En principe, la noblesse française s’hérite par la naissance : ni la richesse ni le nom, ni les armoiries ne suffisent à désigner une personne noble. L’ancienneté de la lignée demeure le principal critère jusqu’au XVIe siècle, lorsque la noblesse « de sang » est confrontée à de nouveaux nobles, créés par l’accès aux offices. Ces charges, conférées par le roi, permettent de rejoindre la noblesse sous certaines conditions.


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    Qu'est-ce qu'un office ? L'office peut être considéré comme une délégation de service public par l'autorité royale : l'officier exerce une fonction administrative permanente à laquelle sont attachés des revenus et des privilèges (judiciaires et fiscaux) pouvant aller jusqu'à l'anoblissement. La nomination par « lettre de provision » souligne le lien de dépendance personnelle qui unit l'officier au roi. L'office permet l'accès à la noblesse : selon une enquête demandée par Colbert en 1664, sur 50.000 offices seuls 3.700 (qui sont les grandes charges d'État) confèrent la noblesse au premier degré (c'est-à-dire à la première génération) ; sinon l'officier doit attendre au moins deux générations avant que sa lignée n'intègre la noblesse de robe.

    La création des offices

    En 1467, une ordonnance du roi Louis XI rend l'office inamovible : une fois acquise, la charge est conservée jusqu'au décès de son détenteur. Cette perpétuité de l'office est complétée par sa vénalité : avec Louis XII (roi de 1498 à 1515), la monarchie prend l'habitude de conférer elle-même les charges d'officiers contre argent comptant. En 1522, François Ier crée une caisse spéciale, la « recette des parties casuelles », destinée à recevoir les revenus tirés des ventes d'offices. En 1604, Henri IVHenri IV instaure une taxe annuelleannuelle fixée à 1/60e de la valeur de l'office (surnommée la « Paulette », du nom de son instigateur Charles Paulet), permettant à son titulaire de transmettre, louer, prêter ou diviser sa charge. Cette décision royale généralise l'hérédité des offices et permet ainsi à son détenteur de l'intégrer à son patrimoine. Ce principe ne s'applique pas aux grands officiers de la Couronne (chancelier, présidents des parlements...), aux charges inamovibles mais pas héréditaires.

    Le chancelier est le premier grand officier de France : il est le détenteur de tous les sceaux royaux et le scellement des actes est sa première prérogative. Il est également à la tête d'une administration importante (au moins 300 personnes au XVIIIe siècle) dont la fonction est de produire les actes écrits émanant du roi (ordonnances, édits, nominations...).

    Portrait des juristes et présidents du parlement de Provence, Cardin Le Bret et son père, par Hyacinthe Rigaud en 1697. Melbourne, National Gallery of Victoria, Australia. © Domaine public
    Portrait des juristes et présidents du parlement de Provence, Cardin Le Bret et son père, par Hyacinthe Rigaud en 1697. Melbourne, National Gallery of Victoria, Australia. © Domaine public

    L’office devient une ressource essentielle pour la monarchie

    La conséquence de la vénalité des offices est, bien entendu, la multiplication de leur création par le roi, car ils constituent une rentrée d'argent de plus en plus importante pour la monarchie. Dans la première moitié du XVIIe siècle, le produit des offices représente en moyenne 30 à 40 % des recettes royales. Jamais la royauté n'a pu se dispenser de cette ressource à partir du moment où elle l'a introduite ; Louis XIV a multiplié les offices afin de financer ses guerres européennes.

    L'office est devenu un objet de commerce : il a donc un prix fixé en fonction du bénéfice que l'on peut en tirer à partir du capital investi. Cela peut aller jusqu'au million de livres tournois pour les grandes charges d'État. Au moins 70.000 offices sont liquidés par l’Assemblée nationale lorsqu'elle abolit les privilèges, le 4 août 1789.

    L’accès à la noblesse par l’office

    Un édit royal de 1600 autorise l'anoblissement par la charge d'officier : la noblesse peut être acquise au deuxième degré (ou deuxième génération) après vingt ans de service minimum pour chaque degré. Le terme « noblesse de robe » désignant la noblesse acquise par l'office, apparaît pour la première fois dans un édit de 1602.

    En dehors de la filiation, les privilèges de la noblesse sont judiciaires et fiscaux : un noble sera jugé devant un tribunal de première instance (il peut donc faire appel de la décision) et pour un crime, uniquement par le Parlement de Paris. En cas d'exécution, il aura le privilège d'être décapité !

    Le privilège fiscal essentiel est l'exemption de la taille, impôt direct frappant au moins 85 % de la population française. Toutefois les nobles s'acquittent de la capitation à partir de 1695 (mais pas le clergé qui a réussi à en être dispensé contre un « don gratuit ») : cette taxe créée par Louis XIV, représente 1/11 des revenus pour les roturiers et 1/90 pour la noblesse en 1789.

    Intérieur noble au XVIII<sup>e</sup> siècle : <em>Le déjeuner</em> de François Boucher, en 1739. Musée du Louvre, aile Sully, salle 921. © 2007, Musée du Louvre/Angèle Dequier
    Intérieur noble au XVIIIe siècle : Le déjeuner de François Boucher, en 1739. Musée du Louvre, aile Sully, salle 921. © 2007, Musée du Louvre/Angèle Dequier

    Le nombre de nobles est très difficile à déterminer : ils sont plus nombreux au XVIe siècle qu'à la fin du XVIIIe siècle et représentent environ 1,5 % de la population globale. L'expansion nobiliaire ralentit dès la fin du XVIIe siècle, après la grande réforme entreprise par Colbert à partir de 1666 : la volonté de contrôle aboutit à une chasse aux « faux nobles » qui deviennent imposables. Pour l'ensemble de la noblesse, on peut avancer une baisse de 50 % entre 1650 et 1789.