Alors que les spéculations sur une possible inversion du champ magnétique allaient bon train, une nouvelle étude vient calmer le jeu. L’affaiblissement du champ magnétique observé dans l’Atlantique Sud ne serait qu’un phénomène récurrent et normal qui pourrait disparaître totalement d’ici 300 ans.


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    Depuis l'origine de la Terre, le champ magnétiquechamp magnétique qui l'entoure n'a cessé de varier, tout en assurant au fil des milliards d’années sa fonction de protection contre les vents solairesvents solaires. Ces variations peuvent aller jusqu'à des inversions complètes des pôles magnétiquespôles magnétiques. Ce processus s'est reproduit à de très nombreuses reprises au cours des temps géologiques. Il s'agit pour ainsi dire d'un phénomène banal, qui se produit tous les 200.000 ans en moyenne, même s'il est difficile d'y observer une régularité.

    Échelle de polarité magnétique pour la période récente représentant toutes les inversions magnétiques connues (alternances bandes noires et blanches) sur les cinq derniers millions d'années. © <em>U.S. Geological Survey</em>
    Échelle de polarité magnétique pour la période récente représentant toutes les inversions magnétiques connues (alternances bandes noires et blanches) sur les cinq derniers millions d'années. © U.S. Geological Survey

    Une anomalie, mais pas d’inversion au programme !

    Actuellement, nous sommes capables de mesurer l'intensité et l'orientation du champ magnétique terrestre et de suivre son évolution. Or, les scientifiques notent que, depuis environ 180 ans, l'intensité du champ magnétique a diminué d'environ 10 %. Une zone de champ magnétique affaiblie a également commencé à se former dans l'Atlantique Sud, au niveau de la côte sud-américaine. La présence de cette anomalieanomalie a soulevé l'idée qu'une inversion de polarité pourrait être imminente. Cela pourrait être la première inversion directement documentée par l'humanité.

    Modélisation du champ magnétique terrestre par Glatzmaier et Roberts. À gauche, durant une période calme, la composante dipolaire prédomine. À droite, durant une inversion, on peut voir l’apparition de plusieurs pôles Nord et Sud. © Nasa
    Modélisation du champ magnétique terrestre par Glatzmaier et Roberts. À gauche, durant une période calme, la composante dipolaire prédomine. À droite, durant une inversion, on peut voir l’apparition de plusieurs pôles Nord et Sud. © Nasa

    Pourtant, une nouvelle étude, publiée dans PNAS, montre qu'il n'en est rien. Ce type d'anomalies serait en réalité un phénomène récurrent sur les derniers 9.000 ans, en lien avec les variations normales du champ magnétique qui est généré par des mouvements convectifsmouvements convectifs complexes au sein du noyau externe de la Terre.

    Les modélisationsmodélisations des chercheurs ont ainsi permis de conclure que l'anomalie de l'Atlantique Sud pourrait probablement disparaître dans les 300 prochaines années, sans occasionner d'inversion du champ magnétique.  


    L'anomalie magnétique de l'Atlantique sud annonce-t-elle une inversion magnétique imminente ?

    Une inversion magnétique des pôles de la Terre est-elle imminente ? Peut-être que oui... ou peut-être que non. Pour tenter de le savoir des paléomagnéticiens ont fouillé les archives des roches volcaniques de 34 éruptions passées sur l'île Sainte-Hélène, au cœur de l'anomalie magnétique de l'Atlantique Sud.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 22 août 2020

    Le phénomène d'inversion des pôles fascine et ce d'autant plus qu'il implique un fort affaiblissement temporaire de l'intensité du bouclier magnétique terrestre. Pourtant, les inversions magnétiques dont on a découvert l’existence il y a plus d’un siècle se sont produites de nombreuses fois dans l'histoire de la Terre et il n'existe aucune preuve convaincante que cela ait, à chaque fois, profondément modifié le climat ou la biosphère. Rien de vraiment particulier ne semble arriver au moment où le champ magnétique de la Planète bleuePlanète bleue est au plus faible, au moins tant que cela reste très temporaire à l'échelle géologique, qui compte comme unité de temps le million d'années. Heureusement donc, FusionFusion, le film catastrophe de science-fiction britanno-américain réalisé par Jon Amiel et sorti en 2003, est destiné à rester sur les écrans.

    Toutefois, on constate depuis quelque temps une baisse de l'intensité globale du champ magnétique de la Terre et il y a débat pour savoir si c’est une indication de l’imminence d’une inversion magnétique. Si le phénomène se produisait de nos jours, il perturberait certainement notre civilisation technologiquement avancée, basée sur l'électricité, l'électronique et les satellites, notamment en cas d'une tempête solaire violente.

    Nous comprenons plutôt bien que le champ magnétique de la Terre est le produit conjoint de sa rotation et de la convection turbulente de la partie de son noyau en alliagealliage de ferfer et de nickelnickel qui est liquideliquide. L'expérience VKS (Von |c300fcaab6c281892db940d9a0318b33| SodiumSodium) permet même de reproduire la dynamodynamo autoexcitatrice ainsi produite et les inversions magnétiques, mais nous ne savons pas encore en tirer des prédictions fines sur l'évolution de la magnétosphèremagnétosphère comme on le ferait pour le climat et l'atmosphèreatmosphère, bien que l'on ait tout de même réussi quelques prouesses dans cette direction.

    Une carte de la Terre montrant l'écart actuel par rapport à la direction attendue du champ magnétique. Les écarts importants sont en jaune-orange et les petits écarts sont en bleu. L'étoile est l'île Sainte-Hélène, qui est au cœur de l'anomalie. La ligne grise montre le contour de la zone sismique qui est plus chaude que le reste du manteau. © Dr Yael Engbers, université de Liverpool
    Une carte de la Terre montrant l'écart actuel par rapport à la direction attendue du champ magnétique. Les écarts importants sont en jaune-orange et les petits écarts sont en bleu. L'étoile est l'île Sainte-Hélène, qui est au cœur de l'anomalie. La ligne grise montre le contour de la zone sismique qui est plus chaude que le reste du manteau. © Dr Yael Engbers, université de Liverpool

    L'anomalie magnétique de l'Atlantique Sud et la mémoire du volcan de Sainte-Hélène

    Depuis quelque temps, certains se sont demandé si la célèbre anomalie magnétique de l'Atlantique Sud, dont Futura avait parlé dans le précédent article ci-dessous, n'était pas un signe précurseur de l'inversion des pôles magnétiques. Rappelons qu'il s'agit d'une région de l'Atlantique où l'on constate un affaiblissement significatif de l'intensité du champ magnétique de la Terre qui normalement est grossièrement dipolaire, comme celui d'une barre aimantée en matériaux ferromagnétiquesferromagnétiques. On constate aussi qu'elle est associée à des dysfonctionnements des satellites proches, au-dessus de cette région.

    Pour tenter de mieux comprendre la nature et la signification de cette anomalie, des paléomagnéticiens ont fouillé les archives géomagnétiques de la Terre conservées dans des roches volcaniques émises sur l'île Sainte-Hélène qui se trouve au milieu de l'anomalie de l'Atlantique Sud. Ils viennent de publier les résultats de leurs travaux dans un article des célèbres Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). 

    Voici ce qu'en dit Yael Engbers, doctorante à l'université de Liverpool et auteure principale de l'article de PNAS : « Notre étude fournit la première analyse à long terme du champ magnétique dans cette région datant de plusieurs millions d'années. Elle révèle que l'anomalie du champ magnétique de l'Atlantique Sud n'est pas une anomalie singulière, des anomalies similaires existaient il y a huit à onze millions d'années. C'est la première fois que le comportement irrégulier du champ géomagnétique dans la région de l'Atlantique Sud est montré sur une si longue échelle de temps. Cela suggère que l'anomalie de l'Atlantique Sud est une caractéristique récurrente et probablement pas le signe d'un renversement imminent. Notre travail renforce également des études antérieures qui suggéraient un lien entre l'anomalie de l'Atlantique Sud et des caractéristiques sismiques anormales dans le manteaumanteau inférieur et le noyau externe. Cela nous rapproche de l'établissement d'un lien direct entre le comportement du champ géomagnétique et les caractéristiques de l'intérieur de la Terre ».
     


    Pourquoi le champ magnétique terrestre s'affaiblit-il au-dessus de l'Atlantique Sud ?

    Article de Emma HollenEmma Hollen publié le 26/05/2020

    Le champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre s'affaiblit progressivement au sud de l'Atlantique, un phénomène qui confond plus d'un géophysicien. Alors que certains soutiendront qu'il s'agit là de l'œuvre des Atlantes, les scientifiques, eux, font appel au ciel.

    Bien qu'invisible à nos yeuxyeux, le champ magnétique terrestre joue un rôle essentiel dans la préservation de la vie sur notre Planète bleue. Tout à la fois aimantaimant et bouclier, il dévie les particules mortelles des vents solaires, dont les ultimes vestiges s'épanouissent en aurores boréalesaurores boréales et australes aux pôles de la planète. Or, celui-ci est en train de s'amenuiser dans une région s'étendant entre l'Afrique et l'Amérique du Sud, une région si connue pour ses anomalies magnétiques qu'elle fait l'objet de ses propres mythes. Afin de comprendre cet étonnant phénomène, les scientifiques se sont tournés vers Swarm, une constellationconstellation de trois minisatellites lancée par l'ESAESA le 22 novembre 2013 pour étudier notre magnétosphère.

    Amas, une anomalie magnétique dans l'Atlantique

    Le champ magnétique naît des mouvements de convection du noyau externe terrestre : entourant le noyau interne, solidesolide, cette sphère de métalmétal liquide, principalement composée de fer et de nickel, agit comme une véritable dynamo. Les courants électriquescourants électriques qu'elle engendre sont mouvants et changeants. Ainsi, de récentes études ont permis d'observer les déplacements du pôle Nord magnétique sur plusieurs dizaines de kilomètres par an. Mais l'anomalie magnétique de l'Atlantique sud (ou Amas), elle, est quelque peu différente et questionne les scientifiques depuis bien des décennies déjà.

    Bien que l'intensité globale du champ magnétique terrestre ait décru au cours des deux derniers siècles, l'Amas semble suivre son propre cours. Entre 1970 et 2020, l'intensité du champ est tombée de 24.000 à 22.000 nanoteslas dans cette région, tandis que l'anomalie continue de se déplacer vers l'ouest au rythme de 20 kilomètres tous les ans. Plus récemment, au cours des cinq dernières années, un second foyer de faible intensité semble avoir émergé au sud-ouest de l'Afrique, suggérant que l'anomalie pourrait être en train de se séparer en deux cellules distinctes.

    Cette visualisation illustre l'évolution de l'anomalie magnétique de l'Atlantique Sud, enregistrée par le Swarm au cours des cinq dernières années. © Swarm, ESA

    Inversion des pôles ?

    L'existence de l'Amas remet en question la conception réductionniste que l'on pourrait avoir de la mécanique à l'origine du champ magnétique terrestre. Un simple modèle dipolaire, décrivant une Terre agissant comme un aimant, ne suffit pas à expliquer l'émergenceémergence de ces anomalies. C'est pourquoi, en novembre 2013, l'ESA a lancé la mission Swarm, destinée à l'exploration de notre magnétosphère. « Nous avons de la chance d'avoir les satellites Swarm en orbiteorbite pour étudier le développement de l'anomalie de l'Atlantique Sud, commente Jürgen Matzka, du centre allemand de recherche en géosciences. Le défi, à présent, est de comprendre les processus provoquant ces changements, au cœur de la Terre. »

    L'hypothèse prévalant actuellement est celle d'une inversion des pôles, un événement ayant lieu en moyenne tous les 250.000 ans. La dernière étant survenue il y a près de 780.000 ans, peut-être une nouvelle inversion est-elle à l'ordre du jour. Quoi qu'il advienne, les comportements étranges du champ magnétique terrestre ne présagent rien d'alarmant pour nous sur Terre. Les seuls atteints seront les satellites en orbite basse, qui pourront présenter quelques dysfonctionnements lors de leur passage au-dessus de cette mystérieuse zone encore incomprise.