Au sein de la communauté scientifique, il ne fait désormais plus aucun doute que la puissance des ouragans est directement impactée par le réchauffement climatique. Mais ce qu'il y a de plus frappant, c'est la vitesse avec laquelle les ouragans se sont intensifiés dans l'Atlantique nord ces dernières années.


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    Dans l'océan atlantique nord, les ouragans évoluent différemment : leur intensité explose littéralement en quelques heures, du stade de tempête tropicale à celui d'ouragan, puis d'ouragan de catégorie 1, puis 2, voire 3, 4 et 5. Deux exemples récents ont remis en question ce que les météorologuesmétéorologues et climatologuesclimatologues savaient du développement d'un ouragan : Ian en septembre 2022, puis Idalia en août 2023. Les deux ouragans ont chacun dévasté une zone différente de la Floride, aux États-Unis. Mais le point commun de ces deux phénomènes est leur intensification ultra-rapide. Ian est passé d'une dépression tropicale à un ouragan de catégorie 3 en l'espace de trois jours. Il s'est renforcé de manière explosive en quelques heures au contact des eaux chaudes de la Floride. Plus récemment, Idalia a, à nouveau, défié toutes les connaissances sur le sujet : l'ouragan est passé de la catégorie 1 à la catégorie 4 en 24 heures, soit 88 km/h de plus en une journée. Alors que pour ce genre de phénomène, une intensification classique correspond à une hausse de 35 km/h par jour selon le météorologue américain Jordan Steele.

    La vitessevitesse avec laquelle Idalia s'est intensifié est donc hors-norme. Comment expliquer une telle accélération ? La réponse est simple : la chaleurchaleur de l'eau.

    Le réchauffement climatique est plus fort qu'El Niño !

    Au printemps 2023, tous les organismes de prévision de la saison cyclonique s'accordaient sur le fait que celle-ci serait plus calme que les précédentes années, soit dans la moyenne, soit carrément sous la moyennes. Le retour du phénomène El NiñoEl Niño est en effet connu pour influencer certains vents qui rend la formation des phénomènes cycloniques plus difficile, ou plus lente : cela veut donc dire que les tempêtes tropicales passent moins souvent au stade d'ouragan, et que les ouragans ont plus de mal à s'intensifier. C'est donc ce scénario que tout le monde attendait cette année : sauf qu'El Niño a pris du temps à se mettre en place, et même une fois en place, le phénomène a été « battu » par un autre. La surchauffe des océans, liée au réchauffement climatique, a nettement surpassé les effets d'El Niño. L'eau est si chaude dans l'océan Atlantique nord (elle a dépassé les 25 °C de moyenne en surface) que les ouragans ont pu puiser dans cette énorme bain chaud pour s'intensifier. Le principal carburant des ouragans est en effet la chaleur de l'eau. En ce qui concerne les ouragans qui touchent la Floride, l'eau est carrément un jacuzzi depuis le début de l'été. Rappelons que la plus haute température de l'eau jamais enregistrée dans le monde a été mesurée en Floride le 24 juillet dernier avec 38,38 °C.

    Une eau anormalement chaude augmente les précipitations

    En plus de s'intensifier très rapidement, les ouragans sont beaucoup plus pluvieux. Plus l'atmosphèreatmosphère est chaude, plus la massemasse nuageuse contient de précipitationsprécipitations. Selon Berkeley Lab, l'ouragan Ian a déversé 10 % de précipitations supplémentaires en raison de la chaleur excessive du golfe du Mexique à ce moment là. Cela signifie que si l'eau n'avait pas été 0,8 °C plus chaude que la normale en septembre 2022, Ian aurait donc donné lieu à 10 % moins de précipitations.

     

    Et dans le cas des ouragans, les vents ne font des dégâts que sur les côtes, les pluies, par contre, touchent les côtes comme les terresterres sur des centaines de kilomètres.


    Est-ce que les ouragans s'intensifient avec le réchauffement climatique ?

    Article de Karine DurandKarine Durand, écrit le 22 octobre 2022

    Les ouragans se renforcent de plus en plus rapidement, génèrent davantage de pluie et leur déplacement est plus lent qu'autrefois sur l'océan Atlantique. Une nouvelle étude américaine tente de déterminer l'impact du changement climatique sur ce phénomène destructeur.

     

     

    Après avoir étudié le développement et les trajectoires de tous les ouragans à avoir touché terre sur la côte est américaine depuis 1979, les scientifiques du Pacific Northwest National Laboratory ont compris que les ouragans s'intensifiaient de plus en plus rapidement : ils passent plus facilement d'une simple dépression ou tempête tropicale au stade d'ouragan. Cette intensification, qui nécessitait auparavant plusieurs jours, peut maintenant se faire en l'espace de quelques heures exactement comme l’ouragan Ian qui a dévasté la Floride en septembre dernier. Une tendance qui ne touche pas toutes les côtes de manière uniforme : en première ligne de frappe, la côte atlantique américaine qui regroupe tous les ingrédients nécessaires à une intensification rapide des phénomènes cycloniques.

    Dans leur étude publiée le 17 octobre dans la revue Geophysical Research Letters, l'équipe du laboratoire précise que la chaleur n'est pas l'unique responsable de l'intensification ultra-rapide : un mix de différentes conditions environnementales est nécessaire, et celles-ci sont bien plus présentes sur la côte est (atlantique) des États-Unis que sur le golfe du Mexique. Les mêmes conditions favorables à une intensification sont également présentes sur la côte est de l'Asie et au nord-ouest de la mer d'Arabiemer d'Arabie

    L'ouragan Fiona en septembre 2022. © NOAA
    L'ouragan Fiona en septembre 2022. © NOAA

    Un contraste de températures terre-mer qui s’amplifie

    Les terres se réchauffent beaucoup plus fortement que les océans. Sur une terre chaude, la pression atmosphériquepression atmosphérique est plus basse qu'au-dessus de l'océan : les hautes pressions de l'océan sont associées à un vent qui souffle en direction des terres. La rotation de la Planète fait alors tourner ces vents de manière cyclonique, créant le vortexvortex géant qui constitue l'ouragan. L'ouragan puise son énergieénergie dans cet airair chaud et humide qui s'élève dans l'atmosphère. Les ouragans sont en fait des machines qui fonctionnent à la chaleur, convertissant cette chaleur en des vents violents et des précipitations diluviennes. Plus la surface des océans est chaude, plus il y a d'humidité qui s'évapore dans l'atmosphère, et plus les précipitations sont ensuite diluviennes. La différence entre les températures sur terre et la température de l'océan exacerbe ce processus, provoquant une intensification rapide.  

    Ce mécanisme naturel va continuer à nettement se renforcer d'ici 2100 selon les scientifiques. Il est prévu que le cisaillement du vent (qui peut limiter le développement des ouragans) s'affaiblisse le long de la côte atlantique, mais pas forcément le long du golfe du Mexique. L'évaporation de la surface des océans, et donc l'humidité, va continuer à augmenter. En cause, la hausse continue des émissionsémissions de gaz à effet de serre. Les auteurs précisent qu'une petite partie de cette évolution peut être attribuée à la variabilité naturelle du climatclimat, mais qu'elle est très réduite comparativement à la place majoritaire que prennent les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre dans le réchauffement climatique.

    Des ouragans plus lents et donc plus destructeurs

    Entre 1979 et 2018, les ouragans de l'Atlantique nord se sont renforcés d'1,2 kilomètre de plus en moyenne toutes les six heures, une hausse qui n'a par contre pas été repérée dans les phénomènes cycloniques du golfe du Mexique. De plus, les ouragans tendent à être de plus en plus lents : on ne parle pas ici des vents qui soufflent à l'intérieur du phénomène, mais de leur vitesse de déplacement, souvent comprise entre 10 et 25 km/h. Leur vitesse a perdu en moyenne 10 % entre 1949 et 2016, sans que les causes de cette lenteur ne soient réellement comprises. Or, un ouragan lent est toujours plus dangereux car cela leur laisse plus de temps pour générer des pluies intenses et des vents violents sur les côtes : ils font donc plus de dégâts.