À plusieurs reprises au cours de son histoire, la Terre a été presque entièrement recouverte de glace – un phénomène que l’on appelle « Terre boule de neige » qui, selon les scientifiques, est causé par un emballement d’un climat initialement froid. Mais les processus exacts qui mènent à cette rétroaction positive du refroidissement sont encore méconnus. Parmi plusieurs hypothèses proposées (augmentation de l’albédo, modification du cycle du carbone…), une équipe de chercheurs semble préférer l’hypothèse de l’impact d’un astéroïde, rejetant d’énormes quantités de matière dans l’atmosphère et bloquant les rayons solaires.


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    Le modèle de la « Terre boule de neige » décrit la Terre comme presque entièrement recouverte de glace, avec des températures moyennes bien inférieures aux températures actuelles, où la glace ne subsiste qu'au niveau de pôles. Ce modèle est né de l'observation de sédiments d'origine glaciaire dans des régions autrefois situées à des basses latitudes. Grâce à ces sédiments, dont les régions de formation ont été estimées à partir de mesures paléomagnétiques, les scientifiques ont identifié deux épisodes majeurs d'extrême glaciationglaciation : le premier il y a environ 2,25 milliards d'années, durant le Protérozoïque inférieur, et le second il y a entre 720 et 635 millions d'années, au cours d'une période ainsi nommée le Cryogénien

    De possibles origines multiples

    Durant ces épisodes, la Terre s'est ainsi couverte d'une couche de glace atteignant des latitudes tropicales - certains scientifiques estiment même que la Terre a par moments pu être entièrement gelée, y compris au niveau des régions équatoriales. Si plusieurs hypothèses existent pour expliquer ces conditions climatiques extrêmes et passagères, toutes semblent s'accorder sur un même point : le phénomène de la « Terre boule de neige » est causé par l'emballement d'un climat initialement froid. Selon ce principe, la diminution des températures moyennes entraîne l'extension des surfaces glacées à travers le globe. Or, la présence de glace sur une surface augmente son albédoalbédo, c'est-à-dire que la surface réfléchit davantage les rayons solaires et conserve donc moins de chaleurchaleur. S'ensuit alors une boucle de rétroactionboucle de rétroaction positive, où l'extension des surfaces glacées entraîne une diminution des températures, qui à son tour produit une augmentation des surfaces glacées... Un regroupement des massesmasses continentales au niveau des régions équatoriales (qui reçoivent plus de rayonnements solairesrayonnements solaires que les régions polaires), comme durant le CryogénienCryogénien, semble faciliter ce phénomène rétroactif, les continents ayant un plus fort albédo que les océans. 

    Tout corps réfléchit une partie du rayonnement solaire qu'il reçoit. Plus un corps est clair, plus il est réfléchissant : il a un fort albédo. © CEA

    Si les scientifiques semblent s'accorder sur les mécanismes de réchauffement globalréchauffement global menant à la fin des périodes d'intenses glaciations (épisodes volcaniques entraînant un important dégazagedégazage de gaz à effet de serregaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbonedioxyde de carbone ou le méthane), les causes du refroidissement initiales sont en revanche encore débattues. Parmi les nombreuses causes avancées, on retrouve par exemple les variations de la constante solaireconstante solaire (le SoleilSoleil était en effet légèrement moins brillant par le passé), les variations de l'orbiteorbite terrestre, une diminution des concentrations de gaz à effet de serre atmosphériques, ou encore l'éruption d'un supervolcansupervolcan, émettant des aérosolsaérosols dans l'atmosphèreatmosphère bloquant les rayons solaires. Mais selon une équipe de scientifiques, l'hypothèse d'un hiverhiver post-impact semble la plus plausible : l'impact d'un astéroïdeastéroïde pourrait émettre tellement de poussières dans l'atmosphère que les rayons solaires pourraient ne plus pouvoir atteindre la surface terrestre. L'impact de Chicxulub, qui a participé à l'extinction des dinosauresdinosaures il y a 66 millions d'années, est d'ailleurs associé à une chute brutale des températures.

    Un impact géant comme l’amorce d’un hiver mondial ? 

    C'est en se basant sur cet exemple qu'une équipe de chercheurs a modélisé les effets d'un impact d'astéroïde sur le climat terrestre. Ils présentent leurs résultats dans la revue Science Advances. Pour leurs modèles, ils ont appliqué leurs estimations de la réponse climatique après l'impact de ChicxulubChicxulub à différents autres scénarios initiaux : l'un correspondant aux niveaux de dioxyde de carbone atmosphérique pré-industriels (avant 1850), un autre au dernier maximum glaciaire (il y a environ 20 000 ans), un troisième reconstituant les conditions climatiques qui régnaient avant l'impact de Chicxulub au CrétacéCrétacé (avec des concentrations en dioxyde de carbone atmosphérique quatre fois supérieures aux niveaux pré-industriels), et un dernier reconstituant les conditions climatiques d'il y a 720 millions d'années, juste avant le dernier épisode de « Terre boule de neige ». 

    Vue d'artiste du cratère de Chicxulub. © Detlev_van_Ravenswaay, Science
    Vue d'artiste du cratère de Chicxulub. © Detlev_van_Ravenswaay, Science

    Et d'après leurs simulations, l'impact d'un objet de dimensions similaires au bolidebolide de Chicxulub pourrait bien avoir entraîné l'effet de la « Terre boule de neige » : c'est en effet ce qu'ils ont observé dans leurs scénarios modélisant les conditions climatiques du dernier maximum glaciaire et du Cryogénien (avec, dans ce dernier cas, des concentrations en dioxyde de carbone atmosphérique deux fois supérieures aux niveaux pré-industriels). La Terre ne se recouvrait en revanche pas entièrement de glace dans les scénarios des conditions pré-industrielles, de la fin du Crétacé, et d'un Cryogénien caractérisé par des concentrations en dioxyde de carbone atmosphérique quatre fois supérieures aux niveaux pré-industriels. 

    Leurs travaux indiquent ainsi que l'impact d'un astéroïde peut bel et bien entraîner une « Terre boule de neige », s'il survient dans des conditions initialement froides. Mais leur conclusion ne sera définitivement confirmée que par la découverte d'anciens cratères correspondants qui, s'ils ont existé, sont peut-être aujourd'hui déjà érodés et disparus.