En 1715, l’économiste écossais John Law propose au régent Philippe d’Orléans, un système capable de résoudre l’énorme problème du déficit royal hérité de Louis XIV. Law estime que la monnaie métallique est un frein à la circulation commerciale car chroniquement dépendante des stocks d’or et d’argent. De plus elle est encombrante et lourde : le papier-monnaie constitue la solution la plus adéquate.

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    John Law s'inspire de la banque d'Angleterre créée en 1694 et de la banque d'Écosse ouverte en 1695, pour mettre en place une banque privée qui va émettre des billets de monnaie capables de remplacer les espèces métalliques. Il estime ainsi pouvoir relancer et stimuler l'économie française. La banque va fonctionner comme un service public, qui reçoit les pièces d'or et d'argent et les échange contre des billets de valeur équivalente. Ces billets peuvent être remboursés en espècesespèces lorsqu'ils sont présentés au guichet de la banque. Le volume des émissions de billets peut augmenter si le public a confiance et vient échanger ses pièces de monnaie ; le but est de substituer la monnaie de papier à la monnaie métallique.

    Depuis le XIIIe siècle, les lettres de change permettent à un acheteur de ne pas payer comptant une marchandise, en signant à son fournisseur un « effet » lui promettant le paiement à court terme moyennant un intérêt. Les banques de la Renaissance sont des établissements privés travaillant essentiellement avec de grands négociants ; leurs lettres de change ne peuvent pas être considérées comme de la monnaie.

    Billets de la Banque Royale émis le premier janvier 1720. © Wikimedia Commons, Domaine Public

    Billets de la Banque Royale émis le premier janvier 1720. © Wikimedia Commons, Domaine Public

    La première banque d’État

    John Law se différencie de ces organismes anciens en créant une banque de dépôt, d'émission et de crédit, appelée Banque générale, dont le capital de départ s'élève à 6 millions de livres tournois. En avril 1717, un arrêt du Conseil du Roi autorise toutes les opérations de paiement en billets de la Banque générale (même pour les recettes fiscales). Dans une seconde étape, en septembre 1717, John Law fonde la Compagnie de commerce d'Occident dont le capital s'élève à 100 millions de livres tournois : elle détient le monopole du commerce avec la Louisiane, le Canada, la Chine, les Indes, le Sénégal (monopole de la traite des esclaves sur les côtes d'Afrique). À partir de septembre 1718, elle bénéficie en plus du monopole du tabac ; elle devient un véritable « trust » qui contrôle l'essentiel du commerce colonial français. Les activités de la Compagnie vont servir à renforcer le crédit de la Banque générale puisque les trois quarts du capital de la banque sont convertis en actions de la Compagnie.

    La Banque générale devient Banque Royale en décembre 1718 ; cette transformation marque le début d'une fièvrefièvre spéculative incroyable car le public est séduit par la publicité faite autour des bénéfices de la Compagnie, décrétée Compagnie des Indes en mai 1719.

    La première banqueroute

    En janvier 1720, des membres du Conseil de régence (John Law y a quelques ennemis politiques), grands souscripteurs de la Compagnie, commencent à vendre en massemasse leurs actions contre d'énormes quantités de billets de banque, échangés ensuite contre des espèces métalliques au guichet de la Banque Royale. La panique spéculative saisit les petits souscripteurs. Pour enrayer la baisse des actions, la fusionfusion entre la Compagnie des Indes et la Banque Royale est annoncée le 2 février 1720. La banqueroute est avérée en juin 1720, les billets ont perdu 90 % de leur valeur initiale ; la Banque Royale est supprimée le 10 octobre 1720 et tous les billets sont démonétisés. Fin du système de Law ; il faudra attendre le 18 janvier 1800 pour assister à la création de la Banque de France.