Il y a environ 252 millions d’années, environ 95 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres s'éteignaient lors de l’extinction de masse du Permien-Trias. Si les causes de cette extinction sont encore mal comprises, une équipe de scientifiques vient pour la première fois de dresser le tableau le plus précis à ce jour de sa chronologie : elle aurait débuté dans les écosystèmes marins, avant de toucher les espèces terrestres d’abord aux hautes latitudes, puis vers les tropiques. Ces résultats pourront peut-être permettre de percer les mystères de cette grande extinction…


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    Dans l'histoire du vivant, on recense cinq grandes extinctions de masse -- on parle même désormais d'une sixième grande extinction, causée par les activités humaines. Nous tenons ces données des registres fossiles, dans lesquels les paléontologuespaléontologues observent de nettes baisses de biodiversité sur des périodes très courtes et bien distinctes. La troisième et la plus importante d'entre elles, qui a vu la disparition d'environ 95 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres, s'est produite il y a environ 252 millions d'années, à la fin du Permien. Elle a été si brutale et massive qu'il a fallu près de cent millions d'années pour que la diversité biologique retrouve son niveau d'origine. La chronologie précise de cette extinction massive n'est en revanche pas bien connue.

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    La plus grande extinction de masse de tous les temps

    Au début du Permien, qui s'étale d'il y a environ 299 à 252 millions d'années, la majorité des continents s'agglomère en un supercontinent, la Pangée, entouré d'un unique océan. Ce rapprochement fait disparaître de nombreux écosystèmesécosystèmes, comme les plateaux continentaux immergés ; le passage de plusieurs continents à un continent unique diminue la longueur des écosystèmes côtiers, tandis que la surface des zones continentales augmente.

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    La formation de la Pangée entraîne donc une diminution des zones caractérisées par un climat océaniqueclimat océanique, et une augmentation des surfaces continentales, caractérisées par un climat plus aride. Ce regroupement des massesmasses continentales a ainsi causé d'importantes variations climatiques locales et mondiales : baisse du niveau de la mer, modification des courants océaniques, fortes variations des températures et des précipitationsprécipitations, changement de la chimiechimie des océans... Autant de modifications susceptibles d'avoir mis à mal le développement des êtres vivants, majoritairement représentés à l'époque par une vie marine très diversifiée, et une faunefaune et flore continentales en plein essor.

    Reconstitution de la géographie à la fin du Permien. © Wu et al, 2024
    Reconstitution de la géographie à la fin du Permien. © Wu et al, 2024

    Si l'ensemble de ces phénomènes géologiques a mené à d'importantes modifications des milieux (anoxiesanoxies locales, augmentation du taux de dioxyde de carbonedioxyde de carbone atmosphérique et donc des températures globales, activités volcaniques plus marquées), ils ne parviennent pas à expliquer la chute brutale de la biodiversité à la fin du Permien, il y a environ 252 millions d'années : selon les paléontologues, des extinctions aussi massives sur de si courtes périodes de temps (quelques millions d'années au maximum) ne peuvent être causées que par des événements cataclysmiques brutaux.

    De nombreuses hypothèses ont été énoncées pour expliquer les origines de cette extinction de masseextinction de masse, allant de la chute de météoritesmétéorites à des événements cosmiques irradiant la TerreTerre de rayons gammarayons gamma, en passant par l'émergenceémergence de bactériesbactéries libérant de grandes quantités de méthane dans l'atmosphèreatmosphère.

    Les écosystèmes marins touchés avant les écosystèmes terrestres ?

    Mais l'hypothèse qui semble actuellement la plus plausible, c'est celle d'un gigantesque épisode volcanique : les trapps de Sibérie, qui forment une immense série de couches géologiques d'origine magmatique, semblent s'être formés de manière contemporaine à l'extinction de la fin du Permien. Ces formations magmatiques ont vraisemblablement été créées par d'importantes éruptions volcaniqueséruptions volcaniques successives sur près d'un million d'années, libérant d'énormes quantités de gazgaz volcaniques et provoquant une soudaine acidification des océans.

    Afin de mieux comprendre les mécanismes qui ont mené à la plus grande extinction de masse connue, une équipe de paléontologues a tenté d'en établir une chronologie plus précise. Ils présentent leurs résultats dans la revue Science Advances. En réalisant de nouvelles mesures isotopiques sur des échantillons de bentonites et de gores blancs (deux roches sédimentairesroches sédimentaires) prélevés sur divers sites situés en Chine actuelle, l'équipe de paléontologues a fait une découverte étonnante : les extinctions d'espèces terrestres auraient débuté environ 61 000 ans après les extinctions des espècesextinctions des espèces marines.

    Illustration schématique des processus ayant mené à l'extinction de la fin du Permien. Les annotations correspondent à celles de la figure ci-dessus. © Wu et <em>al.</em>, 2024
    Illustration schématique des processus ayant mené à l'extinction de la fin du Permien. Les annotations correspondent à celles de la figure ci-dessus. © Wu et al., 2024

    Mieux, l'extinction aurait d'abord touché les espèces terrestres situées aux hautes latitudeslatitudes, avant de progressivement s'étendre vers les tropiquestropiques sur près d'un million d'années, quand les extinctions des espèces marines semblent avoir été bien plus abruptes. Leurs travaux montrent de plus que les écosystèmes marins se sont progressivement dégradés avant l'extinction de masse : selon les chercheurs, l'événement cataclysmique de la fin du Permien n'aurait en fait été qu'un coup fatal porté à des espèces déjà en danger. Ils estiment que les épisodes volcaniques responsables de la formation des trappstrapps de Sibérie ont bel et bien joué un rôle dans la plus grande extinction de masse, mais que leurs effets ont été variables dans le temps et en fonction des régions.

    D'après eux, la progression de l'extinction des hautes latitudes vers les latitudes plus basses est causée par des contrastescontrastes de réchauffement des différentes régions du globe (causé par d'importants dégazagesdégazages volcaniques), qui aurait eu des impacts initiaux bien plus marqués dans les latitudes les plus élevées. Ils estiment que d'autres évènements géologiques, comme le début de la dislocation de la Pangée et la formation du nouvel océan Téthys, pourraient également avoir joué un rôle dans la plus grande extinction de masse de tous les temps.