En combinant des observations satellites de résolution modérée et des données à très haute résolution recueillies par un éléphant de mer dans le courant circumpolaire antarctique, une équipe franco-américaine a démontré la présence de nombreux fronts océaniques de fine échelle. Associés à d’importants flux de chaleur dirigés vers la surface, leur présence pourrait affecter la capacité de l’océan de surface à absorber la chaleur atmosphérique.


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    Les découvertes théoriques et numériquesnumériques de la dernière décennie ont révélé l'existence inattendue de fronts océaniques de fine échelle (moins de 20 kilomètres de large), analogues aux fronts atmosphériques, dont le rôle apparaît essentiel pour la régulation du climat.

    Ces fronts contrôleraient les échanges de carbonecarbone, de chaleurchaleur et d'énergieénergie entre l'océan et l'atmosphère, de la même façon que les vaisseaux capillaires tapissant les parois de nos alvéoles pulmonairesalvéoles pulmonaires facilitent les échanges de gazgaz lors de la respiration. Cependant, peu d'observations ont confirmé l'existence de ces structures fines en raison de leur petite taille et de leur évolution rapide. Cela en fait l'un des principaux chalenges de l'océanographie contemporaine.

    Vue en 3D des mesures de la dynamique des fronts océaniques à fine échelle permises par les données satellites et les plongées d'un éléphant de mer. © Tandi Reason Dahl
    Vue en 3D des mesures de la dynamique des fronts océaniques à fine échelle permises par les données satellites et les plongées d'un éléphant de mer. © Tandi Reason Dahl

    Un éléphant de mer prend les mesures de l’océan

    Une équipe comprenant des chercheurs du Lemar, le Laboratoire des sciences de l'environnement marin, et du Lops, le Laboratoire d'océanographie physiquephysique et spatiale, a relevé ce défi d'observation en utilisant une méthodologie innovante qui allie des observations satellitaires de résolutionrésolution modérée (données Aviso d'élévation de la surface de l'eau) et des données in situ à très haute résolution recueillies en été par un éléphant de mer dans le courant circumpolaire antarctique.

    Le mammifère effectue en moyenne 80 plongées par jour jusqu'à une profondeur de 1.000 mètres et parcourt plus de 5.000 kilomètres en trois mois au large des îles Kerguelen dans l'océan Austral. Il est équipé d'un capteur de températurecapteur de température, de salinitésalinité et de pressionpression, ce qui permet de déduire de manière inédite la densité de l'océan à haute résolution. En combinant les données satellites de surface aux données de l'éléphant de mer en profondeur, les chercheurs ont ainsi obtenu une vue 3D et synoptique de la dynamique océanique dans les 500 premiers mètres.

    Fronts océaniques de fine échelle modélisés. © Lia Siegelman
    Fronts océaniques de fine échelle modélisés. © Lia Siegelman

    Prendre en compte la dynamique océanique de fine échelle dans les modèles de climat

    Grâce à cette approche originale, les chercheurs ont pu quantifier pour la première fois la présence de nombreux fronts de fine échelle, de la surface à 500 mètres de profondeur, confirmant ainsi les théories et modèles. Ils ont en effet démontré que ces fronts :

    • étaient créés par l'interaction des cyclones et des anticyclones océaniques,
    • sont associés à des vitessesvitesses verticales élevées, pouvant atteindre 100 mètres par jour, un ordre de grandeurordre de grandeur supérieur aux vitesses verticales associées aux tourbillonstourbillons de mésoéchelle,
    • et produisent localement des flux de chaleur importants, de l'ordre de 2.000 W/m2.

    Moyennés sur un mois dans le domaine étudié, ces flux sont positifs, c'est-à-dire orientés vers la surface de l'océan, et atteignent 100 W/m2 dans l'océan intérieur. Ainsi, ces fronts de fine échelle peuvent altérer la capacité de l'océan à absorber la chaleur et représentent une voie qui peut être importante pour le transport de chaleur, de nutrimentsnutriments et de gaz entre la surface et l'intérieur de l'océan.

    Ces résultats, publiés dans la revue Nature Geoscience, mettent en évidence la nécessité de prendre en compte la dynamique océanique de fine échelle dans les modèles de climat qui, à l'heure actuelle, ne résolvent pas ces phénomènes physiques.

    Voir aussi

    En photos, rencontre insolite avec les éléphants de mer des îles Kerguelen