Plusieurs études se sont penchées sur le cas du tocilizumab. Cet anticorps thérapeutique peut-il lutter contre les formes graves de la Covid-19 ? Une nouvelle étude parue dans BMJ s'ajoute à celles qui concluent que le tocilizumab n'est pas efficace.


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    Parmi tous les traitements à l'étude pour combattre la Covid-19, le tocilizumab semble être l'un des plus prometteurs. Cet anticorps thérapeutique bloque les récepteurs de l'IL-6, empêchant ainsi l'action délétère de cette moléculemolécule pro-inflammatoire impliquée dans la tempêtetempête cytokinique observée dans les formes graves de la maladie. Il a déjà démontré son efficacité pour soigner l'arthrite rhumatoïde. 

    Au Brésil, neuf hôpitaux ont participé à un essai clinique randomnisé open-label, cela signifie que les patient savent s'ils reçoivent un placeboplacebo ou le traitement, et les médecins savent ce qu'ils administrent, c'est le contraire d'un essai en double aveugle. Les résultats sont parus au début du mois de janvier dans la revue BMJ.

    Pas d'effet du tocilizumab sur la mortalité

    Cet essai a été conduit auprès de 129 personnes, majoritairement des hommes, qui souffrent d'une forme grave de la Covid-19 nécessitant d'un apport en oxygène ou une ventilation mécaniqueventilation mécanique. Elles ont été séparées en deux groupes de même taille, le premier s'est vu administrer du tocilizumab par voie intraveineuse à hauteur de 8mg/kgkg pendant quinze jours et le second groupe, un placebo selon les mêmes conditions. Tous les patients ont reçu les soins standard qui s'imposent dans leur état. À noter qu'au Brésil, l'hydroxychloroquinehydroxychloroquine et l'azithromycine font partie des médicaments autorisés par les autorités de santé. Plusieurs personnes ont été traitées avec l'une de ses deux molécules avant le début de l'essai clinique.

    Après 15 jours, le traitement au tocilizumab n'a pas permis de diminuer significativement les besoins en ventilation ni la mortalité (28 %) en comparaison avec le groupe ayant reçu le placebo (20 %). Il y a eu 11 décès dans le groupe tocilizumab contre 3 dans le groupe placebo. À 28 jours, les résultats n'étaient plus statistiquement significatifs et n'ont donc pas pu être analysés. Enfin, le tocilizumab n'a pas provoqué plus d'effets secondaires indésirables que le placebo.

    Le schéma récapitulatif de l'essai clinique mené au Brésil pour tester l'efficacité du tocilizumab sur les formes graves de la Covid-19. © Viviane C Veiga et <em>al. BMJ</em>
    Le schéma récapitulatif de l'essai clinique mené au Brésil pour tester l'efficacité du tocilizumab sur les formes graves de la Covid-19. © Viviane C Veiga et al. BMJ

    Un médicament inefficace contre les formes graves de la Covid-19

    En effet, il apparaît que le tocilizumab n'a pas réussi à diminuer le taux d'IL-6 ; il était même plus important que celui mesuré chez les patients du groupe placebo. Un résultat surprenant puisque le tocilizumab a été conçu pour limiter l'action de l'IL-6 en bloquant son récepteur ; malheureusement, les mécanismes mis en évidence en laboratoire ne démontrent pas toujours leur efficacité lors des essais cliniques. 

    L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris avait aussi mené un essai clinique sur le tocilizumab, dont les résultats ont été publiés à l'automneautomne dernier. Il avait été mené sur un effectif similaire et avait également conclu que le tocilizumab ne réduit pas la mortalité après 28 jours. Bien qu'elle comporte de nombreuses limites, comme la taille de l'effectif, ou qu'il s'agisse d'un essai clinique open-label moins rigoureux qu'un essai clinique en double aveugle, cette étude s'ajoute à celles qui indiquent que le tocilizumab n'est pas efficace pour limiter les formes graves de la Covid-19. À l'heure actuelle, seuls les corticoïdes, comme le dexaméthasone, semblent diminuer efficacement l'état inflammatoire des patients Covid. 


    Covid-19 : les premiers essais sur le tocilizumab se confirment

    Article de l'Insu publié le 22 octobre 2020

    Chez certains malades, atteints de Covid-19 et de pneumonie modérée à sévère, l'état hyperinflammatoire peut conduire à l'insuffisance respiratoireinsuffisance respiratoire aigüe et au décès. Dans le cadre du consortium multidisciplinaire REACTing, les chercheurs de la plateforme Corimuno-19 ont poursuivi les observations entamées en mars dernier afin de confirmer les effets du tocilizumab, un anticorps anti-récepteur de l'interleukineinterleukine-6.

    Le tocilizumab est un anticorps monoclonalmonoclonal qui bloque le récepteur de la cytokinecytokine interleukine-6 chez les patients atteints de Covid-19 et de pneumonie modérée à sévère. Les résultats définitifs de l'essai randomiséessai randomisé, contrôlé ouvert et multicentrique du tocilizumab, entamé le 27 mars, sont publiés après revue par des pairs le 20 octobre 2020 dans la revue JAMA Internal Medicine.

    Les résultats définitifs de cet essai -- conduit par la collaboration de recherche académique Covid-19 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris/Université Paris-Saclay/Université de Paris/Inserm-REACTing, confirment les résultats préliminaires communiqués le 27 avril 2020. Ils devraient être corroborés de manière indépendante par des essais supplémentaires.

    Le saviez-vous ?

    La ventilation non invasive regroupe l’ensemble des techniques d’assistance ventilatoire, en l’absence de dispositif endo-trachéal, donc sans intubation ou trachéotomie.

    Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.
    Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

    Le tocilizumab permet d'éviter l'aggravation de la pneumonie

    Les patients inclus étaient hospitalisés pour pneumonie Covid-19 modérée à sévère, nécessitant au moins 3 L/mn d'oxygène mais sans recours à la réanimation au moment de leur admission. Le critère de jugement primaire sur lequel s'est appuyée l'analyse pour juger de l'efficacité du traitement était la combinaison du besoin de ventilation (mécanique ou non invasive) ou du décès à J+14.

    Au total, 130 patients d'âge médian 64 ans ont été inclus dans cet essai clinique randomisé ouvert : 67 pour le traitement usuel et 63 pour le tocilizumab associé au traitement usuel. À l'inclusion, les besoins médians en oxygène étaient de 5L/mn. La proportion de patients ayant nécessité une ventilation non invasive, une intubation ou étant décédés au 14e jour était de 36 % avec les soins usuels et de 24 % avec le tocilizumab. Aucune différence de mortalité à 28 jours n'a été constatée entre les deux groupes, 11,1 % et 11,9 %, respectivement.

    Ainsi, au 14e jour, le risque de mourir ou d’avoir recours à la ventilation non invasive ou mécanique a été diminué de 33 % dans le groupe traité par le tocilizumab.

    Ainsi, au 14e jour, le risque de mourir ou d'avoir recours à la ventilation non invasive ou mécanique a été diminué de 33 % dans le groupe traité par le tocilizumab. La proportion de patients ayant dû être transférés en réanimation a été diminuée de moitié dans le groupe tocilizumab (18 %) comparativement au bras traitement usuel (36 %).

    Le pourcentage de patients ayant quitté l'hôpital au jour 28 était plus importante dans le groupe tocilizumab que dans le groupe traitement usuel : 83 % versus 73 %.

    Enfin, le tocilizumab n'a pas entraîné plus d'effets indésirables que le traitement usuel. Plusieurs essais Corimuno testant d'autres immunomodulateursimmunomodulateurs, sont en cours d'analyse et la combinaison du tocilizumab à la dexamethasone est testée dans un autre protocoleprotocole de Corimuno.


    Tocilizumab : que peut-on en attendre ?

    Article de Julien Hernandez, publié le 4 mai 2020

    Une communication sans données brutes de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris suggère que le tocilizumab pourrait être utile dans les cas sévères du Covid-19. Que peut-on attendre de ce médicament ? 

    L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HPHP), dans un communiqué, affirme que le tocilizumab serait efficace pour limiter le recours à la ventilation respiratoire et le nombre de décès à 14 jours chez les patients Covid-19 sévères mais sans qu'aucune donnée brute ne soit fournie. Il faudra attendre la publication de l'étude dans la littérature médicale pour juger de la qualité de l'expérience. À l'aide de données antérieures, que peut-on raisonnablement attendre du tolicizumab ? 

    Par ailleurs, cette annonce a déclenché un véritable tollé à l'AP-HP après la rédaction de cet article dont la démission du comité d'évaluation de ce médicament. Les informations délivrées ici sont donc à prendre avec la plus grande précaution.

    Le tolicizumab, qu'est-ce que c'est ? 

    Le tocilizumab est un anticorps monoclonal humanisé recombinant qui agit comme un antagoniste des récepteurs de l'interleukine (IL) -6. Autrement dit, c'est une molécule qui vient inhiber la réaction inflammatoire de l'organisme. Il est principalement utilisé et autorisé chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde afin de réduire l'inflammationinflammation globale chronique de l'organisme.

    Ce médicament coûte cher et est difficile à produire, à l'inverse de la chloroquine. Mais ce n'est pas un critère pertinent pour juger ou non de son efficacité au sein du covid-19. 

    Les mécanismes qui se cachent derrière cette thérapie

    La logique derrière les essais cliniques testant le tocilizumab, c'est la réduction du fameux orage citokynique qui se produit chez certains patients atteints de forme sévère de la maladie. En effet, chez ces patients gravement infectés par le SARS-CoV-2SARS-CoV-2, s'abat parfois une tempête de molécules inflammatoires en réaction à l'infection. Les cellules épithéliales sont infectées par le virusvirus, la perméabilité cellulaire augmente, cela dans l'objectif de combattre l'infection.

    Mais, par des mécanismes mal identifiés encore, cette stratégie dégénère et le système immunitairesystème immunitaire sur-réagit, entraînant la défaillance de certains organes vitaux et la mort du patient. L'interleukine-6, la citokine inhibée par le tocilizumab, jouerait un rôle prépondérant dans cet orageorage. C'est donc pour cela que le tocilizumab est testé. On espère, grâce à lui, empêcher l'orage cytokinique tant redouté. 

    Les mécanismes possibles de l'orage cytokinique. © Elsevier
    Les mécanismes possibles de l'orage cytokinique. © Elsevier

    Que peut-on attendre du tocilizumab ? 

    Des petites expériences ont déjà eu lieu concernant le tocilizumab. Aucune d'entre elles ne respecte les standards des essais cliniques, on peut donc difficilement en tirer des recommandations cliniques. La communication de l'AP-HP laisse entrevoir une publication rigoureuse (essai randomisé et multi-centrique) mais, pour l'instant, la publication n'est pas disponible. Impossible donc de savoir ce qu'elle vaut tant sur le plan méthodologique que sur le plan des résultats.

    Par ailleurs, les laboratoires Sanofi ont communiqué sur des études en cours concernant le tocilizumab et donnent à voir des résultats préliminaires plus mitigés. Actuellement, une trentaine d'essais cliniques sont enregistrés concernant le tocilizumab en applicationapplication contre le Covid19. Dans cette histoire, avant de crier « fin de partie », il faudra encore faire preuve de prudence.