Poisson à têtes de serpent, écureuil fauve, pantoufle de mer… Ils n’ont pas encore débarqué en Europe, mais leur potentielle arrivée pourrait provoquer des ravages sur la faune autochtone. Des chercheurs ont identifié les espèces exotiques à très haut risque pour notre biodiversité.


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    Les espèces exotiques envahissantes représentent la troisième cause de perte de biodiversité au niveau mondial. Selon l'UICNUICN, elles menacent près d'un tiers des espèces terrestres et sont impliquées dans la moitié des extinctions connues. En France, ce sont par exemple le ragondin, l'écrevisse de Louisiane, la grenouille Taureau ou l'AmbroisieAmbroisie. Au total, plus de 14.000 ont déjà été identifiées en Europe. Mais le pire n'est peut-être encore pas arrivé.

    Une équipe de chercheurs européens a identifié les espèces qui causeraient le plus de dégâts sur la faunefaune européenne si elles étaient introduites sur le territoire. Pour cela, ils ont recensé les espèces selon différents critères (caractère invasifinvasif déjà observé dans une autre région, proximité géographique avec l'UE, adaptation possible au climatclimat...) et calculé l'impact potentiel de chacune en terme de probabilité d'arrivée, d'établissement, de dissémination, et l'importance de cette incidenceincidence. Ils sont ainsi parvenus à une liste de 249 espèces, dont 66 potentiellement nuisibles. Parmi elles, 40 représentent un risque « élevé » et huit montrent un risque « très élevé ». Voici lesquelles :

    Poisson à tête de serpent (Channa Argus)

    Originaire du sud et de l'est de la Chine, le poissonpoisson serpent est particulièrement coriace : il peut survivre sous la glace, dans des eaux très pauvres en oxygène et à très haute salinitésalinité. Il s'est largement répandu au Japon dans les zones humideszones humides et les étangs peu profonds et marécageux, où il s'attaque aux poissons indigènesindigènes.

    <em>Channa Argus</em> © George Berninger, Wikipedia
    Channa Argus © George Berninger, Wikipedia

    Moule dorée (Limnoperna fortunei)

    Vivant dans les rivières de Chine et d'Asie du Sud-Est, la moule dorée s'est établie à Hong Kong en 1965 avant d'envahir le Japon dans les années 1990, puis les États-Unis et l'Amérique du Sud, via le commerce maritime et fluvial. Elle étouffe la faune indigène et réduit l'oxygène disponible dans l'eau.

    <em>Limnoperna fortunei</em> © oltovskoy, Wikipedia
    Limnoperna fortunei © oltovskoy, Wikipedia

    Écrevisse à taches rouges (Orconectes rusticus)

    Cette écrevisse native des États-Unis peut atteindre 15 centimètres de long en comptant les pinces. Très agressive, elle s'attaque aux autres espèces et détruit la flore aquatique. Elle éradique rapidement les populations natives pour devenir l'espèce dominante. Utilisée comme appâtappât par les pêcheurs, elle s'est répandue dans tous les états d'Amérique du Nord et au Canada.

    Écrevisse à taches rouges © kristofz, iNaturalist
    Écrevisse à taches rouges © kristofz, iNaturalist

    Poisson-chat rayé (Plotosus lineatus)

    Originaire de l'océan Indien mais repéré dès 2002 en Méditerranée, le poisson-chat rayé (aussi appelé galibot rayé) a proliféré en quelques années seulement le long de la côte israélienne où il colonise les fonds sableux et boueux. Connu pour sa redoutable nageoire venimeusevenimeuse, il se nourrit de petits poissons et de flore benthiquebenthique, contribuant ainsi à leur déclin.

    Poisson-chat rayé © Jens Petersen, Wikipedia
    Poisson-chat rayé © Jens Petersen, Wikipedia

    Algue verte (Codium parvulum)

    Provenant du bassin Indo-Pacifique, cette alguealgue, aux filaments tubulaires, a débarqué en 2004 sur les côtes israéliennes et le long du littoral libanais via le canal de Suez. Transportée sur les coques des navires, elle est aussi favorisée par le réchauffement de l'eau. Sa présence perturbe l'équilibre et le fonctionnement des écosystèmesécosystèmes et offre un habitat propice à l'arrivée de nouvelles espèces invasivesespèces invasives.

    <em>Codium parvulum</em> © wamoz, iNaturalist
    Codium parvulum © wamoz, iNaturalist

    Écureuil fauve (Sciurus niger)

    Natif de l'est et du centre de l'Amérique du Nord, l'écureuil fauve (également appelé écureuilécureuil renard) a été introduit dans plusieurs régions des États-Unis pour son beau pelage roux. Capable d'établir de larges populations à partir d'un petit groupe d'individus, il s'est rapidement dispersé sur tout l'ouest du pays et entre en compétition avec l'écureuil gris et l'écureuil Douglas.

    Écureuil fauve © arbutterflynut, iNaturalist
    Écureuil fauve © arbutterflynut, iNaturalist

    Pantoufle de mer (Crepidula onyx)

    Ce gastéropodegastéropode marin originaire de la côte méridionale de la Californie est maintenant largement répandu et très invasif en Asie où il a été observé en Corée, au Japon et à Hong Kong. S'agglutinant sur les rochers, dans la boue ou sur les coquillescoquilles d'autres mollusquesmollusques, il entre en compétition avec les autres filtreurs et particulièrement, les bivalvesbivalves (coquilles Saint-Jacques, huîtres, palourdes...)

    <em>Crepidula onyx</em> © dlbowls, iNaturalist
    Crepidula onyx © dlbowls, iNaturalist

    Moule zébrée (Mytilopsis adamsi)

    Cette moule provenant du Panama affectionne les eaux saumâtressaumâtres. Elle a envahi le bassin Indo-Pacifique au cours du XIXe siècle et atteint aujourd'hui les îles Fidji, l'Inde, la Malaisie, Taïwan, le Japon et l'Australie. Dans certaines régions côtières, elle a complètement supplanté les communautés indigènes. Très opportuniste et prolifique, elle survit dans des conditions environnementales extrêmes.

    <em>Mytilopsis adamsi</em> © Kringpaka Wangkulangkul,<i> Aquatic Invasions, </i>2008
    Mytilopsis adamsi © Kringpaka Wangkulangkul, Aquatic Invasions, 2008

    Au-delà de ce travail de recensement, les chercheurs mettent surtout en garde contre l'augmentation de la menace invasive. Si la « fuite » d'un organisme étranger depuis un parc zoologique ou botaniquebotanique est toujours le moyen le plus probable d'arrivée, le changement climatique, les accroissements des échanges commerciaux ou des travaux d'infrastructure peuvent exacerber le phénomène. Quelque 444 espèces exotiquesexotiques ont, par exemple, atteint la mer Méditerranée via le Canal de Suez. Les auteurs espèrent que leur travail améliorera la surveillance des espèces recensées sur leur liste. « Le meilleur moyen de lutter contre les invasions, c'est de les prévenir », mentionne Helen Roy, du Centre pour l'écologieécologie et l'hydrologiehydrologie de Wallingford, en Angleterre.