Depuis 1900, près de trois espèces de plantes disparaissent chaque année sur la Planète, un rythme 500 fois plus rapide que celui que l’on devrait observer sans intervention humaine. Victimes de la déforestation, d’espèces invasives et de destruction de leur habitat, les plantes sont pourtant à la base de l’écosystème terrestre.


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    La disparition des oiseaux, des poissons ou des mammifères fait souvent les gros titres de la presse. Celle des végétaux est à l'inverse largement ignorée du public et de la recherche. Ce sont pourtant 571 plantes qui ont disparu depuis 1750, rapporte une étude, d'une ampleur sans  précédent, parue dans la revue Nature Ecology & Evolution le 10 juin 2019. C'est deux fois plus que tous les oiseaux, mammifères et amphibiens cumulés et le chiffre est quatre fois supérieur à celui de l'IUCN (Union internationale pour la Conservation de la Nature), chargée de recenser les espèces menacées.

    Depuis 1900, trois espèces de plantes disparaissent ainsi chaque année, alertent les chercheurs. Et encore, le phénomène serait largement sous-estimé. « Certaines plantes sont en réalité fonctionnellement éteintes et ne subsistent que dans les jardins botaniquesbotaniques ou en nombre tellement restreint qu'elles n'ont aucune chance de survivre », atteste Jurriaan de Vos, phylogénéticien à l'université de Bâle (Suisse), sur le site de Nature.

    Le nombre d’espèces de plantes disparues depuis 1750 dans le monde. © Aelys Humphreys et al, <em>Nature Ecology & Evolution</em>, 2019
    Le nombre d’espèces de plantes disparues depuis 1750 dans le monde. © Aelys Humphreys et al, Nature Ecology & Evolution, 2019

    Les îles, un écosystème riche mais très vulnérable

    Les arbresarbres et les arbustes ainsi que les autres plantes vivaces ligneuses sont les plus touchés. Le santal du Chili, exploité pour son huile essentielle, n'a ainsi pas été aperçu depuis le début des années 1900, et l'olivierolivier de Sainte-Hélène a été décimé par une attaque dévastatrice de termites et une infection fongique en 2003. Au niveau géographique, ce sont les zones tropicales qui souffrent le plus, car ce sont elles qui concentrent une large part de la biodiversité : Hawaï enregistre ainsi 79 plantes éteintes, suivie par l'Afrique du sud (37), et l'île Maurice (32). Le Brésil, l'Inde et Madagascar sont également très touchés. La moitié des extinctions de végétaux ont eu lieu sur des îles et 18 % ne fleurissent que dans le Pacifique, des endroits où poussent de nombreuses plantes endémiquesendémiques et particulièrement vulnérables aux espèces invasives.

    « Là où je pensais trouver une forêt vierge, il y a aujourd’hui une ville »

    L'étude porteporte sur la base de donnéesbase de données du botanistebotaniste Rafaël Govaerts, du Royal Botanic Gardens de Kew à Londres. Il a compilé depuis 1988 chaque espèce déclarée éteinte dans la littérature scientifique, à partir du registre de Carl Linnaeus, Species Plantarum, publié en 1753. Le chercheur a effectué lui-même plusieurs voyages à l'étranger pour partir à la recherche de ces plantes disparues. Il a été stupéfait de voir à quel point le paysage pouvait vite changer. « Là où je pensais trouver une forêt vierge, il y a aujourd'hui une ville », témoigne le chercheur.

    Le crocus bleu du Chili (<i>Tecophilaea cyanocrocus</i>), que l’on pensait éteint, a été redécouvert en 2001, mais il est toujours « en danger critique ». © <em>The Herbarium Catalogue</em>,<em> Royal Botanic Gardens</em>, Kew, Londres
    Le crocus bleu du Chili (Tecophilaea cyanocrocus), que l’on pensait éteint, a été redécouvert en 2001, mais il est toujours « en danger critique ». © The Herbarium Catalogue, Royal Botanic Gardens, Kew, Londres

    Au Portugal, Rafaël Govaerts s'est ainsi mis en quête de deux espèces d'armeria, une fleur rose de la famille des Plumbaginacées, aperçues en 1850, près de ville côtière de Vila NovaNova de Milfontes... Il a été cependant incapable de les retrouver. « La zone sauvage a été entièrement remplacée par la culture intensive d'oliviers, témoigne le botaniste dans un billet publié sur le site du Royal Botanic Gardens de KewLa plupart des endroits où je suis allé ont été tellement transformés que cela laisse peu d'espoir d'y retrouver des spécimens de plantes déclarées éteintes ».

    De nombreuses autres s’éteignent avant même qu’on ait eu connaissance de leur existence

    Le chercheur a néanmoins eu de bonnes surprises : sur les 1.234 espèces reportées comme éteintes, près de la moitié ont été redécouvertes ou reclassifiées en une autre espèce, faisant donc chuter le nombre à 571. Il n'est d'ailleurs pas exclu que d'autres soient encore retrouvées. Depuis trois décennies, chaque année, les scientifiques redécouvrent ainsi en moyenne 16 espèces de plantes que l’on croyait disparues. Mais de nombreuses autres s'éteignent avant même qu'on ait eu connaissance de leur existence.

    Les plantes utiles pour la biodiversité et l’Homme

    Les plantes étant à la base de l'écosystèmeécosystème, leur disparition a un effet domino sur la biodiversité, comme l'ont encore montré récemment des chercheurs de l'université de Zurich : l'extinction du cisteciste à feuilles de sauge menacerait par exemple la petite abeille charpentière qui se nourrit de son pollenpollen, ce qui ferait alors peser un risque sur le myrte qu'elle pollinise également. « Certaines des plantes qui ont disparu auraient peut-être pu fournir des solutions pour notre sécurité alimentaire ou la médecine, rajoute Rafaël Govaerts. Nous ne connaitrons jamais leur valeur ».


    Une plante sur cinq est menacée d’extinction

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray publié le 15/05/2016

    D'après un nouveau rapport faisant l'état des lieux des plantes dans le monde, plus de 2.000 nouvelles espèces ont été décrites en 2015. Mais une plante sur cinq serait menacée d'extinction.

    Le nouveau rapport  rédigé par les Royal Botanic Gardens dresse un panorama des plantes dans le monde. Il annonce que  2.034 nouvelles espèces ont été décrites en 2015. Les pays qui, au cours de ces dix dernières années, ont comptabilisé le plus de nouvelles plantes étaient le Brésil, l'Australie et la Chine. Le rapport évalue à 390.900 le nombre de plantes vasculairesplantes vasculaires connues à ce jour.

    Parmi les nouvelles plantes décrites se trouve par exemple Drosera magnifica, une plante carnivore brésilienne qui  mange des insectesinsectes, et peut mesurer jusqu'à 1,5 m. Elle existe sous la forme d'une petite population en haut d'une montagne de la région de Minas Gerais. Cette espèce a pour particularité d'avoir été découverte grâce à FacebookFacebook et un spécialiste des droséras qui regardait des photos prises par un chasseur d'orchidéesorchidées.

    Autre nouvelle espèce décrite en 2015 : Oberholzeria etendekensis, un arbuste succulent du désertdésert qui représente un genre à lui seul. Il n'est connu que dans une localité du nord-est de la Namibie, avec seulement 30 individus. À noter également dans les espèces découvertes en 2015 : 13 nouvelles espèces d'Allium, le genre qui contient les espèces cultivées d'oignon, d'ailail et d'échaloteséchalotes.

    Une autre nouvelle espèce est Sartidia isaloensis, une herbe trouvée dans le parc national Isalo de Madagascar. Sur cette île, à cause de la déforestationdéforestation, des prairies ont été peuplées par des espèces invasivesespèces invasives d'Afrique. Mais la flore contient aussi des espèces natives du genre Aristida, adaptées au feufeuSartidia isaloensis a survécu uniquement sur les bords de falaises calcairescalcaires du parc national Isalo, hors d'atteinte des feux. La seule autre espèce connue de Sartidia à Madagascar serait disparue.

    Fleurs (A), fruits (B), tige (C) feuilles (D) et spécimen (E) de la plante O<em>berholzeria etendekaensis</em>. © W. Swanepoel, <em>PLOS One</em> 2015.
    Fleurs (A), fruits (B), tige (C) feuilles (D) et spécimen (E) de la plante Oberholzeria etendekaensis. © W. Swanepoel, PLOS One 2015.

    Des espèces menacées d’extinction à cause des activités humaines

    Mais plusieurs des nouvelles espèces décrites en 2015 sont présumées éteintes. Par exemple, Tarenna agnata, de la famille des Rubiacées, n'a pas été vu vivant depuis 50 ans et a été découvert dans des collections d'herbiers. Une autre espèce considérée comme éteinte est une toute petite plante fleurie, haute de 3 à 4 mm, de la famille des Podostemaceae, des plantes  connues pour se développer sur les rochers des cascades. La seule localisation de cette espèce, Ledermaniella lunda, est maintenant le site d'un barrage hydroélectrique et l'extraction de diamantsdiamants a modifié les eaux du fleuve, signant la mort des plantes de cette famille.

    Le rapport confirme qu'une plante sur cinq est à risque d'extinction. Les menaces qui pèsent sur les espèces végétales sont liées à l'agricultureagriculture, à l'utilisation des ressources biologiques, au développement résidentiel et commercial et à la modification des écosystèmes naturels. Parmi les espèces menacées se trouve notamment Gilbertiodendron maximum, un arbre découvert dans la forêt tropicaleforêt tropicale du Gabon, qui mesure 45 m de haut, avec un tronc de 1,4 m de diamètre. C'est la plus grande des nouvelles espèces décrites en 2015. Il pèserait près de 105 tonnes !

    En pratique, il n'est pas simple de prouver qu'une espèce est éteinte. Il arrive même parfois de redécouvir des espèces présumées disparues : c'est le cas d'un arbre brésilien, le guarajuba, ou Terminalia acuminata. L'espèce qui était abondante dans les environs de Rio de Janeiro a été décrite en 1867. Mais l'arbre a été surexploité, en raison de la qualité de son bois, ce qui a conduit l'espèce à l'extinction. Considérée comme éteinte dans la nature, elle persistait malgré tout avec cinq spécimens vivants au Jardin botanique de Rio de Janeiro. Et en 2015, surprise : l'arbre a été découvert, 80 ans après avoir été vu pour la dernière fois dans la nature, à moins de 50 km du Jardin botanique !