Après un manque de sommeil, certains neurones, trop fatigués, stoppent leur activité alors que le cerveau est toujours dans sa phase d’éveil. Ces défauts dans l’activité cérébrale pourraient expliquer certaines défaillances liées à la fatigue mais permettraient au cerveau de se reposer.

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    Le manque de sommeil peut être la cause de dysfonctionnements de l'activité cérébrale. © Happy Batatinha, Flickr, CC by 2.0

    Le manque de sommeil peut être la cause de dysfonctionnements de l'activité cérébrale. © Happy Batatinha, Flickr, CC by 2.0

    Le sommeil est indispensable à la survie d'un grand nombre d'animaux, en particulier les mammifèresmammifères. D'ailleurs, les êtres humains nécessitent en moyenne 7 heures de sommeil quotidiennes pour être au mieux de leur forme. Mais que se passe-t-il lorsque l'on prive l'organisme de son repos journalier ? D'après une nouvelle étude américaine publiée dans la revue Nature, une partie du cerveau se mettrait sur pause, alors même que l'individu est réveillé ! Explications.

    Le sommeil se caractérise par une modification de l'activité cérébrale par rapport à l'état d'éveil. Alors que les fonctions vitales restent heureusement en pleine activité grâce aux parties plus primitives du cerveau qui commandent le cœur, les poumons ou encore la synthèse d'hormones ; les fonctions plus conscientes sont quant à elles au repos lors du sommeil. Les neurones du cortexcortex cérébral, impliqués dans cette fonction consciente, oscillent pendant le sommeil entre un état « allumé » et un état « éteint ».

    Étude sur des rats trop occupés à jouer pour dormir

    L'état « allumé » est similaire à l'activité neuronale observée lors de l'état d'éveil. Il se caractérise par une activité irrégulière des neurones, où l'électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme enregistre des fluctuations de faible amplitude et de haute fréquence. À l'inverse, l'état « éteint » se caractérise par un arrêt de l'activité des neurones, ce qui s'observe sur un électroencéphalogramme par des ondes de grande amplitude et de faible fréquence.

    Pour connaître l'effet d'un manque de sommeil sur ces activités cérébrales, des scientifiques de l'Université de Wisconsin-Madison ont observé très précisément le cerveau de rats maintenus sans sommeil pendant plusieurs heures, suite à l'introduction dans leurs cages de nouveaux objets irrésistiblement attirants (des balles colorées, des boîtes, des tubes ou encore des morceaux de nids provenant d'autres rats sur lesquels des odeurs intrigantes étaient imprégnées). Le tracé global des électroencéphalogrammes de ces rongeursrongeurs, ainsi que leur comportement (irréfutablement en pleine activité), ont permis de s'assurer que les rats n'étaient pas endormis.

    Des jouets colorés mis sous le nez des rats les empêchent de s'endormir. © Giulio Tononi, <em>University of Wisconsin-Madison</em>

    Des jouets colorés mis sous le nez des rats les empêchent de s'endormir. © Giulio Tononi, University of Wisconsin-Madison

    Pourtant, les chercheurs ont pu remarquer que plus les rongeurs sont privés de sommeil, plus certaines zones du cortex cérébral (apparemment de façon aléatoire) émettent des signaux à basse fréquence et sont donc éteintes. En conséquence, l'activité moteur chez ces animaux est affectée. Les taux de réussite pour atteindre un objet diminuent de façon significative, et d'autant plus si le rat est maintenu éveillé depuis un grand nombre d'heures. D'un point de vue physiquephysique, la fatigue des neurones permettrait donc d'expliquer les baisses de performance fréquemment observées chez des individus privés de sommeil. 

    Un endormissement localisé du cerveau 

    Cette fatigue neuronale n'est que partielle et diffère donc de ce que l'on appelle les microsommeils. Dans ces phases qui ne durent que quelques secondes, les yeuxyeux se fermentferment et l'ensemble du cortex cérébral réagit de la même façon que lors d'une vraie phase de sommeil. Selon les chercheurs, l'endormissement localisé du cerveau ressemblerait davantage à ce qui est observé lors de certaines formes d'épilepsie. Dans le cas précis du manque de sommeil, plutôt qu'un dysfonctionnement, cet endormissement localisé serait un moyen pour le cerveau de préserver tour à tour l'énergieénergie des neurones tout en affectant le moins possible l'organisme dans son intégralité.

    « Ces neurones fatigués dans un cerveau éveillé peuvent être responsables des défaillances de l'attention, des jugements affectés, des prédispositionprédisposition aux erreurs et de l'irritabilité que nous éprouvons quand nous n'avons pas eu assez de sommeil, mais que nous ne nous sentons pas particulièrement fatigués », explique Giulio Tononi de l'Université de Wisconsin-Madison et auteur de ces travaux. Il y a de quoi être inquiet, lorsque l'on sait qu'un Français sur cinq manque de sommeil...