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La période de la Régence qui s'étend de 1715 à 1723 (année de la majorité de Louis XV) débute avec l'annulation du testament de Louis XIV par le Parlement de Paris. Le règne du « Roi Soleil » s'achève avec la banqueroute de la monarchie, le Trésor royal est en cessation de paiements ; le régent Philippe d'Orléans (1674-1723) et son ministre-conseiller, l'abbé Dubois, vont pourtant réussir à innover en matière politique, économique et financière.
On distingue deux phases politiques de la Régence :
- la phase libérale de 1715 à 1717 inclus, avec le système de la polysynodie, forme de gouvernement (sur le modèle de la monarchie espagnole) où les ministres sont remplacés par plusieurs conseils ;
- la phase autoritaire de 1718 à 1723, dont l'artisan est l'abbé Dubois, archevêque de Cambrai et ancien précepteur de Philippe d'Orléans.
L’expérience de la polysynodie
Le 15 septembre 1715, le régent restitue au Parlement de Paris son droit de remontrance perdu en 1673, c'est-à-dire le droit d'adresser au souverain des observations sur un texte de loi avant sa promulgation. Ce droit de remontrances confère au Parlement un vrai pouvoir politique car il peut retarder voire bloquer l'applicationapplication d'un texte législatif. Le roi passe outre en tenant un « lit de justice » qui contraint à l'enregistrement. Louis XIV en supprimant le droit de remontrances, s'est assuré le silence du Parlement de Paris ; Philippe d’Orléans restaure ce droit et par là même, renforce le pouvoir parlementaire.
En septembre 1715, il instaure également la polysynodie avec un gouvernement composé de sept conseils : Affaires intérieures, Guerre, Affaires étrangères, Marine, Finances, Commerce et Conscience (affaires religieuses). Mais le Conseil de Régence composé d'une dizaine de personnes forme le véritable organe de gouvernement. La polysynodie correspond aux vœux des membres influents de l'aristocratie qui vont faire partie de ces sept nouveaux conseils. C'est le retour de la haute noblesse que Louis XIV avait pris soin d'écarter ; inversement le personnel mis en place par le roi défunt est révoqué. Cependant le personnel politique et administratif des provinces n'est pas modifié, ce qui assure une continuité de l'exercice de l'autorité.
Certains conseils mis en place par le régent vont se distinguer par leur compétence et leur volonté de réformes : le conseil des Finances va tenter une remise en ordre, en supprimant des offices et en diminuant les pensions royales. Il propose également une réforme de la taille (impôt direct), en la rendant proportionnelle aux revenus des personnes (idée émise par Vauban en 1707). Malheureusement cette tentative de nouvelle imposition échoue dans la généralité de Paris qui servait de circonscription test et elle est abandonnée.
La volonté politique du régent est en réalité d'affaiblir les conseils, pour les transformer en simples organes consultatifs. Philippe d'Orléans les vide progressivement de leur contenu en multipliant les entretiens individuels au détriment de la consultation collective ; comme le soulignera Voltaire, il s'est comporté en « régent absolu ». De fait, les conseils sont supprimés en 1718.
La phase autoritaire de la Régence
L'artisan de l'autoritarisme renforcé de l'État royal est certainement l'abbé Dubois, ancien précepteur du régent qui va devenir le principal conseiller de Philippe d'Orléans. En août 1718 a lieu une véritable épreuve de force entre le régent et le Parlement de Paris : les parlementaires sont convoqués pour un lit de justice qui se déroule exceptionnellement au château des Tuileries, où réside le jeune Louis XV.
Face aux remontrances du Parlement, le régent va opposer la notion de prérogative royale et d'absolutisme : les lois existent par la volonté du souverain, leur enregistrement et leur promulgation sont un acte d'obéissance des parlementaires. Le roi, par l'intermédiaire de Philippe d'Orléans, supprime le droit de remontrances du Parlement et l'oblige à enregistrer les édits royaux ; il reprend ce qu'il a donné en septembre 1715.
La phase suivante est la suppression du gouvernement par conseils (la polysynodie) en septembre 1718. On voit réapparaître les fonctions de secrétaires d'État et les anciens chefs des conseils entrent au Conseil de Régence qui passe de dix à vingt-deux membres. Mais ce Conseil conserve uniquement un rôle approbateur de décisions déjà prises avant de lui être soumises.
Le gouvernement de la Régence a pris un virage autoritaire dès l'automneautomne 1718 et ce qui reste d'opposition va se concentrer sur les affaires étrangères, où une partie de l'aristocratie ne tolère ni le rapprochement avec l'Angleterre ni la mauvaise entente avec l'Espagne de Philippe V. L'abbé Dubois décède en août 1723, suivi de près par Philippe d'Orléans en décembre. De fait, la Régence s'est achevée le 16 février 1723, avec la majorité de Louis XV : elle s'accompagne de la restauration du Conseil du roi qui comprend alors cinq personnes dont le cardinal Fleury, précepteur de Louis XV, qui devient son principal ministre jusqu'en 1743.
Le bilan de la Régence
Philippe d'Orléans transmet à Louis XV un royaume en bon état de marche : il a réussi la transition entre un État de guerre en cessation de paiements, vers un État de paix sorti du surendettement. La polysynodie confirme le retour au gouvernement de la haute noblesse ; le droit de remontrance rendu au Parlement en 1715 et repris en 1718, suivi de la suppression des conseils, rouvrent la voie à la monarchie autoritaire. Après 1718, on revient progressivement au système « louis-quatorzien » considéré comme un modèle incontournable. La tentative de réforme financière de l'économiste John Law (le Système de Law), bien qu'elle ait fâché les Français avec le papier-monnaie, a relancé les échanges commerciaux et favorisé le désendettement de l'État et de la population. Le royaume de France est lancé sur les rails de la croissance économique dès les années 1720.