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    Depuis de nombreuses années, une méthode biologique alternative est étudiée par le professeur Meinesz de l'université de Nice Sophia Antipolis. En effet, des mollusquesmollusques de l'ordre des Saccoglosses sont soit élevés en aquarium, soit étudiés in situ dans le but de détruire ou réduire la biomassebiomasse de Caulerpa taxifolia.

    Elysia clarki fait partie des vampires de la mer. © Curtis et al, CC BY 2.5

    Elysia clarki fait partie des vampires de la mer. © Curtis et al, CC BY 2.5
    Comment réduire la biomasse de <em>Caulerpa taxifolia</em> ? © A. Rosenfeld

    Comment réduire la biomasse de Caulerpa taxifolia ? © A. Rosenfeld

    Des vampires sous la mer

    La première espèceespèce est Elysia subornata. Une limace exotiqueexotique, originaire de la Martinique.

    <em>Elysia cf tomentosa</em> sp.© Krug, Patrick CC BY-NC 3.0

    Elysia cf tomentosa sp. © Krug, Patrick CC BY-NC 3.0
     <br /><em>Elysia sabornata.</em><em> </em>© D. Luquet - Ponte de <em>Elysia sabornata.</em> © T. Thibaut
     
    Elysia sabornata. © D. Luquet - Ponte de Elysia sabornata. © T. Thibaut

    Elle suce le cytoplasmecytoplasme de l'alguealgue sans toucher aux autres espèces. Elle a une reproduction benthiquebenthique donc elle ne se disperse pas. Malheureusement, elle ne résiste pas en dessous de 15°C et elle n'aurait que cinq mois d'activité en Méditerranée, ce qui n'est pas suffisant.

    Sous le pied, la bouche

    Pas d'os. Pas de squelette mais une coquille. Une bouche sous leur unique pied. Camouflées parmi les algues. Protégées par un arsenal d'armes chimiques volées sur leurs victimes qu'elles ont vidées de leur sève.

     <br />Coquille de <em>Lobiger serradifalci </em>- Coquille de <em>Oxynoe olivacea</em>. © JP Sidois
     
    Coquille de Lobiger serradifalci - Coquille de Oxynoe olivacea. © JP Sidois

    Oxynoe et Logiber sont à l'affût, cachées au cœur de nos forêts sous-marines, ainsi se présentent nos deux espèces autochtones de Méditerranée.

     <br /><em>Lobiger serradifalci</em>. © N. Genetiaux - <em>Oxynoe olivacea</em>. © D. Luquet
     
    Lobiger serradifalci. © N. Genetiaux - Oxynoe olivacea. © D. Luquet
     <br />Ponte de <em>Lobiger serradifalci</em>. © T. Thibaut Ponte de <em>Oxynoe olivacea</em>. © G. Thevenot
     
    Ponte de Lobiger serradifalci. © T. Thibaut Ponte de Oxynoe olivacea. © G. Thevenot

    Ces mollusques se déplacent sur un pied qui contient tout leur système digestif. Ce sont donc des gastéropodesgastéropodes. Ils possèdent des branchiesbranchies situées en arrière du cœur, (Opisthobranches), ainsi qu'une langue dans le sac qui les classe dans l'ordre des Saccoglosses. Si on dénombre environ 330 espèces d'Opisthobranches méditerranéennes, seulement trois vivent parmi les prairies d'algues de caulerpes : Lobiger serradifalci, Oxynoe olivacea, et Ascobulla fragiles, cette dernière étant très rare car elle vit dans le sédimentsédiment (dépôt de matière au fond de la mer).

    Tenue de camouflage

    <em>Oxynoe viridis</em> From Gujarat, India. © Vishal Bhave, CC BY-NC 2.0

    Oxynoe viridis From Gujarat, India. © Vishal Bhave, CC BY-NC 2.0

    Avant l'arrivée en Méditerranée de l'algue Caulerpa taxifolia, Oxynoe et Lobiger ne vivaient que dans les prairies de Caulerpa prolifera, communes dans notre mer. Depuis quelques années, on les rencontre le plus souvent parmi les frondes de Caulerpa taxifolia dont elles se nourrissent. Elles semblent s'être très bien adaptées à leur nouvelle source de nourriture. Cependant, même si le développement de Caulerpa taxifolia est exponentiel, ces espèces restent toutefois difficiles à observer du fait de leur homochromiehomochromie avec les caulerpes (couleur proche de celle de l'algue) et de leur taille qui n'atteint pas 5 cm.

    Suceurs de sève

    Une relation très étroite lie Oxynoe et Lobiger à leur nourriture : c'est le fruit d'une longue coévolution entre ces limaces et la caulerpe et qui s'exprime par une très forte restriction de leur régime alimentaire. Ces limaces sont herbivoresherbivores mais pratiquent « le vampirisme ». En effet, à cause de leur « dentition » très particulière (la radularadula), elles ne croquent pas les algues mais les percent et en aspirent le contenu cellulaire, d'où leur surnom de « suceurs de sève ». Par conséquent, nos deux compères ne peuvent se nourrir que d'algues coenocitiques, c'est-à-dire ne possédant pas de paroi cellulaire interne. Ces algues peuvent être comparées à un tuyau où circule librement, du bout des frondes jusqu'aux rhizoïdesrhizoïdes (tiges et racines), le contenu cellulaire.

    Entre animal et végétal

    Certaines de ces limaces sont capables de stocker les chloroplasteschloroplastes fonctionnels (cellules permettant la photosynthèsephotosynthèse) des caulerpes pour leur permettre de supporter des périodes de jeûne. Ainsi, comme des plantes, mais périodiquement, ces limaces se nourrissent des produits de la photosynthèse des chloroplastes.

    Mâle et femelle à la fois

    Elles sont hermaphroditeshermaphrodites et la reproduction est sexuée et croisée, c'est-à-dire qu'il faut être deux pour se reproduire. Mais, l'originalité de nos deux limaces réside dans le fait qu'elles sont capables de stocker les spermatozoïdesspermatozoïdes de leur partenaire dans une poche (la spermathèque). La limace peut ainsi assurer sa descendance de façon régulière (au moins une fois par semaine) sans avoir besoin de nouveaux rapports sexuels. Après avoir déposé ses pontes de forme plus ou moins régulière sur les frondes de caulerpes, des milliers de larveslarves planctoniques naissent au bout de quelques jours et se dispersent au gré des courants pour, peut-être, donner le jour à des mollusques testacés (avec une coquille).

    Un arsenal chimique

    Oxynoe et Lobiger ont développé des moyens de défense assez sophistiqués. Elles stockent les toxinestoxines des caulerpes et les réutilisent contre leurs prédateurs : lors d'une agression par un poissonpoisson ou tout autre animal, elles lâchent un nuagenuage blanc laiteux très toxique. Dans un souci de perfection de leur système de défense, elles peuvent également se séparer de leur queue ou de leurs lobes (excroissances en forme d'ailes). Le prédateur étant occupé avec ce bout de limace remuant, les mollusques ont le temps de fuir.

    Des mollusques d'avenir

    Oxynoe et Lobiger pourraient servir d'agent de contrôle de Caulerpa taxifolia. Elles présentent cependant au contraire d'Elysia subornata, un inconvénient lié à leur mode de développement larvaire pélagiquepélagique dont le cycle n'est pas maîtrisé. Par ailleurs, leur action in situ sur Caulerpa taxifolia est soumise à l'apport aléatoire de larves lié aux courants. Il se pourrait cependant que, dans des zones fermées comme les ports, Oxynoe et Lobiger aient un impact visible sur cette algue.

    Source : Thierry Thibaut, labo environnement marin littoral de Nice. Publication Méditerranée 2000.