Durant l’éveil, notre cerveau accumulerait des déchets dus à l’activité des neurones. La nuit, tous les détritus seraient éliminés à un débit élevé. Voilà peut-être l’explication aux propriétés récupératrices du sommeil.

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    Si l'on sait précisément en quoi il est utile que notre cœur batte ou quels avantages nous procure la respiration, le rôle du sommeil reste bien plus difficile à définir. Évidemment, on l'associe à la récupération, mais également au renforcement de la mémoire de la journée ainsi qu'à la régulation du métabolisme du système immunitaire. Mais planent autour encore de nombreuses inconnues, notamment sur les mécanismes spécifiquement impliqués.

    Pourtant, à n'en pas douter, sa fonction est cruciale. Car des insectesinsectes aux mammifèresmammifères, en n'oubliant pas les autres espècesespèces animales, tout le monde ou presque dort. Les Hommes passent entre un quart et un tiers de leur vie à se reposer. Ce temps de repos ne permet pas d'amasser des ressources alimentaires ou de se reproduire, et expose les animaux à leurs prédateurs. Pourquoi y consacrer toutes ces heures s'il n'y a pas d'utilité biologique derrière ?

    Une première réponse concrète vient d'être apportée par des chercheurs new-yorkais de l'université Cornell, sous l'égide de Maiken Nedergaard. Leur spécialité : la façon dont le cerveau se débarrasse de ses déchetsdéchets. Dans Science, ils viennent de montrer que la mécanique se met en place durant le sommeil. Des résultats importants qui pourraient avoir des répercussions sur le traitement de la maladie d'Alzheimer.

    Le système glymphatique, laveur de cerveaux

    Pour bien comprendre, il faut reprendre l'histoire depuis le début. Le cerveau étant un organe fondamental, il se trouve bien protégé et isolé du reste du corps par une barrière quasi imperméable, la barrière hématoencéphalique, évitant ainsi l'intrusion de toxines ou de pathogènespathogènes. De ce fait, à la différence du reste de l'organisme qui évacue ses déchets par le système lymphatiquesystème lymphatique, on pensait que l'encéphaleencéphale devait systématiquement recyclerrecycler tout le matériel cellulaire.

    Cette idée a été mise à mal dernièrement par cette même équipe de scientifiques, d'abord dans Science Translational Medicine en août 2012, puis en juillet dernier dans Science. Sur des souris, ils ont mis en évidence un réseau de canaux microscopiques dans le cerveau, équivalent au système lymphatique, qu'ils ont baptisé glymphatique, du fait de l'intervention des cellules glialescellules gliales, qui soutiennent les neurones. Cette fois pas de lymphelymphe, mais du liquide céphalorachidienliquide céphalorachidien (LCR), qui récolte les déchets amoncelés qui finissent, en passant par des pores bien calibrés, par être dégradés dans le foiefoie.

    Notre cerveau dispose d'un système d'élimination des déchets qui s'active surtout durant le sommeil. © Mark Lythgoe, Chloe Hutton, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Notre cerveau dispose d'un système d'élimination des déchets qui s'active surtout durant le sommeil. © Mark Lythgoe, Chloe Hutton, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Ces scientifiques sont même allés plus loin en démontrant que le mouvementmouvement du LCR était dû à l'activation de canaux microscopiques, présents dans les membranes des cellules gliales. En effet, dès lors qu'ils les ont éteints, le liquide devenait stagnant. Or, activer les canaux demande beaucoup d'énergieénergie à la cellule. Est-il possible que les cellules gliales utilisent leurs ressources simultanément pour soutenir l'activité neuronale, et l'élimination des déchets ? Les auteurs ont supposé que non, et que ces deux activités devaient être séparées. Ainsi, selon leur théorie, durant l'éveil, les cellules nerveuses sont privilégiées, tandis que la nuit, on met en place le processus d'évacuation des détritus.

    Des déchets principalement éliminés durant le sommeil

    Les auteurs ont voulu vérifier leur hypothèse. Des souris ont été entraînées pour se détendre et s'endormir dans un dispositif d'imagerie biphotonique, capable de déceler des mouvements de fluides dans un tissu vivant. Lorsque l'électroencéphalogramme révélait que les animaux plongeaient dans une phase de sommeil, les scientifiques injectaient un colorant vert, afin de suivre ses déplacements dans le cerveau. Une demi-heure plus tard, d'une petite caresse sur la queue, les rongeursrongeurs se réveillaient. Alors, un colorant rouge était inoculé. Les chercheurs pouvaient ainsi comparer distinctement les deux situations.

    Ils en ont conclu que durant le sommeil, le débitdébit du LCR était environ dix fois plus important que pendant la phase d'éveil, ce qui confirmait leur intuition. Ils expliquent cette situation par une adaptation physiologique jamais observée : les cellules gliales semblent perdre du volumevolume, ce qui se traduit par une augmentation de 60 % du diamètre des vaisseaux du système glymphatique, augmentant alors le rendement de l'évacuation des déchets.

    Une nouvelle voie contre les maladies neurodégénératives

    En parallèle, ils ont effectué un autre test. Ils ont administré aux souris des bêta-amyloïdesbêta-amyloïdes marquées. Ces protéinesprotéines s'amoncellent dans le cas de la maladie d’Alzheimer et contribuent à la mort des neuronesneurones. En phase de sommeil, leur élimination est deux fois plus rapide que durant l'éveil.

    Voilà donc une piste qui pourrait expliquer pourquoi de nombreux troubles neurologiques sont associés à des troubles du sommeiltroubles du sommeil. Un déficit de repos pourrait directement être impliqué, en facilitant l'accumulation de protéines nocives, comme les bêta-amyloïdes, mais également l'alpha-synucléine, impliquée quant à elle dans la maladie de Parkinsonmaladie de Parkinson.

    D'autres questions interpellent les chercheurs. D'abord, ils pensent que ce « lavage du cerveau » contribue à la récupération. Mais dans quelle mesure l'accumulation des résidus du métabolisme intervient-elle dans la sensation de fatigue ? D'autre part, comment les canaux des cellules gliales changent-ils de conformationconformation durant le sommeil ? Si les chercheurs semblent avoir décrit l'une des fonctions du sommeil, il se pourrait sûrement que celle-ci ne soit pas la seule. L'enquête est donc bien loin d'être terminée.