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    Si les deux premières positions sont à l'opposé, la troisième hypothèse est moins tranchante, on peut considérer l'existence de l'Atlantide avec suspicion dans le contexte archéologique. 

    Position 1 : Tout est imaginaire dans le récit de Platon

    Partant d'une tradition, présentée comme authentique, Platon développe la fiction d'une République idéale, opposée victorieusement à un envahisseur atlantique. Comme un romancier qui, à partir d'un fait divers, construit son propos, le philosophe échafaude une fable moralisatrice. La complexe société atlantidienne du Critias, utopie transposée dans le passé d'une histoire présentée comme véritable, est de l'aveu même de son auteur, imaginaire.

    « Les citoyens et la cité qu'hier vous nous avez représentés comme une fiction, nous les transposerons maintenant dans l'ordre du réel : nous supposerons qu'il s'agit de la cité que voici : les citoyens que vous aviez imaginés, nous dirons que ce sont ceux-ci, les vrais, nos ancêtres, ceux dont avait parlé le prêtre. Il y aura concordance complète, et nous n'errerons point si nous affirmons qu'ils sont bien ceux qui existèrent en ce temps-là. »

    Atlantis, ruines antiques vue d'artiste. © ratpack223, Fotolia
    Atlantis, ruines antiques vue d'artiste. © ratpack223, Fotolia

    C'est aussi l'avis des érudits, familiers des textes grecs, qui y retrouvent, transposées et idéalisées, les cités-États contemporaines de Platon. La tendance actuelle chez ces spécialistes est encore plus radicale puisqu'elle généralise cette opinion à la totalité du récit. On refuse alors tout net, et a priori, l'évocation d'un évènement réel qui serait la source de l'histoire.

    Il est vrai que toutes les « interprétations » proposées jusqu'ici sont délirantes. On trouvera un inventaire de ces productions littéraires où la science-fiction prétend remplacer la science dans un récent ouvrage sur ces « Atlantides imaginaires ». Romanciers de science-fiction et tenants de l'archéologie fantastique ont actuellement contribué à faire des propos du philosophe antique un mythe moderne toujours vivant, dont le grand public, plus familier de Walt Disney que de Platon, a bien souvent complètement oublié les sources !

    Platon.
    Platon.

    Position 2 : Tout est réel dans le récit de Platon

    En dehors du champ scientifique, mais s'en réclamant, certains vulgarisateurs, peu exigeants en matière de cohérence avec les données archéologiques et géologiques, évoquent un continent peuplé d'une civilisation très avancée, englouti quelque part entre l'Ancien et le Nouveau Monde.

    Cette civilisation fantôme serait la source hypothétique mais affirmée, de toutes les grandes civilisations de l'Antiquité depuis l'Égypte jusqu'à la Mésoamérique.

    L'homme dériverait ainsi d'ancêtres plus illustres que ceux découverts par l'archéologie « officielle ». La recherche de Pères originaires prestigieux (voire extraterrestres !) chez des auteurs réfractairesréfractaires à tout argument rationnel est une constante suffisamment claire et répétitive, pour renvoyer à des mécanismes psychopathologiques répandus.

    Position 3 : Le récit de Platon pourrait être partiellement vrai

    Exaspérés par les délires de l'« Atlantomanie » la plupart des hellénistes n'évoquent plus la possibilité d'une tradition fiable. Au VIe siècle après J.-C, Proclus n'exclut pourtant pas cette possibilité en interprétant le texte de Platon comme un mélange de réalité historique et d'allégorie. Pour étayer ce point de vue, Proclus cite Marcellus et son traité de géographie « sur les choses éthiopiques », (c'est-à-dire sur l'Afrique) : cette source confirmerait le témoignage de Platon en évoquant la tradition d'un archipelarchipel de sept îles englouties à la sortie des Colonnes d'Hercule.

    Certains spécialistes des textes grecs, interviewés par la revue Science et Vie ne semblent pas aussi catégoriques que leurs collègues et ne refusent pas, sans arguments, la possibilité qu'il puisse y avoir un noyau de réel dans le mythe. De fait, faute de faits nouveaux à verser au dossier depuis deux mille ans, partisans et opposants d'une Atlantide réelle ne font qu'affirmer, plus ou moins violemment, des impressions personnelles...

    Atlantide : la piste de Gibraltar, un noyau de réel dans le mythe ? 
    Atlantide : la piste de Gibraltar, un noyau de réel dans le mythe ? 

    La découverte d'une île engloutie à l'endroit et à la date indiquée par Platon serait évidemment un argument décisif pour étayer une position contraire aux idées actuellement dominantes. Avant la deuxième guerre mondiale, on avait recherché cette Atlantide « abîmée dans la mer » en Amérique, aux Açores, aux Canaries, à Madère, en Islande, en Tunisie, en Suède, en Afrique occidentale, au Sahara, etc. La tentative la plus récente fut celle de l'archéologue grec Marinatos qui voulait assimiler l'Atlantide à la Crète dont la civilisation aurait été ruinée par l'explosion du Santorin.

    Cette hypothèse est abandonnée : ni le lieu ni la date ne correspondent au texte de Platon. Par ailleurs, la corrélation entre la ruine de la civilisation crétoise et l'explosion du Santorin n'est plus aussi certaine ! Faute de trouver une île engloutie dans l'Atlantique, le géologuegéologue tchèque Kukal conclut, au terme d'un inventaire sérieux des possibilités, qu'il n'y a rien d'habitable dans l'Atlantique hormis la zone de Madère et des Açores.

    Malheureusement, aucune de ces îles n'a été habitée à une époque suffisamment ancienne pour être candidate. La découverte de Madère et des Açores ne semble pas antérieure à l'époque romaine. L'occupation de l'Archipel des Canaries ne remonte pas à plus de 2.000 ans avant nous, et ces îles volcaniques aux flancs abrupts ne sont pas entourées de plateaux continentaux suffisamment larges pour cacher autre chose.