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    Curieusement, on a cherché des témoignages de cette île très loin dans l'Atlantique sans jamais évoquer le débouché immédiat du détroit de Gibraltar alors que Platon dit explicitement que l'île Atlantide se trouve : « devant les Colonnes d'Hercule ». Nos connaissances sur cette région ont bénéficié d'études géologiques récentes dans la perspective d'un projet de constructionconstruction d'un tunnel entre l'Afrique et l'Europe.

    Par ailleurs, de récentes campagnes de prospection actualisent nos connaissances sur l'archéologie préhistorique de cette région clé encore peu connue. Les préhistoriens s'interrogent à nouveau sur les sites préhistoriques immergés des côtes marocaines et ibériques et sur les rapports, encore mal élucidés entre les deux continents au cours du Paléolithique supérieur. C'est à la suite de ces campagnes, sur une suggestion d'A. Bouzouggar que nous nous sommes intéressés au détroit de Gibraltar de la fin de la dernière glaciationglaciation.

    Vue du détroit de Gibraltar. © Nasa, <em>Wikimedia commons,</em> DP
    Vue du détroit de Gibraltar. © Nasa, Wikimedia commons, DP

    La géographie du détroit de Gibraltar

    Le paysage actuel du détroit de Gibraltar est, à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques, récent : c'est l'héritage direct du réchauffement climatiqueréchauffement climatique qui a succédé à la dernière glaciation. Le niveau de la mer est remonté de 135 mètres en l'espace de vingt mille ans en submergeant les plateaux continentaux entre 19000 BP (before present) et le début de notre ère. L'absence de surrection tectonique de grande amplitude pendant les derniers 20.000 ans a été vérifiée par les géologuesgéologues espagnols. Il suffit donc, pour reconstituer la géographie du détroit de Gibraltar de l'époque glaciaire, de faire descendre par la pensée la mer de 135 mètres (Figure 1, ci-dessous). Cette profondeur est celle actuellement admise pour le niveau marin du dernier maximum glaciaire.

    Figure 1 : Schéma des zones émergées entre 19.000 BP et le début de notre ère.
    Figure 1 : Schéma des zones émergées entre 19.000 BP et le début de notre ère.

    Au nord-ouest du Cap Spartel, un haut-fond (Banco Majuan ou Banc Spartel des cartes marines espagnoles, The Ridge des cartes marines anglaises), orienté NE-SO, formait alors une île (14 kilomètres de long sur 5 kilomètres de large). Son sommet culmine à -56 mètres (Fig. 1, n° 1). Cette île n'était pas isolée et faisait partie d'un archipelarchipel. Trois petits îlots constituaient autant de relais vers le continent ibérique (Fig. 1 : n° 2, n° 3, n° 4). La passe entre Méditerranée et Atlantique, très rétrécie par rapport à l'actuelle, était considérablement prolongée vers l'ouest par l'émersion des plateaux continentaux européens et africains. L'île du Cap Spartel faisait face à ce goulet élargi vers l'ouest en un havre protégé de la houlehoule de l'océan. Trois îles barraient l'accès au grand large (Fig. 1, n° 5, n° 6 et n° 7).

    L'île du Cap Spartel était habitée 

    Au total ce paléodétroit du dernier maximum glaciaire (Fig. 1) se prolongeait par une mer intérieure baignant un monde insulaire. Ce sas vers l'océan Atlantique s'étendait sur 77 kilomètres d'ouest en est, et de 20 à 10 kilomètres du nord au sud. On peut raisonnablement supposer que cette île, située à 5-8 kilomètres des côtes était occupée par les populations paléolithiques dont la présence est abondamment attestée sur les littoraux marocains, espagnols et portugais.

    La période d'émersion de l'archipel du Cap Spartel coïncide avec des remplacements majeurs de populations. En Afrique du Nord et sur le continent ibérique, le maximum glaciaire voit l'élimination des Homo sapiensHomo sapiens archaïques par les hommes modernes du Paléolithique supérieur. Ces populations se répandent rapidement sur les côtes africaines et européennes entre 18.000 et 9.000 ans avant notre ère avant de subir les contrecoups du réchauffement climatique et de la remontée de la mer sur leurs territoires insulaires et littoraux.