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    Platon fait mention de l'Atlantide dans deux textes : le Timée et le Critias. Pour le philosophe grec, le point de départpoint de départ de son récit philosophique est une tradition orale d'évènements ayant eu lieu 9.000 ans avant notre ère selon les prêtres de la ville égyptienne de Saïs. Entre mythe et géologiegéologie, y a-t-il une réalité ? 

    Timée : « En effet, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les colonnes d'Hercule ».

    Géologie : À l'ouest du détroit de Gibraltar une mer intérieure précédait l'océan Atlantique. On pouvait facilement traverser cette mer pour atteindre les continents africains et européens. Une île, actuellement immergée faisait face aux « colonnes d'Hercule ».

    Phare du Cap Spartel, nord du Maroc. © Diego Delso, <em>Wikimedia commons,</em> CC by-sa 4.0
    Phare du Cap Spartel, nord du Maroc. © Diego Delso, Wikimedia commons, CC by-sa 4.0

    Timée : « Car d'un côté, en dedans de ce détroit dont nous parlons, il semble qu'il n'y ait qu'un havre au goulet resserré et, de l'autre, au-dehors, il y a cette mer véritable et la terre qui l'entoure et que l'on peut appeler véritablement, au sens propre du terme, un continent. »

    Géologie : Platon décrit parfaitement le détroit de la période glaciairepériode glaciaire. La passe Est se présente bien comme un couloir très étroit (« havre au goulet resserré »). La partie ouest forme une petite mer intérieure (77 km de long pour une largeur de 10 km à 20 km). Cette Méditerranée en miniature, sas avant l'océan Atlantique, était quasi fermée par l'émersion des plateaux continentaux européens et africains.

     Vue en perspective du détroit de Gibraltar, ouvrant sur la mer Méditerranée, avec l'Afrique (Maroc) à droite et l'Europe (Espagne) à gauche. © Sémhur, <em>Wikimedia common</em>s, CC by-sa 3.0
     Vue en perspective du détroit de Gibraltar, ouvrant sur la mer Méditerranée, avec l'Afrique (Maroc) à droite et l'Europe (Espagne) à gauche. © Sémhur, Wikimedia commons, CC by-sa 3.0

    Timée : « Et les voyageurs de ce temps-là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom. »

    Géologie : À partir de cette île, on pouvait passer sur les autres et gagner ensuite le continent au Nord ou au Sud après avoir traversé une mer quasi fermée (à l'ouest par une barrière d'île) de 77 km sur 20 km (mer « qui mérite vraiment son nom »). Proclus (Ve siècle de notre ère) cite pour sa part, un géographe, Marcellus et une dizaine d'îles disparues devant le détroit de Gibraltar.

    Timée : « cette île était plus grande que la Libye et l'Asie réunies ».

    Géologie : À première vue, la dimension donnée par Platon est sans commune mesure avec celle de l'île du Cap Spartel et des autres îles de l'archipelarchipel. On peut toutefois relever dans le Critias une indication contradictoire ou ce n'est plus la dimension de l'île Atlantide dont on parle mais celle de l'étendue du territoire des « atlantes » : « Non seulement étaient-ils maîtres de plusieurs autres îles dans la mer mais encore, comme il a été dit antérieurement, leur pouvoir s'étendait sur les régions qui se trouvent en deçà des colonnes d'Héraclès, jusqu'en Égypte et à la Tyrrhénie ». C'était aussi le cas des populations préhistoriques qui venaient d'envahir les côtes du Maghreb des Colonnes d'Hercule à la Tunisie pendant que leurs homologues européens se répandaient sur les côtes du continent européen jusqu'à la Tyrrhénie (et bien au-delà !). Peut-être, faut-il, aussi et plus simplement, supposer une certaine dérive, au cours de 9.000 ans de transmission orale ? L'a priori de Platon voulant magnifier la puissance qu'il oppose aux anciens grecs dans sa fiction n'est peut-être pas étranger à cette exagération.

    Vue du Cap Spartel. © DR
    Vue du Cap Spartel. © DR

    Les commentateurs antiques ne semblaient pas prendre au sérieux les dimensions que Platon attribuait à l'île Atlantide. Proclus explicite pour nous ce point particulier : « Il faut ici se rappeler les principes fondamentaux de Platon sur la terre, à savoir qu'il n'en mesure pas la grandeur de la même manière que les mathématiciens, mais a estimé qu'elle a plus grande étendue, comme le dit Socrate dans le Phédon, et pose qu'il y a bien d'autres lieux de séjour à peu près égaux à notre terre habitée. C'est pourquoi il rapporte l'existence dans la mer extérieure, d'une île et d'un continent d'une telle ampleur... »

    Timée : « C'est donc de vos concitoyens d'il y a neuf mille ans que je vais vous découvrir brièvement les lois. »

    Géologie : Cette date (11.000 ans BP) coïncide exactement avec celle de la submersionsubmersion des deux îles majeures de l'archipel du Cap Spartel. La mer atteint la côte -55 m vers 11 Ka BP : c'est, curieusement, la date exacte indiquée par Solon qui n'avait pourtant aucune connaissance des étapes de la remontée de la mer finiglaciaire ! Cette exactitude troublante est peut-être pure coïncidence, mais, il faut rappeler que, dans les sociétés sans écritures, le décompte des généalogies est très pratiqué avec des exemples de lignées apprises par cœur pendant plus de mille ans dans des sociétés africaines. Les Égyptiens enregistraient les évènements et les dynasties depuis plus de 3.000 ans. Ils pouvaient fort bien avoir enregistré les listes généalogiques des sociétés antérieures et accédé à une chronologie au moins approchée des évènements.

    Timée : « Mais, dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terretremblements de terre effroyables et des cataclysmes. Dans l'espace d'un seul jour et d'une nuit terribles, toute votre armée fut engloutie d'un seul coup sous la terre, et de même l'île Atlantide s'abîma dans la mer et disparut. Voilà pourquoi, aujourd'hui encore, cet océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l'obstacle des fonds vaseux et très bas que l'île, en s'engloutissant, a déposé. »

    Géologie : En dehors de la certitude d'une submersion accélérée (quatre mètres par siècle) du paléodétroit et de son archipel, contemporaine du basculement vers les conditions interglaciaires actuelles, il n'est pas exclu que des phénomènes sismiques ou des raz-de-maréeraz-de-marée se soient produits dans la même fourchette temporelle comme le montrent les exemples historiques. Le séisme du 1er novembre 1755 (intensité 10-11 sur l'échelle de Mercalli), dont l'épicentre était sous-marinsous-marin, a partiellement détruit la ville de Lisbonne et déclenché un raz-de-marée sur les côtes portugaises et marocaines. Les vaguesvagues de ce raz-de-marée ont atteint plus de six mètres à Lisbonne, plus de cinq mètres au Cap St Vicente (SO Portugal) et plus de 10 mètres tout au long du Golfe de Cadiz.

    Au total, la géologie prouve la réalité d'une île engloutie 9.000 ans avant Platon devant le détroit de Gibraltar (les colonnes d'Hercule). Platon renvoie pour sa part à une tradition égyptienne d'engloutissement d'une île devant les Colonnes d'Hercule (le détroit de Gibraltar) : sauf coïncidence improbable il se pourrait bien que ces deux discours renvoient à une même réalité, celle de faits géologiques avérés et vérifiables transmis par la tradition orale...