La noosphère a découvert plus de 5 300 exoplanètes dans la Voie lactée et certaines sont ce que l'on appelle des super-Terres. Des bizarreries dans leurs caractéristiques ont poussé les planétologues à proposer une modification de la théorie de la formation planétaire inspirée par un scénario de la formation des lunes de Jupiter.


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    Konstantin Batygin, professeur de sciences planétaires au mythique Caltech, et Alessandro Morbidelli, de l'Observatoire de la Côte d'Azur ont publié il y a quelque temps dans Nature Astronomy une nouvelle théorie de la formation des planètes rocheuses, théorie en mesure d'expliquer une caractéristique mystérieuse jusqu'à aujourd'hui de la classe des planètes telluriques appelées des « super-Terressuper-Terres ».  

    Batygin et Morbidelli, qui ont collaboré sur plusieurs papiers ces dernières années, que l'on peut trouver sur Arxiv, ne sont pas des inconnus. Alessandro Morbidelli est en effet, avec des collègues, à l'origine du fameux modèle de Nice proposé pour expliquer la formation, la structure et l'évolution du Système solaire en faisant intervenir des migrations planétaires. Il a aussi plusieurs fois collaboré avec Sean Raymond sur ces questions, avec notamment le modèle du grand virement de bord, le Grand Tack. Quant à Konstantin Batygin, il est probablement célèbre pour avoir été à l’origine, en janvier 2016, de l’hypothèse de l’existence d’une neuvième planète dans le Système solaire, avec son collège du Caltech, l'astronomeastronome Michael E. Brown.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. Mojo : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Les caractéristiques des super-Terres

    Dans un communiqué du Caltech, Konstantin Batygin explique : « Alors que nos observations d'exoplanètes ont augmenté au cours de la dernière décennie, il est devenu clair que la théorie standard de la formation des planètes doit être révisée, en commençant par les fondamentaux. Nous avons besoin d'une théorie qui puisse simultanément expliquer la formation des planètes telluriques dans notre Système solaire ainsi que les origines de systèmes auto-similaires de super-Terres, dont beaucoup semblent de composition rocheuse. »

    Nous connaissons désormais des milliers d'exoplanètes dans la Voie lactée et curieusement, quand on trouve un groupe de super-Terres dans un système planétaire, elles semblent avoir des massesmasses très similaires à chaque fois, bien que différentes d'un système à un autre. Mieux, toutes les super-Terres à l'intérieur un seul système planétaire ont aussi tendance à être similaires en matièrematière d'espacement orbital, de taille et d'autres caractéristiques clés.

    Rappelons au passage qu'en général, on définit un tel astreastre en lui donnant une masse au moins légèrement supérieure à celle de la Terre mais ne dépassant pas 10 masses terrestres, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une exoplanète rocheuse différente des géantes de glace du Système solaire et avec une masse inférieure à 69 % de la masse d'UranusUranus (la planète géanteplanète géante du Système solaire la plus légère).

    Mais on peut trouver d'autres chiffres dans la littérature, si bien qu'un consensus n'existe pas encore vraiment au sujet de la limite en masse.

    Le terme « super-Terre » est également utilisé par les astronomes en se basant sur le rayon, de sorte qu'il s'agit d'exoplanètes semblables à la Terre (de 0,8 à 1,2 rayon terrestre), mais plus petites que les mini-Neptunes possédant de 2 à 4 rayons terrestres.


    Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    La cosmochimie des disques protoplanétaires

    Pour expliquer ces curieuses caractéristiques des super-Terres, Batygin et Morbidelli se sont tout de même basés sur une partie du paramètre cosmogonique standard pour la formation planétaire. Tout commence en effet par un disque de gazgaz et de poussière contenant une masse donnée et d'une épaisseur donnée. On passe des poussières aux planètes par un processus d'agglutinationagglutination et d'accrétionaccrétion. Il existe dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire un gradientgradient thermique et chimique qui fait que la matière initialement chauffée du disque se condense quand il se refroidit, donnant près d'une étoileétoile centrale des planètes rocheuses car les minérauxminéraux se condensant à haute température s'y forment, alors que plus loin, au-delà de ce qui est appelé la ligne des glaces ou des neiges, ce sont des poussières silicatées entourées d'une gangue de glace qui sont dominantes. Il se forme donc plutôt des corps rocheux avec beaucoup de glace pouvant ensuite attirer du gaz en quantité plus ou moins importante.

    Le gaz du disque peut exercer une certaine pressionpression sur les particules de matière dans tout le disque protoplanétaire et tant que le disque avec du gaz persiste, entre quelques millions et une dizaine de millions d'années, le disque peut exercer des forces gravitationnellesforces gravitationnelles sur les planètes en formation conduisant à des migrations planétaires.

    Morbidelli explique d'ailleurs : « Il y a quelques années, nous avons construit un modèle où des super-Terres se sont formées dans la partie glacée du disque protoplanétaire et ont migré jusqu'au bord intérieur du disque, près de l'étoile. Le modèle pouvait expliquer les masses et les orbitesorbites des super-Terres, mais prédit qu'elles sont toutes riches en eau. Des observations récentes ont toutefois démontré que la plupart des super-Terres sont rocheuses, comme la Terre, même si elles sont entourées d'une atmosphèreatmosphère d'hydrogènehydrogène. Cela était la condamnation à mort de notre ancien modèle. »


    Les explications de Konstantin Batygin. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Caltech

    Des anneaux dans le disque protoplanétaire

    Inspirés par un autre travail conjoint concernant une théorie de la formation des lunes de Jupiter, Batygin et Morbidelli proposent donc le modèle suivant.

    L'idée centrale repose sur l'existence d'un anneau dans le disque protoplanétaire qui débute lorsque la température est en dessous de 1 400 kelvinskelvins, ce qui permet aux silicatessilicates de se condenser. C'est dans cet anneau que les planètes rocheuses du Système solaire vont se former à partir d'embryonsembryons planétaires dépassant les 1 000 kilomètres de taille.

    Mais au début, il n'y avait donc que des grains de poussières et des petits cailloux solidessolides et rocheux qui subissaient la force de frottement du gaz dans le disque et tombaient en spiralant en direction de l'étoile centrale. Cette force de frottement disparaissait en dessous de l'anneau puisque les poussières et les petits cailloux s'y sublimaient rapidement.

    Les calculs montrent que le bord intérieur de cet anneau est la limite d'une bande dans l'anneau où les corps planétaires vont s'accumuler jusqu'à atteindre une taille où des interactions avec le disque protoplanétaire (qui peuvent être complexes) vont devenir dominantes et forcer une planète à migrer en direction de son étoile hôte.

    Comme chaque disque protoplanétaire possède une masse et une épaisseur initiales différentes, la limite en taille et masse pour une migration d'une planète rocheuse n'est pas la même. C'est pourquoi pour chaque disque, chaque super-Terre formée migre ensuite pour une taille limite plus ou moins constante, ce qui donne donc au final les séries de super-Terres similaires et sur des orbites presque également espacées que l'on a identifiées ces dernières années.