Sans jamais avoir été infectées, certaines personnes présentent des anticorps réagissant à la protéine de pointe du Sars-Cov-2. Cela concerne plus particulièrement les enfants, très exposés aux divers virus saisonniers, et suggère l’existence d’une immunité croisée. Peut-on alors espérer qu’attraper un bon rhume nous préserve de l’infection à la Covid-19 ?


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    Et si le vaccin contre le coronavirus était finalement inutile ? D'après un article publié dans la revue Science le 6 novembre, certaines personnes possèdent des anticorps agissant sur le Sars-Cov-2, le virus à l'origine de la pandémiepandémie mondiale de Covid 19 et ce, alors qu'elles n'ont jamais contracté la maladie.

    Les chercheurs ont analysé des échantillons de plasmaplasma sanguin prélevés sur des adultes et des enfants au Royaume-Uni avant le début connu de la pandémie en décembre 2019, ainsi que sur des personnes au début de la pandémie ayant été testées négatives. Ils ont ensuite comparé le niveau d'anticorps avec celui de patients testés positifs. Comme prévu, les patients ayant contracté le virus présentaient les trois types d'anticorps (IgA, IgM et IgG).

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    Les anticorps développés au contact de virus saisonniers comme le rhume offrent un rôle protecteur contre le Sars-Cov-2. © Siarhei, Adobe Stock
    Les anticorps développés au contact de virus saisonniers comme le rhume offrent un rôle protecteur contre le Sars-Cov-2. © Siarhei, Adobe Stock

    Près de la moitié des enfants non infectés à la Covid-19 possèdent déjà des anticorps

    Mais, plus étonnant, les chercheurs ont constaté la présence d’anticorps neutralisants du Sars-Cov-2 chez des personnes non infectées. Si les pourcentages restent relativement faibles chez les adultes (5,29 %), ils sont beaucoup plus élevés chez les enfants : 44 % des 1 à 16 ans possèderaient déjà ces anticorps neutralisants. Pour la quasi totalité de ces « immunisés naturels », les anticorps détectés sont des IgG visant la sous-unitésous-unité S2, ceux qui ont la duréedurée de vie la plus longue. « Cela suggère une forme d'immunitéimmunité acquise via d'autres pathogènespathogènes et non par le Sars-CoV-2 récent », écrivent les auteurs de l'étude.

    Le saviez-vous ?

    La protéine de pointe (S) du coronavirus sert de médiateur de liaison avec la membrane de la cellule cible. Il en existe deux sortes nommées S1 et S2. La sous-unité S1 est responsable de la reconnaissance et de la liaison avec le récepteur de surface cellulaire. La sous-unité S2 est la tige de la structure, qui contient d'autres éléments de base nécessaires à la fusion membranaire. C’est celle-ci qui est plus particulièrement visée par les vaccins.

    De précédentes études ont suggéré l'existence d'une immunité croiséeimmunité croisée du coronavirus Sars-CoV-2 avec d'autres virus circulant couramment, comme ceux du rhume (voir ci-dessous). Ces études faisaient cependant référence à l'activation d'un système immunitairesystème immunitaire complémentaire à celui des anticorps (les lymphocyteslymphocytes T CD4). Selon les auteurs de l'étude de Science, les niveaux plus élevés d'anticorps à réaction croisée observés chez les enfants pourraient expliquer pourquoi ils sont moins susceptibles de contracter la Covid-19, et pourquoi ils souffrent généralement de formes beaucoup moins graves -- les enfants étant fréquemment atteints par des rhumes mineurs, jusqu'à 10 par an avant l'âge de 2 ans !

    Immunité croisée : fantasme ou réalité ?

    Cette théorie est toutefois remise en doute par d'autres scientifiques. « L'infection par les coronavirus saisonniers n'offre pas une protection significative contre l'infection par le virus Sars-CoV-2 et les autres maladies associées », tranche Marc Eloit, responsable du Laboratoire de Découverte de pathogènes à l'Institut Pasteur et coauteur d'une étude sur le sujet parue en juillet. « La très grande fréquence et le taux important d'anticorps contre les coronavirus saisonniers dans la population générale n'empêchent pas les infections par ces virus chaque hiverhiver », fait-il remarquer.

    De son côté, Kevin Ng, principal auteur de l'étude de Science, reconnaît lui-même qu'on ne sait rien sur la protection contre la Covid-19Covid-19 offerte par les anticorps IgG acquis d'autres maladies. Mais « il sera essentiel de distinguer l'immunité préexistante de l'immunité nouvelle pour comprendre la sensibilité à l'infection par le Sars-CoV-2 et évaluer l'efficacité d'un futur vaccin », met-il en avant.


    Coronavirus : existerait-il une immunité croisée avec le rhume ?

    Article de Julie KernJulie Kern publié le 28/052020

    Les infections par un coronavirus peuvent provoquer des maladies allant du simple rhume au Covid-19. L'immunité induite lors d'un rhume a-t-elle un effet protecteur contre le Sars-CoV-2 ? Des scientifiques allemands se sont penchés sur la question.

    Les coronavirus forment une famille virale large et diversifiée. Ils ne sont pas tous responsables de maladies aussi sévères que le Sras ou le Covid-19. Quatre souches de coronavirus humains (229E, NL63, OC43, HKU1) sont responsables d'une grande proportion des éternuements et d'écoulement nasal lors des rhumes hivernaux. À eux seuls, ces quatre coronavirus représentent 20 % des rhumes et infectent une grande partie de la population chaque année.

    Ces infections par d'autres coronavirus que le Sars-CoV-2 stimulent également le système immunitaire et induisent la formation d'un pool de lymphocytes mémoires. Ces cellules ont-elles un effet protecteur contre le Sars-CoV-2 ?

    Une étude allemande a mis en évidence la présence de cellules réagissant à la protéineprotéine S du Sars-CoV-2 chez des patients n'ayant pas été infectés par ce dernier. Ces observations sont en faveur de l'existence d'une immunité cellulaire croisée entre plusieurs souches de coronavirus de lignée différente. L'étude n'a pas encore été publiée dans une revue scientifique et n'a donc pas été revue par la communauté des pairs. Elle est disponible sur medRxiv.

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    Des lymphocytes de patients non contaminés réagissent à la protéine S du Sars-CoV-2

    L'étude a comparé deux groupes : un groupe de 18 personnes dont l'infection au Sars-CoV-2 a été avérée par un test de dépistagedépistage PCRPCR et un deuxième groupe composé de 18 personnes séronégatives qui ont fait don de leur sang.

    Les cellules immunitaires isolées du sang de chaque participant ont été stimulées in vitroin vitro par deux pools de peptidespeptides d'une dizaine d'acides aminésacides aminés reproduisant la séquence de la protéine S du Sars-CoV-2. Le premier pool (S-1) couvre la partie N-terminale de la protéine S (qui comprend le domaine RDB) et le deuxième pool (S-2) couvre la partie C-terminale (qui comprend le domaine intégré dans la membrane du virus). Grâce à la cytométrie en fluxcytométrie en flux, les scientifiques ont pu détecter les lymphocytes T CD4 activés à la suite de la stimulationstimulation.

    Parmi les patients du groupe Covid-19, 67 % possèdent des lymphocytes CD4 réagissant au pool S-1 et 83 % au pool S-2. Étonnamment, des lymphocytes activés par la stimulation ont aussi été identifiés chez 34 % des patients séronégatifsséronégatifs. Mais avec une petite nuance.

    Les deux mélanges de peptides qui recouvrent la séquence complète de la protéine S du Sars-CoV-2 et le dégré d'identité des domaines N-terminaux, C-terminale entre les différents coronavirus. © Julain Braun et al. <em>medRxiv</em>
    Les deux mélanges de peptides qui recouvrent la séquence complète de la protéine S du Sars-CoV-2 et le dégré d'identité des domaines N-terminaux, C-terminale entre les différents coronavirus. © Julain Braun et al. medRxiv

    Un domaine conservé de la protéine S

    Les lymphocytes des donneurs naïfs ont été plus stimulés par les peptides du pool-S2 qui correspondent au domaine C-terminal de la protéine S. En effet, cette partie de la protéine contient des domaines conservés entre les différents coronavirus. Pour faire simple, les coronavirus humains qui causent les rhumes possèdent une protéine S avec des domaines C-terminaux similaires à ceux de la protéine S du Sars-CoV-2. À l'inverse, le domaine N-terminal semble plus spécifique du Sars-CoV-2. Ces résultats suggèrent qu'il existe une immunité cellulaire croisée entre le Sars-CoV-2 et les coronavirus du rhume qui est le résultat d'une précédente infection.

    Les chercheurs ont alors fait un test supplémentaire sur 18 échantillons issus des patients séronégatifs. Ils ont recherché la présence d’anticorps (IgG) dirigés contre les coronavirus du rhume. Les 18 se sont révélés positifs, même ceux dont les lymphocytes CD4 n'ont pas été activés durant l'expérience précédente. Cela souligne le fait que l'immunité croisée est indépendante de la présence d'anticorps.

    Selon les scientifiques, ces données pourraient expliquer en partie pourquoi certaines personnes sont asymptomatiques ou n'ont que des manifestations légères -- alors que d'autres ont besoin de soins intensifs -- ainsi que la prévalenceprévalence de la maladie chez les personnes âgées. En effet, les enfants et les jeunes adultes se rendent plus assidûment dans des lieux fréquentés où ils sont susceptibles d'attraper un rhume causé par un coronavirus, contrairement aux personnes âgées.