Groth, de l'Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC), qui utilise  depuis un moment déjà les données archivées du défunt satellite SpitzerSpitzer pour faire de nouvelles investigations concernant l'exobiologieexobiologie avec le nuage moléculaire de Persée, et plus précisément l'amas IC 348. L'annonce concerne un article publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.

    Le saviez-vous ?

    L’héritage du télescope Spitzer de la Nasa est bien vivant. Rappelons que pendant la première décennie du XXIe siècle et avant son arrêt le 30 janvier 2020, il a fait partie du programme des Grands Observatoires de la Nasa qui comprenait quatre grands télescopes spatiaux lancés entre 1990 et 2003 et qui couvrent des régions différentes du spectre électromagnétique. Spitzer observait dans l’infrarouge, Hubble dans le spectre visible et proche infrarouge, le Compton Gamma-Ray Observatory s’occupait de l’astronomie gamma et enfin, Chandra de l’astronomie des rayons X mous.

    Lancé en 2003, Spitzer aura notamment permis d’étudier le nuage moléculaire de Persée (en abrégé Per MCld pour l'anglais Perseus molecular cloud) qui comme son nom l’indique est un nuage moléculaire géant situé à environ 600 années-lumière de la Terre dans la constellation de Persée. C’est une pouponnière à étoiles qu’il forme à partir du milieu interstellaire dont on estime qu’il contient dans ce nuage plus de 10 000 masses solaires sous forme de gaz et de poussière.

    Susana Iglesias-Groth explique avoir découvert l'existence du tryptophanetryptophane, un acide aminé essentielacide aminé essentiel à la formation des protéinesprotéines et au développement des organismes vivants, au sein de IC 348. Le tryptophane, l'un des 20 acides aminés considérés comme essentiels à la formation des protéines qui possède de nombreuses caractéristiques spectrales dans l'infrarougeinfrarouge, n'avait jamais encore été détecté dans le milieu interstellaire, malgré des décennies de recherche.

    Une image d'artiste montrant des disques protoplanétaires où apparaissent des molécules de tryptophane dans une sorte de zoom sur une vraie image de Spitzer mais en fausses couleurs dans l'infrarouge de Per MCld où se trouve l'amas stellaire IC 348. © Jorge Rebolo-Iglesia, Nasa-Spitzer Space Telescope
    Une image d'artiste montrant des disques protoplanétaires où apparaissent des molécules de tryptophane dans une sorte de zoom sur une vraie image de Spitzer mais en fausses couleurs dans l'infrarouge de Per MCld où se trouve l'amas stellaire IC 348. © Jorge Rebolo-Iglesia, Nasa-Spitzer Space Telescope

    IC 348, une clé pour l'exobiologie

    Son travail inspire à Iglesias-Groth les déclarations suivantes dans un communiqué de l'IAC : « Il est bien connu que les acides aminés font partie des météorites et peuvent avoir été présents dès la formation du Système solaire. La découverte du tryptophane et, espérons-le, d'autres acides aminés à l'avenir, pourrait indiquer que les agents de constructionconstruction des protéines, qui sont essentiels au développement des organismes vivants, existent naturellement dans les régions où les étoiles et les systèmes planétaires se forment, et que la vie est peut-être plus courant dans notre GalaxieGalaxie que nous n'aurions pu le prévoir. IC 348 est une région de formation d'étoiles exceptionnelle et un laboratoire de chimiechimie extraordinaire. Grâce à sa proximité avec la Terre, nous pouvons effectuer certaines des recherches les plus fines de molécules dans le milieu interstellaire. »


    L'héritage de Spitzer. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, Jet Propulsion Laboratory

    Une présentation de cours d'exobiologie faite par Hervé Cottin, astrochimiste, professeur des universités, LISA, Université Paris Est Créteil/Université de Paris/CNRS. Sommes-nous seuls dans l’univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question... On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société française d'exobiologie