Jusqu’alors, le manteau neigeux du Groenland était capable de retenir environ 50 % des eaux de fonte. Mais la formation d’épaisses plaques de glace imperméable affaiblit aujourd’hui cette capacité de rétention. Ainsi, l’eau s’écoule désormais de plus en plus librement vers l’océan, faisant inexorablement monter son niveau.


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    Au cours d'une expédition menée au Groenland en 2012, des chercheurs de l'université du Colorado (États-Unis) ont découvert dans leurs carottes, d'étranges plaques de glace. Ils craignent aujourd'hui que celles-ci n'affectent la capacité de rétention du manteaumanteau neigeux de la calotte, provoquant en conséquence, une montée du niveau des océans plus importante que prévu.

    En effet, lorsqu'une partie de la neige couvrant le Groenland fond en été, l'eau de fontefonte peut s'infiltrer vers le bas, en principe, --  au profit d'une calotte à la structure poreuse --, puis se recongeler au même endroit l'hiver suivant. Une opération totalement blanche concernant le niveau des océans, donc. Mais à mesure que la fonte en Arctique devient plus importante sous l'effet du réchauffement climatique, il se forme des plaques de glaces épaisses de un à seize mètres. De quoi constituer une sorte de coque imperméable juste sous la surface.

    Des données radar ont permis aux chercheurs de visualiser l’étendue des plaques de glace sous la surface du Groenland, en bleu et en noir sur les deux images du bas. L’image satellite du haut montre des étendues d’eau (en bleu) sur la surface glacée. © MacFerrin, Université du Colorado
    Des données radar ont permis aux chercheurs de visualiser l’étendue des plaques de glace sous la surface du Groenland, en bleu et en noir sur les deux images du bas. L’image satellite du haut montre des étendues d’eau (en bleu) sur la surface glacée. © MacFerrin, Université du Colorado

    Un phénomène qui s’ajoute aux autres

    Résultat : l'eau de fonte, au lieu de s'infiltrer sur place, s'écoule sur ces plaques jusque dans l'océan. Et selon les scénarios climatiques envisagés, l'étendue de ces zones de ruissellement pourraient doubler, voire tripler, d'ici 2100. Entre 2000 et 2013, elles sont déjà passées d'une superficie de 500 à 3.300 km2 à une superficie comprise entre 62.100 et 78.900 km2.

    Selon les projections des chercheurs, le phénomène pourrait, dans le meilleur des cas, faire monter le niveau des océans de 7 à 33 mm de plus que prévu. Mais si les émissionsémissions de gaz à effet de serre ne s'atténuent pas rapidement, la hausse du niveau des océans uniquement due au ruissellement des eaux de fonte pourrait être de 74 mm !


    Comment le Groenland influence-t-il le niveau de la mer ?

    Les glaciers, la calotte et la banquisebanquise du Groenland sont mis à mal par le changement climatiquechangement climatique. Or, leurs contributions sur le climatclimat global sont très différentes. En distinguant le taux de fonte de chacune de ces surfaces de glace, des chercheurs ont évalué l'influence des glaciers et de la calotte sur la hausse du niveau de la mer.

    Article de Delphine Bossy paru le 03/04/2013

    Le glacier Helheim au Groenland recule d'année en année, et l'épaisseur de glace diminue. Vue de la langue du glacier en 2001 (à gauche), en 2003 (au centre) et en 2005 (à droite). © Nasa
    Le glacier Helheim au Groenland recule d'année en année, et l'épaisseur de glace diminue. Vue de la langue du glacier en 2001 (à gauche), en 2003 (au centre) et en 2005 (à droite). © Nasa

    L'Arctique fond rapidement. Souvent, la distinction entre la fonte de la banquise, des glaciers et de la calotte glaciairecalotte glaciaire du Groenland n'est pas évidente. Pourtant, ces massesmasses de glace n'ont pas toutes le même impact sur le climat ni sur l'augmentation du niveau de la mer. La fonte record de la glace de mer de l’Arctique, enregistrée en septembre 2012, aurait renforcé les rudes conditions hivernales de l'hémisphère nordhémisphère nord. Il semblerait même qu'elle ait influencé la trajectoire de l'ouragan Sandy.

    La disparition de la glace de mer modifie le climat, mais n'a pas d'effet direct sur l'augmentation du niveau de la mer. En effet, la formation de la banquise résulte de la glaciationglaciation de l'eau de mer. C'est donc simplement un changement de phase de l'eau de l'océan. En revanche, les glaciers et les calottes glaciaires accumulent l'eau atmosphérique sous forme solidesolide. Ainsi, la fonte de ces surfaces de glace fournit à l'océan de l'eau supplémentaire.

    Le <a title="En images : un immense iceberg se sépare du Groenland" target="_blank" href="//www.futura-sciences.com/fr/news/t/climatologie-1/d/en-images-un-immense-iceberg-se-separe-du-groenland_24721/">glacier Petermann</a> est un glacier côtier du Groenland, dont la langue s'étale sur la mer au nord-ouest de l'île. Sur les photos satellite, on peut observer à gauche et au centre la langue du glacier le 16 juillet 2012, juste avant un vêlage majeur. À droite, le même glacier le 17 juillet 2012, après la gigantesque chute d'icebergs. © Nasa
    Le glacier Petermann est un glacier côtier du Groenland, dont la langue s'étale sur la mer au nord-ouest de l'île. Sur les photos satellite, on peut observer à gauche et au centre la langue du glacier le 16 juillet 2012, juste avant un vêlage majeur. À droite, le même glacier le 17 juillet 2012, après la gigantesque chute d'icebergs. © Nasa

    La fonte du Groenland expliquerait 10 % de la hausse du niveau de la mer

    Une équipe menée par le chercheur Tobias Bolch de l'université de Zurich (Suisse) a donc cherché à quantifier plus précisément l'influence des glaciers et de la calotte du Groenland sur le niveau de la mer. Ces scientifiques ont pour cela comparé les données altimétriques de différents satellites comme IceSat ou Grace. Leur résultats, publiés dans les Geophysical Research Letters, suggèrent que les glaciers et la calotte glaciaire ont perdu 27,9 gigatonnes (Gt) de glace par an entre octobre 2003 et mars 2008. Cela représente une augmentation du niveau de la mer de 0,08 mm par an.

    Ces chiffres correspondent à la perte de glace de la calotte et des glaciers, complètement indépendants de la banquise. En effet, en hiver la banquise se forme au pied des glaciers, il peut donc être parfois difficile de distinguer les icebergs des fissures de la banquise. D'après l'étude, si l'on prend en compte les connexions entre ces trois types de surface, le taux de fonte grimpe, avec 40,9 ± 16,5 Gt de glace perdue par an, soit une augmentation de 0,12 ± 0,05 mm du niveau de la mer par an. Ce taux ne prend en compte que les connexions qui sont hydrologiquement séparables.

    La fonte des glaciers et de la calotte contribuent pour 14 % (ou 20 % si l'on considère les connexions à la banquise) du recul global du Groenland. Cela représente en outre 10 % de l'augmentation générale du niveau de la mer. Si la réduction de la banquise est franchement préoccupante, cette étude rappelle que la fonte des glaces dans son ensemble est à surveiller. Banquise, glaciers et calotte n'influencent pas de la même façon le climat. Ce qui est certain, cependant, c'est que tous sont impactés par le changement climatique.