Lucia Mandon est une planétologue, spécialiste de la géologie martienne. Elle a notamment contribué à caractériser les sites d'atterrissage des missions Mars 2020 et Exomars 2022. Elle nous raconte son parcours universitaire et son quotidien dans l’équipe de la mission Mars 2020 (Nasa), chargée de l’instrument SuperCam, à bord du rover Perseverance.


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    Actuellement postdoctorante au Laboratoire d'Études Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique (Lesia) à l'Observatoire de Paris, Lucia Mandon étudie les planètes. Pendant sa thèse, elle a jeté son dévolu sur Mars pour comprendre son histoire géologique. Avec son équipe, elle a donc cherché quels seraient les sites à explorer, ayant le plus de potentiels, pour la Mission ExoMars 2022. Aujourd'hui, membre de la mission Mars 2020, elle fait partie de ceux qui analysent les données récoltées par l'instrument franco-américain SuperCam à bord du rover PerseverancePerseverance. Son objectif : caractériser la composition des roches martiennes et peut-être découvrir, des traces de vie ancienne. Rencontre.

    La géologue et planétologue Lucia Mandon, postdoctorante au Lesia. © Lucia Mandon
    La géologue et planétologue Lucia Mandon, postdoctorante au Lesia. © Lucia Mandon

    À la conquête des planètes

    Comme beaucoup d'enfants, Lucia était fascinée par l'espace. Elle souhaitait devenir astrophysicienne. Mais les préjugés autour du métier ont fini par semer le doute. « Tu vas passer ton temps à regarder des chiffres devant des ordinateursordinateurs », prévenait son entourage. Quelques années plus tard, toujours hésitante, elle finit par s'orienter vers la géologiegéologie, en intégrant une Licence en Géosciences, à l'Université de Lyon -- un diplôme co-accrédité avec l'École normale supérieure de Lyon. Au programme, elle étudie les reliefs terrestres et ses secrets internes comprenant différentes enveloppes, un manteaumanteau et un noyau. À l'époque, Lucia ne connaissait pas encore la planétologie. En découvrant cette discipline, elle décide d'approfondir ce champ d'étude, dès sa troisième année de Licence, puis en Master.

    Le saviez-vous ?

    La planétologie est une branche de l’astrophysique. Ce champ étudie les planètes telluriques et gazeuses, les lunes et les objets du système solaire en général grâce à diverses techniques, comme la télédétection. Cette technique consiste à envoyer des sondes vers ces objets, pour prendre des clichés et des mesures afin d’analyser leur composition.

    La suite se déroule sur Mars. Avec l'équipe e-Planets du Laboratoire de géologie de Lyon, elle participe, pendant sa thèse, à la proposition d'un site d'atterrissage pour la mission ExoMarsExoMars 2022 : Oxia Planum. Une très ancienne région, âgée d'environ quatre milliards d'années (ère noachienne), contenant des dépôts argileux et abritant vraisemblablement un bassin, d'une centaine de kilomètres de large, dans lequel de l'eau liquide était autrefois abondante. En 2018, le projet est sélectionné.

    Parallèlement, elle contribue aussi à l'analyse de Nili Fossae. Une région unique, susceptible de révéler des signes de vie passée, en particulier au niveau du cratère Jezero, terrain de jeu actuel de Perseverance. En effet, ce lieu présente de grandes quantités d'olivineolivine, des minérauxminéraux hydratés, ainsi qu'un ancien deltadelta. La présence de ce dernier étant une preuve que l'eau y coulait aussi autrefois sous la forme d’un lac. Mais, pour savoir si la vie a pu exister, les scientifiques devront être patients, et attendre que les premiers échantillons martiens soient ramenés sur Terre.

    Le quotidien d'une spécialiste de la géologie martienne

    La mission Mars 2020 a débuté il y a maintenant quelques mois. À l'heure actuelle, une myriade de scientifiques et d'ingénieurs, notamment français et américains, s'attachent au bon fonctionnement du rover Perseverance. Parmi eux, Lucia Mandon et plusieurs dizaines de chercheurs s'occupent spécifiquement de l'instrument SuperCam. Une machine complexe, considérée comme la tête et les yeux du rover.

    Sur celle-ci, s'y trouve une caméra haute résolutionrésolution qui permet aussi bien de « regarder des roches à quelques mètres, de façon très détaillée, que d'observer l'horizon lointain en zoomant à l'autre bout du cratère Jezero », précise Lucia ; embarquée aussi la technologie Libs (LaserLaser Induced Breakdown Spectroscopy) qui pulvérise des petites surfaces de roches à l'aide d'un laser afin d'en tirer des informations sur leurs compositions chimiques, en regardant la lumièrelumière émise lors de cette attaque furtive. Par ailleurs, la technique du Raman, une spectroscopie de diffusiondiffusion, est également intégrée à la structure de SuperCam. Mais celle-ci est non destructive. Elle consiste à envoyer une lumière monochromatique sur l'échantillon et à analyser la lumière diffusée.

    La fonction principale de l’instrument franco-américain SuperCam est d’identifier à distance la composition chimique et minéralogique des roches et des sols. © Cnes
    La fonction principale de l’instrument franco-américain SuperCam est d’identifier à distance la composition chimique et minéralogique des roches et des sols. © Cnes

    Lucia Mandon, quant à elle, utilise la spectroscopie de réflectance pour ses recherches. Une autre technique de spectroscopie consistant à analyser la réflexion de la lumière du SoleilSoleil sur les surfaces planétaires ou d'autres objets célestes, afin d'en déterminer leur minéralogie. Enfin, il y a un microphone. Celui-ci permet, en premier lieu, d'enregistrer l'ambiance sonore martienne (notamment le ventvent) et, d'après Lucia, « on entend moins bien sur Mars, en raison de la faible densité de son atmosphèreatmosphère ». Mais il a aussi une autre fonction insoupçonnée : celle d'étudier le bruit des roches lorsque celles-ci sont vaporisées par le fameux laser, ceci dans le but de connaître leur duretédureté.

    Chaque jour, les données capturées par les instruments du rover martienrover martien, sont envoyées aux Terriens à une heure précise. À partir de ce moment, le rush commence. En seulement quelques heures, « il faut analyser les données, produire un premier rapport et une interprétation rapides », explique la chercheuse. Une tâche qui se complique étant donné que les chercheurs français doivent se calibrer sur l'heure américaine. Ainsi, pendant certaines périodes, ils travaillent de nuit. « Cependant, le début de la mission fut plus difficile, prévient Lucia. Nous devions tous suivre l'heure martienne, ce qui signifie qu'il fallait se décaler de 40 minutes tous les jours ! » -- un jour sur Mars équivaut à 24 heures et 39 minutes. Mais elle ne s'en plaint pas, car les découvertes quotidiennes trépidantes la tiennent éveillée, comme pour toute l'armada de scientifiques qui travaille à ses côtés.

    En attendant les prochaines découvertes, l'aventure martienne continue ! 

     

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