Le siècle des Lumières (1715-1789) arrive au terme d’une lente maturation enclenchée par les découvertes scientifiques de la Renaissance, lesquelles aident à mieux comprendre le monde naturel. L’esprit de la connaissance traverse tous les champs de la société, religieux, politique, économique, artistique, relayés par de brillantes plumes littéraires.


au sommaire


    Ce renouveau intellectuel et culturel, philosophique et scientifique, prend racine en France et va s'étendre à l'Europe. Ce changement de paradigme bouleverse la représentation du monde. Avec le mouvement des Lumières, le genre littéraire français trouve un nouveau souffle et voit l'émergenceémergence d'idées et de pensées qui seront les fermentsferments de la Révolution française. La critique des croyances, le besoin de justice sociale et de liberté, sont au coeur des ouvrages littéraires publiés au XVIIIe siècle.

    Les encyclopédistes, philosophes des Lumières, contre la censure

    On ne peut parler du siècle des Lumières et de son influence sur la production littéraire sans évoquer la Société des gens de lettres, ou les Encyclopédistes (150 contributeurs environ), ayant participé à la rédaction du « Dictionnaire des sciences, des arts et des métiers ». C'est la première encyclopédie française, dont l'objectif était de consigner la somme des connaissances de l'époque. Elle fut rédigée sous la direction partielle de d’Alembert (1717-1783), philosophe, mathématicienmathématicien et physicienphysicien, puis de Diderot, dont ce sera l'œuvre d'une vie. Ce dernier en rédigera plus d'un millier d'articles.

    Denis Diderot, cheville ouvrière de <em>L'Encyclopédie</em> dont il rédige plus d'un millier d'articles. © œuvre de Louis-Michel van Loo, Musée du Louvre, DP
    Denis Diderot, cheville ouvrière de L'Encyclopédie dont il rédige plus d'un millier d'articles. © œuvre de Louis-Michel van Loo, Musée du Louvre, DP

    Désacralisation du religieux avec le mouvement des Lumières

    Diderot (1713-1784) est un érudit, penseur, romancier, essayiste (« Mémoire sur différents sujets de mathématiques »), entre autres, critique d'art (« Démonstration du principe de l'harmonie ») et traducteur. Il fait partie du courant des matérialistes attachés à la compréhension des phénomènes naturels. Considéré comme dangereux et subversif, Diderot est incarcéré à la suite de la publication de sa « Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient ». Son anticléricalisme s'illustre dans son roman « La religieuse », un poignant réquisitoire pour le libre choix de sa destinée. Ce thème interrogatif se retrouve dans son roman « Jacques le fataliste et son maître ». Enfin, « Le neveu de Rameau » est une réponse satirique à la cabale des anti philosophes de l'époque. 

    Justice sociale : l’espoir du monde meilleur avec le mouvement des Lumières

    Au travers de la littérature, le mouvement des Lumières contribue à faire avancer la société civile en relayant les concepts philosophiques émergeants. Deux grands auteurs auront une importance majeure : Jean-Jacques Rousseau et Voltaire. Tout les oppose, pourtant tous deux sont considérés comme les pères de la Révolution française, l'un est un solitaire, l'autre est un mondain.

    Rousseau s'interroge dans son « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » (1755) et sur les lois naturelles. Cet humaniste idéaliste inspire les Révolutionnaires avec son œuvre majeure : « Du contrat social » (1762) est à l'origine de la Déclaration des Droits de l'Homme. Il prône un État où ses dirigeants ne seraient pas au dessus des lois. Son «Émile ou l'éducation » dépeint d'autres méthodes d'enseignement basé sur l'apprentissage et l'observation de la nature. Rousseau est l'initiateur d'un genre littéraire nouveau, l'autobiographie avec « Les Confessions », devenant le sujet principal de son œuvre. Avec le dernier de ses écrits « Les Rêveries du promeneur solitaire », il inaugure un nouveau stylestyle, révolutionnaire lui aussi : l'introspection du « moi » et de ses souvenirs.

    Les deux visages d'une même aspiration : liberté et justice. À gauche, Voltaire, le mondain caustique. © Maurice Quentin de la Tour, Musée Antoine-Lécuyer, DP. À droite, Jean-Jacques Rousseau, le solitaire. © Atelier de Nicolas de Largillière, portrait de Voltaire. Musée Carnavalet, DP
    Les deux visages d'une même aspiration : liberté et justice. À gauche, Voltaire, le mondain caustique. © Maurice Quentin de la Tour, Musée Antoine-Lécuyer, DP. À droite, Jean-Jacques Rousseau, le solitaire. © Atelier de Nicolas de Largillière, portrait de Voltaire. Musée Carnavalet, DP

     Voltaire (1694-17778) est un homme du monde, caustique. Son impertinence virulente le contraint à l'exil, notamment en Angleterre. Dans « Les lettres philosophiques », il décrit la modernité de cette société anglaise, tolérante, prospère économiquement. Fortement épris et influencé par Émilie du Châtelet, il est le premier à traduire les idées de Newton sur la Gravitation universelle (« Épître sur Newton »). Sa production littéraire embrasse le théâtre, la poésie, l'histoire et de nombreux pamphlets ainsi qu'une abondante correspondance (23.000 lettres retrouvées). Anticlérical mais déiste, Voltaire dénonce le fanatisme des religions (« Œdipe », « Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète »).

    Il lutte inlassablement contre l'intolérance et l'injustice, son « Dictionnaire philosophique ou la raison par l'alphabet » se vendent sous forme de feuillets, un format qui favorise la diffusion « sous le manteaumanteau », déjouant ainsi la censure. Il milite et privilégie une morale civique plutôt qu'une société laïque. Voltaire est aussi connu pour ses contes dont « Micromégas » ou « Zadig et la destinée ».

    Son chef d'œuvre est « Candide ou l'optimisme ». Son récit philosophique est une réflexion critique qui aborde tous les courants de réflexion du siècle : politique, tyrannie, religion, connaissance, obscurantisme, liberté et esclavagisme dont il condamne le système de la traite négrière (« Esprit sur les mœurs et l'esprit des nations »). Pour l'anecdote, Voltaire était par éthique végétarienvégétarien, refusant de considérer les animaux comme une espèceespèce inférieure.

    Clin d'oeil pour les nostalgiques du Franc. Montesquieu est représenté ici sur ce billet qui a été émis en 1982 « <em>commémorant les personnages illustres qui ont contribué à la constitution du patrimoine historique de la France »</em>. © Banque de France, DP
    Clin d'oeil pour les nostalgiques du Franc. Montesquieu est représenté ici sur ce billet qui a été émis en 1982 « commémorant les personnages illustres qui ont contribué à la constitution du patrimoine historique de la France ». © Banque de France, DP

    Les fondements des sciences politiques

    Comme Voltaire, Montesquieu (1689-1755) critique le régime politique français, l'intolérance et l'obscurantisme religieux. Dans « Mes pensées », un recueil de réflexions, il note, non sans ironie, qu'« il est très surprenant que les richesses des gens d'Église aient commencé par le principe de pauvreté. » Dans l'un de ses premiers ouvrages, teinté d'exotisme, « Les lettres persanes », le philosophe pose les bases du relativisme culturel, s'inscrivant dans un contexte historique où les échanges commerciaux avec l'Orient sont en plein essor. Ce roman est une satire de la société et du mode de vie sous la Régence du Duc d'Orléans. En adoptant une analyse scientifique des différents modes de gouvernement, MontesquieuMontesquieu est le précurseur de la sociologie et des sciences politiques. 

    Considéré comme un traité sociologique des mœurs politiques, « De l'esprit des lois » observe et compare les différents types de gouvernements (la république, la monarchie et le despotisme). Son ouvrage prône le libéralisme. Montesquieu dénonce les régimes absolus, contraires aux volontés des peuples. Il salue le régime républicain anglais qui sépare les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

    La liberté au cœur du mouvement des Lumières

    Marivaux (1688-1763) n'est pas un philosophe des Lumières, mais cet écrivain, dramaturge, a cependant influencé par sa pensée et sa plume : « L'Île des esclaves » en témoigne avec cette comédie satirique du commerce triangulaire. Sur fond de commedia dell'arte, il fustige la noblesse frivole et arrogante.

    Beaumarchais (1732-1799), philosophe, dramaturge, musicien, hommes d'affaires (et espion !), est animé par l'exigence de liberté d'expression et d'opinion. On lui doit la célèbre phrase : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. » Il est à l'origine de la première loi sur le droit d'auteur, initiative reconnue durant la Révolution française. Les péripéties de sa vie et ses activités d'espionnage en Europe le conduisent à prendre part à la guerre d'indépendance des États-Unis. Ses plus célèbres œuvres sont « Le Barbier de Séville » et « Le Mariage de Figaro ». Signe avant-coureur de la Révolution française, la pièce de théâtre comique dénonce d'une société inégalitaire et les privilèges archaïques de la noblesse. La satire fait un triomphe dès la première représentation. Elle résume, à elle seule, le contexte conservateur de la société de l'époque et l'espoir apporté par le mouvement des Lumières pour la liberté, l'amour, le bonheur et la justice.

    À gauche, « <em>Voilà où nous réduit l’Aristocratie. </em>» Beaumarchais, entre deux gardes françaises qui le conduisent à Saint-Lazare. Bibliothèque nationale de France. © Gallica, BNF, DP. Au centre : Beaumarchais, peint par Jean-Marc Nattier © Collection particulière<em>, Wikimedia</em> Commons, DP. À droite, <em>« Rosine! Rosine ! Ma chère Rosine ! Je jure que je t'adore </em>». © Librairie du Congrès des États-Unis, <em>Wikimédia</em> Commons, DP
    À gauche, « Voilà où nous réduit l’Aristocratie. » Beaumarchais, entre deux gardes françaises qui le conduisent à Saint-Lazare. Bibliothèque nationale de France. © Gallica, BNF, DP. Au centre : Beaumarchais, peint par Jean-Marc Nattier © Collection particulière, Wikimedia Commons, DP. À droite, « Rosine! Rosine ! Ma chère Rosine ! Je jure que je t'adore ». © Librairie du Congrès des États-Unis, Wikimédia Commons, DP

    Quid des femmes écrivaines avec le mouvement des Lumières ?

    Exclues des Sociétés savantes et des universités, les femmes n'avaient pas d'autres moyens que d'être autodidactes, comme Émilie du ChâteletÉmilie du Châtelet, mathématicienne, femme de lettres et physicienne. Même l'humaniste, Rousseau, déclare dans une lettre à d’Alembert que « les femmes (...) n'ont aucun génie ». Pourtant, au XVIIe siècle, c'est grâce aux salons que tiennent les femmes de la noblesse et de la haute société, les salonnières, que les courants intellectuels et scientifiques se diffusent. Les Encyclopédistes ont pu ainsi propager leurs travaux de recherche et leurs écrits. Les salons ont été le ferment de la Révolution française. 

    À savoir

    Par cette expression, les Lumières s'opposent à l'obscurantisme et prônent la connaissance, émanant d'une prise de conscience intérieure et individuelle. Une pensée libre éclairée par la raison.