Après avoir battu des records de chaleur fin mars, la France connait actuellement une vague de froid saisissante. Pour comprendre, il faut prendre un peu de recul et considérer la situation météorologique à grande échelle. Christian Viel, climatologue à Météo France, nous explique l’origine de cette invasion d’air froid venu tout droit de l’Arctique. Avant un retour à la normale attendu pour ce samedi.


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    28,1 °C à Capbreton (Landes), 27,3 °C à Colmar (Haut-Rhin) ou encore 26 °C à Paris -- pour des normales maximales de quelque 14 °C -- et même 24,8 °C à Lille (Nord). Il y a quelques jours, de nombreuses villes de France ont battu des records de température maximale pour un mois de mars. Mais à peine le mois d'avril annoncé, notre pays a brusquement basculé dans le froid. Et ce sont cette fois des records de température minimale pour un mois d'avril qui ont été battus. -2,6 °C à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), -5,4 °C à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et seulement 0,2 °C à Nîmes (Gard). Avec une moyenne de -0,4 °C sur le pays, la nuit du 7 avril 2021 apparaît même comme l'une des plus froides depuis 1974. Pour une normale minimale aux alentours des 5 °C sur Paris.

    « Ce refroidissement est lié à un changement dans le régime de circulation. Fin mars, nous connaissions des flux de sud avec des conditions anticycloniques. » Ces flux nous ont apporté de l'airair chaud et sec depuis le nord de l'Afrique. Le printemps semblait arrivé. « Aujourd'hui, nous observons un anticyclone qui s'est fortement développé sur l'Atlantique avec des vents du nord qui apportent, sur l'ensemble de l'Europe de l'ouest, un air polaire encore très froid en cette période de l'année », nous explique Christian Viel. Le contrastecontraste est saisissant.

    L’ennui, c’est qu’avec le réchauffement, la végétation démarre plus tôt.

    Un air froid provenant majoritairement de régions situées à plus de 80° de latitude. D'où le terme parfois employé d'invasion arctique ou d'arctic blast pour les anglophones. Mais finalement, rien de plus qu'une variation naturelle de notre climat. Exceptionnelle, mais pas inédite. « Ces vingt dernières années, nous avons connu quelques situations similaires », nous confirme le climatologueclimatologue de MétéoMétéo France. « L'ennui, c'est qu'avec le réchauffement climatique, la végétation démarre de plus en plus précocement. Les gelées tardives comme celles que nous connaissons ces jours-ci sont d'autant plus préjudiciables aux arboriculteurs, aux viticulteurs ou aux maraîchersmaraîchers. »

    Braseros, écrans de fumée ou même vols d’hélicoptère. Les professionnels ont déployé toutes sortes de moyens pour essayer de protéger leurs cultures de la vague de froid qui s’est abattue sur la France ces derniers jours. © Ivan, Adobe Stock
    Braseros, écrans de fumée ou même vols d’hélicoptère. Les professionnels ont déployé toutes sortes de moyens pour essayer de protéger leurs cultures de la vague de froid qui s’est abattue sur la France ces derniers jours. © Ivan, Adobe Stock

    Ce qui se passe en Arctique ne reste pas en Arctique

    Un air froid venu du pôle. Cela nous rappelle la situation que nous avons vécue début janvier, après le réchauffement stratosphérique soudain observé du côté du pôle nord. Rappelons que le vortex polaire correspond à une dépressionnaire froide qui s'installe sur le pôle nord en hiverhiver -- il diminue d'intensité, en ce moment, avec le retour du printemps. Dans la stratosphèrestratosphère. Alors que les phénomènes météo, eux, se jouent dans la troposphèretroposphère, entre le sol et environ 10 à 12 kilomètres d'altitude. Autour de ce vortexvortex, la circulation est très rapide, d'ouest en est. Mais il se produit parfois un réchauffement très important dans cette région. Cela peut entraîner un fort ralentissement du vortex polairevortex polaire. Voire son inversement. Et quelques jours plus tard, on peut observer une influence de ce réchauffement stratosphérique soudain sur les conditions dans la troposphère. « C'est ce qui s'est produit début janvier. Avec un ralentissement du jet-stream qui traverse l'Atlantique nord et des circulations plus ondulantes ouvrant la possibilité à des descentes d'air froid. De quoi faire chuter les températures sur l'Europe. Mais nous n'avons pas observé de phénomène de vortex récemment », nous assure Christian Viel.

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    Un réchauffement stratosphérique soudain en Arctique menace l’Europe d’une vague de froid

    Cette vaguevague de froid n'est pas non plus à relier directement au changement climatique. Mais à l'avenir, aussi surprenant que cela puisse paraître, le réchauffement de la planète pourrait bien être à l'origine d'hivers froids et enneigés sur l'Europe. C'est la conclusion récente de chercheurs de l’université d’Oulu (Finlande). Selon eux, la banquisebanquise est comme un couvercle sur l'océan. Alors qu'elle disparaît peu à peu sous l'effet du réchauffement climatiqueréchauffement climatique anthropique -- plus marqué dans la région arctique qu'ailleurs --, un excès d'humidité entre dans l'atmosphèreatmosphère pendant l'hiver. Le vortex polaire, lui, apparaît plus enclin à se déplacer vers le sud. Résultat : des épisodes intenses de froid et de chutes de neige sur l'Europe. Comme celui de février-mars 2018, surnommé « la Bête de l'Est », et attribué à des températures anormalement chaudes dans la mer de Barents. Quelques semaines plus tôt, 60 % de sa surface apparaissaient libres de glace. Il avait alors neigé jusqu'à Rome (Italie). Les simulations, elles, prévoient des hivers libres de glace pour la mer de Barents dès les années 2060...