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Le modèle théorique démontre que les liaisons hydrogène peuvent accrocher en même temps les molécules d’eau entre elles et au substrat. Crédit : London Centre for Nanotechnology
Photographier un glaçon, voilà une opération bien banale mais ce cliché-là a réclamé des années de travail à une équipe anglo-allemande menée par Angelos Michaelides (London Centre for Nanotechnology)) et Karina Morgenstern (université de Leibniz).
D'abord en faisant appel à des modèles théoriques sophistiqués, ces chercheurs ont étudié la manière dont les molécules d'eau se lient entre elles quand elles sont adsorbées sur une surface hydrophobehydrophobe, métallique en l'occurrence. Pourquoi un tel cas de figure ? Parce qu'il permet d'étudier, avec expériences à la clé, comment les molécules s'accrochent entre elles dans l'atmosphèreatmosphère pour former les nuagesnuages. Cet assemblage s'appelle la nucléation et n'est connu qu'approximativement. On sait que les molécules s'attachent entre elles par des liaisons dites « hydrogène ». Cette attraction intervient entre le noyau (positif) d'un atome d'hydrogène d'une molécule et le nuage électronique (négatif) porté par l'oxygène de la molécule voisine.
Mais comment le phénomène se passe-t-il précisément ? Pour le vérifier expérimentalement, les auteurs de l'étude, qui vient de paraître dans Nature Materials, ont déposé un peu d'eau liquideliquide sur une surface métallique refroidie à 5 kelvinskelvins, soit - 268 °C. La scène a ensuite été observée à l'aide d'un microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel.
Le plus petit glaçon de l’univers ! Le microscope à effet tunnel montre six molécules d’eau (en bleu) unies entre elles par des liaisons hydrogène. Crédit : London Centre for Nanotechnology
De la goutte au nuage
Sont alors apparus de minuscules morceaux de glace dans lesquels les molécules sont individuellement repérables. Parmi eux se trouvait le plus petit permis par la théorie et appelé hexamère car il ne comporte que six molécules d'eau. En soi, cette image est une prouesse technique car jusque-là personne n'avait réussi à en obtenir une semblable.
« La façon dont les molécules d'eau s'agencent entre elles pour donner naissance à la glace reste mystérieuse, explique Angelos Michaelides. Notre recherche donne un nouvel éclairage sur la plus importante et la plus complexe des formes de nucléation, appelée nucléation hétérogène. » Pour comprendre les paroles de ce physicienphysicien, il faut savoir que la prise en glace s'effectue de manières différentes selon qu'elle se produit entre molécules d'eau seules ou bien à cause d'impuretés. Dans le premier cas - la nucléation homogène - la solidificationsolidification intervient à une température très basse, bien inférieure à 0 °C (c'est la surfusionsurfusion).
Mais le plus souvent, l'eau gèle autour de petits corps ou de molécules : c'est la nucléation hétérogène. Un choc peut également la provoquer. Un avion, par exemple, peut se couvrir de givregivre en quelques secondes quand il pénètre dans un nuage dont les gouttelettes d'eau en surfusion gèlent au contact de la carlingue.
Selon les chercheurs, ces résultats apportent une meilleure compréhension de la nucléation sur différents substratssubstrats (métauxmétaux, sels...) et les auteurs, enthousiastes, voient des applicationsapplications en astronomie, en électrochimie et même dans le secteur de l'énergieénergie. On peut espérer aussi, expliquent-ils, percer quelques secrets concernant le rôle des aérosolsaérosols ou des poussières sur la pluviosité et donc sur le climatclimat. Du moléculaire au planétaire, il n'y a que quelques pas...