Les zones tropicales sont bien plus riches en biodiversité que les zones tempérées, ce qui s'expliquait jusqu’ici par la pression de la prédation qui s'exercent sur les espèces. Mais, patatras ! Une nouvelle étude montre au contraire que les grands poissons prédateurs, comme les requins, sont beaucoup plus actifs dans les plus basses latitudes. De quoi faire perdre leur latin aux partisans de l’évolution darwinienne.


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    Les régions tropicales du globe abritent une bien plus grande biodiversité que les zones tempérées. Une tendance observée aussi bien pour les espèces éteintes que vivantes, les plantes et les animaux, dans les environnements terrestres et marins. On dénombre par exemple 620 espèces d'arbres dans toute l'Amérique du Nord contre 22.500 espèces dans les zones tropicales. De même, il existe moins de 100 espèces d'oiseaux nicheurs dans les régions de haute latitude d'Amérique du Nord contre plus de 300 espèces au Mexique central. La principale théorie pour expliquer ce phénomène est celui de l'interaction biotique : la prédation étant plus intense dans les zones tropicales, cela encourage une évolution plus rapide des espèces, ce qui amène en retour plus de prédateurs, et ainsi de suite.

    900 millions d’attaques de requins, de thons et d’espadons

    Cette théorie est pourtant aujourd'hui battue en brèche par une nouvelle étude parue dans Nature Communications, portant sur les poissons pélagiquespélagiques. « Contrairement aux intuitions, nous avons constaté que la prédation est plus forte dans les zones tempérées et négativement corrélée à la richesse des espèces des poissons », expliquent les auteurs. Ces derniers ont récolté des données portant sur 900 millions d'attaques de grands prédateurs marins (requin, thon, espadon, marlin...) sur une période de 55 ans, entre 1960 et 2014 aux différentes latitudes. Ces attaques sont mesurées par les navires de pêchepêche qui mettent des appâtsappâts dans l'eau pour attirer les poissons prédateurs et les compter.

    Carte du nombre d’attaques de poissons prédateurs (a) et pression de la prédation selon la latitude (b). © Marius Roesti et al, <em>Nature Communications</em>, 2020
    Carte du nombre d’attaques de poissons prédateurs (a) et pression de la prédation selon la latitude (b). © Marius Roesti et al, Nature Communications, 2020

    Résultat : les attaques sont plus fréquentes dans les régions tempérées que dans les eaux chaudes des tropiquestropiques, et ce, quelle que soit la région concernée (Pacifique, Atlantique, océan Indien). Plus précisément, la plupart des attaques ont lieu dans les latitudes moyennes, entre 30 et 60 degrés. Qui plus est, le nombre d'attaques n'est pas associé au degré de biodiversitébiodiversité d'une région donnée.

    L’impact de la pêche industrielle sur les prédateurs marins

    Les chercheurs ont voulu vérifier si leurs données n'étaient pas biaisées par la pêche industrielle, celle-ci étant plus intense dans l'hémisphère Nordhémisphère Nord. Ils ont effectivement constaté que les attaques de prédation avaient été divisées par deux ou trois en 55 ans, mais sans affecter la répartition spatiale des attaques. « Le schéma latitudinal global était déjà évident au début des années 1960, lorsque la pêche à la palangrepalangre et la pêche industrielle étaient beaucoup moins intenses et les impacts de la pêche relativement mineurs », rapportent les auteurs.

    Ces résultat corroborent ceux d'une précédente étude parue en 2018, montrant que les poissons des hautes latitudes créent de nouvelles espèces à un rythme beaucoup plus rapide que leurs homologues des tropiques. « Les taux de spéciationspéciation élevés se produisent dans des régions caractérisées par des températures de surface basses et un endémismeendémisme élevé », notait l'étude. Un gros mystère pour les scientifiques qui s'arrachent les cheveux pour trouver une nouvelle théorie sur les « hotspots » de biodiversité observés sous les tropiques.

    Peut-être en raison de la matièrematière organique, plus abondante dans les zones tempérées et polaires ? Ou peut-être que les prédateurs supportent moins bien la chaleurchaleur ? Les chercheurs avouent ne pas avoir encore de réponse.