Des chercheurs de l’Institut d’Astrophysique des Canaries ont observé pour la première fois un filet de poussière cosmique, long de plusieurs centaines de parsecs, orbiter autour d’un trou noir avant de se faire absorber. Ce phénomène permettrait au trou noir de s’alimenter et expliquerait le manque de visibilité dans certaines zones du noyau galactique.


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    Comprendre la croissance et l'impact des trous noirs sur leur environnement passe par l'analyse de leur régime alimentaire. Une équipe d'astronomesastronomes de l'Institut d'Astrophysique des Canaries (IAC), menée par le Dr. Almuneda Prieto, a publié le 16 juin dans Monthly Notices of Royal Astrophysical Society une étude portant sur l'absorptionabsorption de matière par un trou noir. Après avoir pointé plusieurs télescopes vers le centre de la galaxie NGC 1566, à 40 millions d'années-lumière, les chercheurs ont pu observer avec précision l'ingestioningestion de filaments de poussière par son trou noir supermassiftrou noir supermassif.

    Processus d'ingestion de filaments de poussière par le trou noir supermassif de NGC 1566. © ESO, IAC
    Processus d'ingestion de filaments de poussière par le trou noir supermassif de NGC 1566. © ESO, IAC

    Le régime alimentaire d’un monstre cosmique

    C'est la seconde fois en moins d'un an que les astrophysiciensastrophysiciens observent des phénomènes singuliers concernant l'alimentation des trous noirs. En octobre 2020, une étude révélait un processus de spaghettification d’une étoile s'étant approchée de l'un de ces monstres célestes. Un trou noir se nourrit de la matière piégée dans son champ gravitationnel, qui forme un disque d'accrétiondisque d'accrétion en s'approchant de l'horizon des évènements et se fait absorber à terme.

    Les recherches menées par le Dr. Prieto font état de filaments de poussière longs de quelques centaines de parsecsparsecs (un parsec étant équivalent à 3,26 années-lumière) évoluant à proximité du trou noir supermassif au centre de NGCNGC 1566. Ces poussières vont commencer à graviter autour, tourbillonnant à des vitessesvitesses atteignant 80 km par seconde avant de se faire engloutir définitivement. Grâce à cette observation, les scientifiques peuvent déterminer que le trou noir nécessite une quantité négligeable de matière pour se nourrir, la quantité de matière absorbée étant équivalente à 1/100e de la massemasse du SoleilSoleil.

    Représentation de la spaghettification d'une étoile par un trou noir. © ESO, Martin Kornmesser
    Représentation de la spaghettification d'une étoile par un trou noir. © ESO, Martin Kornmesser

    Un autre fait non négligeable est rapporté dans l'étude. Ces filaments de poussière tourbillonnant autour du trou noir de NGC 1566 seraient suffisants pour provoquer un obscurcissement du noyau de la galaxiegalaxie. Ces phénomènes d'assombrissement seraient visibles dans d'autres systèmes tels que la Voie lactéeVoie lactée qui abrite, elle aussi, de longs filaments poussiéreux aux abords de Sagittarius A*Sagittarius A*.

    Le programme Parsec pour comprendre les trous noirs

    Cette étude a vu le jour grâce au programme Parsec, financé par l’IAC. L'équipe de Parsec, composée de 27 chercheurs, a mené plusieurs recherches basées sur l'activité des trous noirs selon leurs interactions avec d'autres éléments extérieurs, notamment des résidus de gazgaz et poussières présents au centre des galaxies.

    Les astronomes ont superposé des images obtenues avec trois télescopes différents : HubbleHubble, le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) et l'Altacama Large Millimeter Array (Alma), ces deux derniers étant basés au Chili et gérés par l'European SouthernSouthern Laboratory (ESOESO). « L'utilisation de ces télescopes a ouvert de nouvelles perspectives concernant ce trou noir supermassif, grâce à l'imagerie haute résolutionrésolution qu'ils ont fournie ainsi qu'à leur visualisation panoramique des abords du trou noir », ajoute Almuneda Prieto dans une déclaration publiée sur le site de l'IAC.

    Plateforme accueillant les quatre télescopes formant le VLT. © ESO
    Plateforme accueillant les quatre télescopes formant le VLT. © ESO

    Si les équipes de l'Institut d'Astrophysique devaient encore passer de nombreuses heures à observer les différents trous noirs qui peuplent l'universunivers pour comprendre leur interactions avec les galaxies, ils seront aidés dans les années à venir par de nouveaux instruments : le James Webb Space Telescope, successeur de Hubble, dont le lancement est prévu pour novembre 2021, ou encore l'Extremely Large TelescopeExtremely Large Telescope (ELT), qui sera inauguré au Chili en 2025.