Une équipe de chercheurs franco-américaine a trouvé une piste pour expliquer l'apparition des formes graves de Covid-19. Selon eux, une anomalie génétique et immunitaire est présente chez 15 % des cas les plus graves.
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Pourquoi la réponse individuelle à l'infection par le virus SARS-CoV2 varie-t-elle autant d'une personne à l'autre ? Résoudre ce mystère permettrait d'identifier les patients à risque, d'anticiper et d'améliorer leur prise en charge et d'offrir de nouvelles voies thérapeutiques fondées sur une meilleure compréhension de la maladie.
Des chercheurs de l'Inserm, d'Université de Paris et de l'AP-HPHP, et de l'Université Rockefeller et du Howard Hughes Medical Institute en collaboration avec une équipe du Centre d'Immunologie et des Maladies Infectieuses (Sorbonne Université, Inserm, CNRS), ont pour la première fois répondu à cette question clé.
L'équipe franco-américaine, dirigée conjointement par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, a identifié les premières causes génétiques et immunologiques expliquant 15 % des forme graves de Covid-19. Ces malades ont un point commun : un défaut d'activité des interférons de type I, moléculesmolécules du système immunitaire qui ont normalement une puissante activité antivirale.
Ces découvertes permettraient de dépister les personnes à risque de développer une forme grave, et de mieux soigner ce groupe de patients. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Science.
Les interférons de type 1, puissants antiviraux
Dès le début de pandémie de Covid-19Covid-19, le chercheur Jean-Laurent Casanova et son équipe ont mis en place un consortium international, COVID human genetic effort dans le but d'identifier les facteurs génétiques et immunologiques pouvant expliquer la survenue de formes graves de la maladie. Ils se sont intéressés à des patients atteints de ces formes sévères, dont certains patients inclus dans les cohortescohortes French-Covid et CoV Contact promues par l'Inserm. En ciblant leur recherche sur des mécanismes spécifiques de l'immunitéimmunité - la voie des interférons (IFN) de type I qui sont de puissantes molécules antiviralesmolécules antivirales - les chercheurs ont mis en évidence chez certains patients des anomaliesanomalies génétiques qui diminuent la production des IFN de type I (3-4% des formes graves).
Chez d'autres patients, ils ont identifié des maladies auto-immunesmaladies auto-immunes qui bloquent l'action des IFN de type I (10-11% des formes graves). L'ensemble de ces découvertes expliquerait donc 15 % des formes graves de Covid-19.
Une anomalie génétique
Le premier article publié dans Science décrit ainsi des anomalies génétiques chez des patients atteints de formes sévères de Covid-19 au niveau de 13 gènesgènes déjà connus pour régir la réponse immunitaire contrôlée par les IFN de type I contre le virus grippal. Des mutations de ces gènes sont la cause de certaines formes sévères de grippegrippe.La principale conséquence de ces mutations est un défaut de production des IFN de type I. C'est, par exemple, ce qu'ont montré les laboratoires d'Ali Amara et Vassili Soumelis à l'Institut de Recherche Saint Louis à partir des cellules d'un patient porteur d'une mutation dans le gène IRF7.
Quel que soit leur âge, les personnes porteuses de ces mutations sont plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de Covid-19.
Un moyen simple et rapide de détecter certains de ces sujets à risque pourrait être le dosagedosage sérique des IFN de type I par la technique ultra-sensible d'ELISA digitale.
La prise précoce d'IFN de type 1 chez ces patients pourrait être une piste thérapeutique. Ces médicaments sont disponibles depuis plus de 30 ans et sans effets secondaires notables s'ils sont pris pendant une courte période.
Une anomalie auto-immune
Dans la seconde étude, également publiée dans Science, les chercheurs montrent que chez les patients atteints de formes graves de Covid-19, la présence à taux élevé dans le sang d'anticorpsanticorps dirigés contre les IFN de type I des individus (auto-anticorps) et capables de neutraliser l'effet de ces molécules antivirales. Ces auto-anticorps sont retrouvés chez plus de 10 % des patients développant une pneumoniepneumonie grave par infection au SARS-CoV-2SARS-CoV-2. D'une manière intéressante, ils ont pu être retrouvés bien avant la pandémie chez certains patients suivis de longue date à l'AP-HP pour d'autres pathologiespathologies. Ils sont absents chez les personnes qui développent une forme bénigne de la maladie et sont rares dans la population générale.
Leur présence empêche les IFN de type I d'agir contre le virus SARS-CoV-2. La production de ces anticorps dirigés contre le système immunitaire des patients témoigne probablement d'autres altérations génétiquesaltérations génétiques qui sont en cours d'étude. Ces personnes pourraient bénéficier d'une plasmaphérèse (prélèvement de la partie liquideliquide du sang contenant notamment les globules blancsglobules blancs et les anticorps), ou d'autres traitements pouvant réduire la production de ces anticorps par les lymphocyteslymphocytes B.
L'analyse d'un échantillon contrôle de 1.227 personnes en bonne santé a permis d'évaluer la prévalenceprévalence d'auto-anticorps contre l'IFN de type 1 à 0,33 % dans la population générale, soit une prévalence 15 fois inférieure à celle observée chez les patients atteints de formes sévères. Ces résultats laissent penser qu'il faut donc dépister la population générale afin de détecter ces anticorps.
« Qu'il s'agisse de variants génétiques qui diminuent la production d'IFN de type I pendant l'infection ou d'anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l'infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial des IFN de type I dans la réponse immunitaire contre le SARS-CoV2 », concluent Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel.