au sommaire


    Lorsque François Ier monte sur le trône de France au printemps 1515, il est encore considéré comme un seigneur féodal mais il est le souverain au-dessus de tous les seigneurs du royaume. Il bénéficie du long travail des juristes de l'entourage royal depuis le XIIIe siècle, qui ont réinterprété le droit romain pour mieux définir la notion de souveraineté et de monarchie. Depuis le règne de Saint Louis, les légistes affirment que le roi est « empereur en son royaume » ou que « le roi est souverain par-dessus tous ».

    Portrait du roi François I<sup>er</sup> par Le Titien en 1539. Musée du Louvre, salle de la Joconde. © Musée du Louvre, Wikimedia Commons, domaine public
    Portrait du roi François Ier par Le Titien en 1539. Musée du Louvre, salle de la Joconde. © Musée du Louvre, Wikimedia Commons, domaine public

    Au début du XVIe siècle, nombreuses sont les publications d'ouvrages juridiques qui tentent de définir les pouvoirs du souverain.

    La progression vers l'absolutisme

    Le juriste Claude de Seyssel explique dans son œuvre La Grande Monarchie de France, parue en 1519, que la monarchie française est réglée par trois grands principes qui l'empêchent de dégénérer en tyrannie : la foi chrétienne, la justice et la police. Trois contre-pouvoirs en quelque sorte : l'Église, les parlements et l'administration du royaume, qui fonctionnent comme des freins à la puissance absolue du monarque.

    Guillaume Budé (grand juriste et fondateur du futur Collège de France) établit une définition de l'autorité royale absolue, dans son Institution du Prince, parue en 1547. Il souligne que le roi est le seul à pouvoir déterminer la nature de son gouvernement, qu'il n'est pas sujet aux lois du royaume ; il tient son autorité de Dieu et non des hommes. Grâce aux juristes, l'absolutisme royal prend forme mais la notion de personne sacrée du roi existe déjà au moment du sacre, par son union avec Dieu.

    Portrait de Guillaume Budé par Jean Clouet, vers 1536. Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis. © Metropolitan Museum of Art, Wikimedia Commons, domaine public
    Portrait de Guillaume Budé par Jean Clouet, vers 1536. Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis. © Metropolitan Museum of Art, Wikimedia Commons, domaine public

    Le gouvernement royal

    Pour faire admettre son autorité de souverain sur l'ensemble du royaume, François Ierest un roi législateur qui multiplie les actes (édits, ordonnances...),  innove en matière d'institutions et lance de nombreuses réformes.

    Parmi les quelque 32.000 actes législatifs du monarque, l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 est demeurée la plus célèbre : composée de 192 articles, elle exige la rédaction de tous les actes administratifs en langue française et généralise la tenue des registres paroissiaux. Cette grande ordonnance concerne tous les domaines et veut unifier les procédures mises en place par le pouvoir royal.

    Le fonctionnement du gouvernement est basé sur l'existence d'un Conseil étroit, réuni presque quotidiennement autour du roi, composé de membres de la haute noblesse et capable de s'adapter aux nombreux déplacements du souverain. Il traite avant tout des affaires militaires et diplomatiques, pendant qu'un Conseil privé siège en permanence à Paris pour gérer les affaires dites ordinaires.

    C'est toujours le souverain qui décide en dernier ressort, après avoir consulté les représentants de la « société politique ». En plus de la haute noblesse, François Ier sait s'entourer de conseillers spécialistes qui annoncent déjà le développement d'une administration d'État.

    Le roi s’assure le contrôle de l’Église de France

    L'accord conclu entre François Ier et le pape Léon X, par le concordat de Bologne de 1516, va devenir un instrument déterminant du renforcement de l'autorité royale. Le monarque obtient le droit de nomination de toutes les charges ecclésiastiques du royaume : archevêchés, évêchés, abbayes et prieurés. Il dispose du pouvoir temporel sur l'Église de France (c'est ce que l'on appelle le gallicanisme), le pape conservant le pouvoir spirituel. Le concordat prévoit le prélèvement d'un impôt (les « décimes ») sur les revenus du clergé, qui est reversé dans les caisses du Trésor royal. De plus, le roi peut soumettre et fidéliser la noblesse en lui offrant des charges ecclésiastiques (prestigieuses et lucratives) contre services rendus, militaires ou politiques.  

    Portrait de François I<sup>er </sup>en tenue de sacre, par Jean du Tillet vers 1545, dans <em>Recueil des rois de France</em>, Paris, BnF, département des Manuscrits. © Bibliothèque nationale de France
    Portrait de François Ier en tenue de sacre, par Jean du Tillet vers 1545, dans Recueil des rois de France, Paris, BnF, département des Manuscrits. © Bibliothèque nationale de France

    Les réformes engagées par François Ier

    L'importance des réformes financières engagées par le souverain s'explique par les dépenses croissantes de la monarchie, notamment en période de guerres. Les impôts (dont la taille créée en 1439) sont devenus permanents et nécessitent la mise en place d'institutions centralisées. Le Trésor de l'Épargne est créé en 1523, tous les revenus y sont désormais versés.

    Une recette des finances extraordinaires est créée en 1524 : le personnel spécialisé se met en place avec des offices de contrôleurs, receveurs et comptablescomptables. Seize recettes générales sont créées en 1542, répondant à un cadre géographique déterminé ; elles seront vingt-trois sous Louis XIV puis trente-deux en 1789. Elles sont dirigées par le Conseil du roi et contrôlées par la Chambre des comptes. L'ancêtre du Trésor public est né !

    À côté des réformes financières, François Ier entreprend des réformes de justice : en 1520 est créée la maréchaussée (ancêtre de la gendarmerie) représentant l'autorité royale sur l'ensemble du territoire, destinée à sécuriser les grands chemins du royaume et à juger les malfaiteurs. De nouveaux offices de justice sont créés, permettant d'accroître les capacités judiciaires des parlements (qui sont des organes de justice).

    Page 1 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : <em>Ordonnances royaulx sur le faict de justice et abreviation des procès par tout le royaume de France faictes par le Roy [...]</em> <em>et publiées en la cour de parlement à Paris le sixième jour du mois de septembre l'an mil cinq cent trente-neuf</em>, rédigé en français moyen par Guillaume Poyet. Archives Nationales de France, cote AE/II/1785. © Archives de France
    Page 1 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : Ordonnances royaulx sur le faict de justice et abreviation des procès par tout le royaume de France faictes par le Roy [...] et publiées en la cour de parlement à Paris le sixième jour du mois de septembre l'an mil cinq cent trente-neuf, rédigé en français moyen par Guillaume Poyet. Archives Nationales de France, cote AE/II/1785. © Archives de France

    La création des offices au service de la monarchie

    François Ier a véritablement consolidé le système des offices en instaurant leur vénalité. L'office est une délégation de service public par l'autorité royale : c'est une fonction administrative permanente à laquelle sont attachés des revenus et des privilèges pouvant aller jusqu'à l'anoblissement. La multiplication et la vente d'offices (en deux vaguesvagues : 1522-1523 et 1542-1547) permet au roi d'approvisionner les caisses de l'État, de renforcer le contrôle du territoire par la création d'institutions de justice, de police, de finances..., d'assurer la promotion sociale des notables urbains et d'en faire des serviteurs du roi. Les offices peuvent être comparés à une fonction publique d'Ancien Régime, pour le plus grand bien de la monarchie en marche vers l'absolutisme. 

    Cependant cet ensemble de transformations décisives sous François Ier, ne doit pas masquer les obstacles auxquels l'appareil d'État naissant et le souverain sont confrontés : le territoire du royaume constitue un espace immense qui se parcourt très lentement. L'application des ordres et leur contrôle par les agents royaux est toujours en décalage avec la loi du roi. Les institutions de l'État sont encore au XVIe siècle, des institutions parmi tant d'autres locales mais le roi a l'avantage de pouvoir les dominer si besoin est, par l'usage de la force armée.