Pour mieux comprendre comment le corps humain réagit à l’apesanteur, les chercheurs mènent des expériences dites d’alitement prolongé. Et l’Agence spatiale européenne (ESA) vient de se doter de nouveaux moyens en la matière.


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    Le corps humain n'est pas adapté à la vie en apesanteur. Dans l'espace, les astronautes perdent notamment de la densité musculaire et osseuse et les fluides se concentrent du côté du cerveaucerveau. Pour mieux comprendre et combattre ces phénomènes, des chercheurs étudient des volontaires placés dans des situations un peu particulières. Ils sont alités pendant de longues périodes, la tête à 6° sous l'horizontal.

    Et l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) annonce aujourd'hui avoir élargi ses capacités de tests. Après Toulouse (France) et Cologne (Allemagne), c'est désormais à Planica (Slovénie) que de telles expériences d’alitement pourront être menées. Un site situé en altitude, sous une pression atmosphériquepression atmosphérique moindre -- un peu comme dans les futures bases lunaires -- et avec la possibilité de modifier les conditions environnementales comme les niveaux d'oxygène dans la pièce -- car l'environnement confiné des futurs habitats spatiaux devrait être moins riche en oxygène que notre atmosphèreatmosphère.

    Les volontaires pour participer à des expériences d’alitement sont nombreux. Mais les chercheurs leur rappellent que ces expériences ne sont pas une partie de plaisir. Entre autres parce qu’elles supposent des prises de sang régulières et même des biopsies musculaires. © E. Grimault, CES
    Les volontaires pour participer à des expériences d’alitement sont nombreux. Mais les chercheurs leur rappellent que ces expériences ne sont pas une partie de plaisir. Entre autres parce qu’elles supposent des prises de sang régulières et même des biopsies musculaires. © E. Grimault, CES

    Des moyens toujours plus pointus

    Tous les sites de l'ESA disposent par ailleurs de centrifugeuses afin de permettre aux volontaires de ressentir une sorte de gravité artificielle, ainsi que de machines d'exercice spécialement conçues. « L'objectif est de tester les systèmes qui réduisent les effets indésirables de la vie en apesanteur », précise AngéliqueAngélique Van Ombergen, coordinatrice scientifique, dans un communiqué de l’ESA.

    Du côté de Toulouse, l'ESA dispose désormais également de moyens dits d'immersion sèche. Des baignoiresbaignoires dans lesquelles les volontaires sont maintenus suspendus afin d'imiter les conditions qui règnent à bord de la Station spatiale internationale (ISSISS), par exemple. Les premières expériences seront menées sur des femmes pour lesquelles les résultats manquent cruellement.


    Impesanteur simulée : après 60 jours au lit, c'est l'heure du lever

    La seconde phase de l'expérience de « bedrest » féminin menée par l'ESA et le CNES touche à sa fin. Les douze volontaires du programme ont commencé à se lever, après deux mois d'alitement continu.

    Article de l'ESA paru le 06/12/2005

    60 jours au lit... c'est fini !
    60 jours au lit... c'est fini !

    Pour la seconde fois, à la clinique spatiale du MEDES (Institut de Médecine et de Physiologie Spatiale), à Toulouse, douze volontaires féminines européennes ont passé 60 jours en position allongée - sur des lits inclinés à 6°, les pieds légèrement surélevés par rapport à la tête - afin d'induire dans leur organisme des phénomènes similaires à ceux causés par de longues périodes d'impesanteur.

    Cette expérience de « bedrest » était effectuée dans le cadre de l'étude WISE (Women International Simulation Experiment), conduite en coopération par l'ESA, le CNES, l'Agence Spatiale CanadienneAgence Spatiale Canadienne et la NASA. Un premier groupe de 12 femmes a déjà réalisé une session de « bedrest » de 60 jours entre mars et mai dernier.

    L'objectif était de faire subir aux volontaires des conditions s'apparentant à celles subies par les astronautes lors des séjours de longue duréedurée dans l'espace. A terme, l'impesanteur entraîne une perte de massemasse musculaire, hydrique et osseuse. Il ne s'agit toutefois pas d'étudier spécifiquement ces phénomènes mais plutôt de mettre au point les meilleurs moyens de les combattre. Les volontaires ont donc été divisées en trois groupes afin de tester différents types de contre-mesures : un groupe de référence, un groupe pratiquant des exercices physiquesphysiques sur des appareillages adaptés à la station couchée et un groupe avec un régime enrichi en suppléments protéiniques.

    Pour pouvoir obtenir des résultats statistiques fiables, l'étude devait porter sur 24 femmes, c'est pourquoi un second groupe de 12 volontaires européennes - une Ecossaise, trois Finlandaises, sept Françaises et une Suissesse allemande - a rejoint la clinique spatiale du MEDES en septembre pour la seconde phase du projet.

    Avec le lever des volontaires commence une période critique d'examens médicaux pour collecter un grand nombre de données lors de leur « retour à la vie terrestre ».

    Cette étude en coopération internationale, particulièrement complexe et pluridisciplinaire, a nécessité deux ans de mise en place et constitue à ce jour un franc succès.

    Il reste encore beaucoup à apprendre sur la physiologie humaine et sa capacité d'adaptation à un environnement spatial. Comme le rappelle Roberto Vittori : « Une des bases de la recherche scientifique est que l'on ne sait pas toujours ce que l'on va découvrir. Un bon moyen de progresser est de regarder ce que l'on connaît sous une perspective différente. Or, en médecine, la microgravitémicrogravité nous fournit justement ce point de vue différent sur le corps humain ».