Le VLT a pu observer l'un des plus grands objets isolés connus, datant de l'univers jeune, appelés nuages Lyman-alpha. L'équipe d'astronomes impliquée dans ces observations a ainsi pu lever le voile sur l'énigmatique source d'énergie de ce nuage géant de gaz : elle proviendrait de galaxies lumineuses cachées au-dedans. 

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    Des galaxies enfouies dans le nuage géant de gaz expliquent son rayonnement. © ESO

    Des galaxies enfouies dans le nuage géant de gaz expliquent son rayonnement. © ESO

    Des observations réalisées avec le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESO ont permis de faire la lumière sur la source d'énergie d'un vaste nuagenuage de gaz brillant très rare, datant des premiers instants de l’univers. Les observations montrent pour la première fois que ce « nuage Lyman-alpha » géant - un des plus grands objets isolés connus - doit être alimenté en énergie par des galaxies enfouies en son sein. Des résultats présentés dans la revue Nature du 18 août.

    Une équipe d'astronomesastronomes a utilisé le Very Large Telescope (VLT) de l'ESO pour étudier un objet peu commun appelé nuage Lyman-alpha1. Ces structures énormes et très lumineuses sont rares. Elles sont habituellement observées dans les régions de l'univers jeune où la matière est concentrée. Cette équipe a découvert que la lumière provenant de l'une de ces structures est polarisée2. Dans la vie quotidienne, par exemple, la lumière polarisée est utilisée pour créer des effets 3D au cinéma3. C'est la première fois qu'une polarisation est trouvée dans un nuage Lyman-alpha, une observation qui permet de dévoiler le mystère sur ce qui fait briller ces nuages.

    Les galaxies lumineuses à la source du rayonnement

    « Nous avons montré pour la première fois que le rayonnement de cet objet énigmatique provient de la lumière diffusée par les galaxiesgalaxies lumineuses qui y sont cachées plutôt que de la luminositéluminosité propre du gaz répandu dans tout le nuage », explique Matthew Hayes (université de Toulouse, France), premier auteur de l'article scientifique.

    Les nuages Lyman-alpha sont parmi les plus gros objets de l'universunivers : de gigantesques nuages d'hydrogènehydrogène qui peuvent atteindre quelques centaines de milliers d'années-lumièreannées-lumière de diamètre (plusieurs fois la taille de la Voie lactée) et sont aussi brillants que les galaxies les plus lumineuses. Ils sont habituellement observés à de très grandes distances astronomiques, ce qui signifie que nous les voyons tels qu'ils étaient quand l'univers n'avait que quelques milliards d'années d'existence. Ils sont de ce fait importants pour notre compréhension de la formation et de l'évolution des galaxies quand l'univers était plus jeune. Toutefois, la source énergétique de leur très grande luminosité et la nature précise de ces nuages n'étaient pas très claires.

    L'équipe a étudié une des premières et des plus grosses de ces structures à avoir été observées. Connue sous le nom de LAB-1, elle a été découverte en 2000 et elle est si éloignée qu'il a fallu 11,5 milliards d'années à sa lumière pour nous atteindre. Avec un diamètre d'environ 300.000 années-lumière, c'est aussi l'une des plus grandes connues et elle héberge plusieurs galaxies primordiales dont une galaxie active4.

    LAB-1 héberge plusieurs galaxies primordiales, dont une galaxie active. Ici M 106, un exemple de galaxie active. © Jay Gabany

    LAB-1 héberge plusieurs galaxies primordiales, dont une galaxie active. Ici M 106, un exemple de galaxie active. © Jay Gabany

    Les nuages Lyman-alpha confrontés aux théories

    Il existe plusieurs théories concurrentes pour expliquer les nuages Lyman-alpha. L'une d'entre elles est qu'ils brillent quand le gaz se contracte du fait de la très forte attraction gravitationnelle du nuage et qu'il se réchauffe. Autre théorie : ils hébergent des objets lumineux comme des galaxies en pleine formation intense d’étoiles ou contenant des trous noirs voraces engloutissant de la matière. Les récentes observations montrent que ce sont des galaxies enfouies et pas l'attraction du gaz qui alimentent LAB-1.

    L'équipe a testé les deux théories en mesurant si la lumière du nuage était polarisée ou non. En étudiant la manière dont la lumière est polarisée, les astronomes peuvent découvrir des informations sur les processus physiquesphysiques qui produisent cette lumière ou ce qui s'est passé entre sa source et son arrivée sur Terre. Si elle a été réfléchie ou diffusée, elle devient polarisée et ce subtil effet peut être détecté avec un instrument très sensible. Du fait de leur très grande distance, mesurer la polarisation de la lumière d'un nuage Lyman-alpha est toutefois un véritable défi.

    « Ces observations n'auraient pas pu être réalisées sans le VLT et son instrument FORS. Nous avions clairement besoin de deux choses : un télescope avec un miroir d'au moins 8 mètres pour collecter suffisamment de lumière et une caméra capable de mesurer la polarisation de la lumière. Il n'y a pas beaucoup d'observatoires au monde offrant cette combinaison », ajoute Claudia Scarlata, coauteur de l'article scientifique.

    Une vue du VLT accompagné de Vista, dans le soleil du matin. © H.-H. Heyer

    Une vue du VLT accompagné de Vista, dans le soleil du matin. © H.-H. Heyer

    En observant leur cible pendant environ 15 heures avec le VLT, l'équipe a trouvé que la lumière du nuage Lyman-alpha LAB-1 était polarisée dans un anneau autour de la région centrale et qu'il n'y avait pas de polarisation au centre. Cet effet est pratiquement impossible à produire si la lumière vient seulement du gaz tombant vers l'intérieur du nuage sous l'effet de la gravitégravité, mais c'est exactement ce qui est attendu si la lumière provient des galaxies enfouies dans la région centrale avant d'être diffusée par le gaz.

    Les astronomes projettent maintenant d'observer davantage de ces objets afin de voir si le résultat obtenu pour LAB-1 est valable pour les autres nuages.

    Informations

    Cette recherche a été présentée dans un article de la revue Nature du 18 août 2011 : "Central Powering of the Largest Lyman-alpha Nebula is Revealed by Polarized Radiation" by Hayes et al.

    L'équipe est composée de Matthew Hayes (université de Toulouse, France et observatoire de Genève, Suisse), Claudia Scarlata (University of Minnesota et SpitzerSpitzer Science Center, California Institute of Technology, Pasadena, USA) et Brian Siana (University of California, Riverside, USA).

    Notes :

    1. Le nom vient du fait que ces nuages émettent de la lumière à une longueur d'ondelongueur d'onde caractéristique connue en tant que rayonnement « Lyman-alpha » qui est produit quand les électronsélectrons de l'atomeatome d'hydrogène descendent du second niveau d'énergie au niveau le plus bas.
    2. Quand les ondes lumineuses sont polarisées, leurs composantes de champ électriquechamp électrique et de champ magnétiquechamp magnétique ont une orientation spécifique. Dans la lumière non polarisée, l'orientation du champ est aléatoire et n'a pas de direction préférée.
    3. L'effet 3D est créé en s'assurant que l'œilœil gauche et l'œil droit regardent des images légèrement différentes. L'astuce utilisée dans certains cinémas 3D fait appel à de la lumière polarisée : des images séparées, réalisées avec de la lumière polarisée différemment, sont envoyées à notre œil droit et à notre œil gauche par des filtres polarisés sur les lunettes.
    4. Les galaxies actives sont des galaxies dont le cœur brillant est supposé être alimenté par un trou noirtrou noir massif. Leur luminosité vient de la matière chauffée alors qu'elle est attirée par le trou noir.