En étudiant une population de Jupiters chaudes en rotation synchrone autour de leur soleil, les astrophysiciens ont découvert que les températures sur les faces nocturnes étaient anormalement proches les unes des autres contrairement aux prédictions des modèles de leurs atmosphères. L'explication avancée fait intervenir des nuages de minéraux silicatés.


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    Cela fait presque 25 ans que l'Humanité est entrée dans le monde des exoplanètes en orbite autour d'étoiles de la séquence principale, environ 60 ans après avoir compris avec Hubble que la Voie lactée n'était bien qu'une galaxie parmi d'autres, comme le pensait notamment le philosophe Emmanuel Kant.

    Presque une décennie après la découverte de 51 Pegasi b, les télescopestélescopes Hubble et SpitzerSpitzer ont commencé à donner des informations sur la structure et la composition des atmosphèresatmosphères des géantes gazeusesgéantes gazeuses, baptisées depuis des Jupiters chaudesJupiters chaudes. Ainsi, au cours des années 2000, une équipe française menée par l'astrophysicienastrophysicien Alfred Vidal-Madjar avait déjà réussi, par exemple, à détecter indirectement de l'oxygèneoxygène, du carbonecarbone, de l'hydrogènehydrogène et du sodiumsodium dans l'atmosphère de HD 209458b, à l'aide du télescope Hubble.

    Spitzer fera mieux, en 2007, en fournissant directement pour la première fois un spectrespectre dans l'infrarougeinfrarouge des exoplanètes HD 209458b et HD 189733b. Surprise, dans les deux cas pour ces Jupiters chaudes, on peut lire dans ce spectre des indications sur la présence de silicatessilicates. En clair, cela veut dire que les couches supérieures seraient composées de nuagesnuages de fins grains de poussières, plus précisément sous forme de minéraux.

    On commençait également avec Spitzer à faire de la cartographie, certes très grossière, de la température de ces géantes gazeuses dont les orbites sont si rapprochées de leur soleilsoleil, que les forces de maréeforces de marée ont dû les conduire à être en rotation synchronesynchrone, comme c'est le cas de la LuneLune avec la Terre.

    Ces exoplanètes montreraient donc tout le temps la même face à leur étoile hôte, ce qui devrait naïvement se traduire par des différences de température très élevées entre la face diurnediurne surchauffée et la face nocturnenocturne glacée. Ce n'est pas ce que les premières observations, nécessairement rudimentaires, et leurs analyses aussi semblaient indiquer. Toutefois, les astrophysiciens spécialisés en planétologie et en particulier dans la physiquephysique des atmosphères n'étaient pas vraiment surpris. Comme dans le cas de la Terre, ils savaient que les ventsvents et autres processus dans une atmosphère sont capables de transporter de la chaleurchaleur et de tendre à égaliser les températures entre les deux faces d'une planète, même lorsqu'elle est en rotation synchrone.

    Malgré tout, on en était encore au tout début de notre exploration des exoplanètes. Ces observations allaient-elles être confirmées par la suite, en disposant d'un plus grand nombre de cas que l'on pouvait étudier et avec les raffinements des méthodes d'analyses et de modélisationsmodélisations des atmosphères des exoplanètes, et en particulier des Jupiters chaudes ?

    Image d’artiste du satellite Ariel en route vers sa destination finale : en orbite autour du point de Lagrange L2. © ESA/STFC RAL Space/UCL/Europlanet-Science Office
    Image d’artiste du satellite Ariel en route vers sa destination finale : en orbite autour du point de Lagrange L2. © ESA/STFC RAL Space/UCL/Europlanet-Science Office

    Des nuages qui tendent à uniformiser les températures nocturnes

    Une équipe d'astrophysiciens de l'Université McGill et de l'Institut de recherche sur les exoplanètes (iRex) de l'université de Montréal (le centre canadien le plus important du domaine) vient de publier dans Nature Astronomy un article également disponible en accès libre sur arXivarXiv qui permet de répondre à cette question. Les chercheurs se sont penchés sur les données fournies toujours par Spitzer et Hubble mais concernant 12 Jupiters chaudes. Elles confirment que les écarts de température entre les deux faces de ces astresastres en rotation sont bien plus faibles que s'ils ne possédaient pas d'atmosphère.

    Mais les planétologues ont eu une surprise, comme l'explique Dylan Keating, doctorant de Nicolas Cowan, professeur de l'Université McGill et à l'iRex : « Les modèles de circulation atmosphériquecirculation atmosphérique prévoyaient des variations de température nettement plus marquées sur les faces obscures. Considérant que les planètes que nous avons observées étaient irradiées à divers degrés par leur étoile hôte et qu'on notait des écarts de température de presque 1.730 °C entre leurs faces diurnes, ces résultats sont fort surprenants ».

    En général, les faces nocturnes des Jupiters chaudes étudiées étaient tout de même à des températures  peu éloignées d'une moyenne d'environ 830 °C, alors que l'on s'attendait à des variations importantes selon les exoplanètes.

    Selon Dylan Keating, on peut rendre compte des observations, c'est-à-dire la quasi-uniformité des températures des faces nocturnes des Jupiters chaudes, si l'on suppose qu'il existe des nuages sur les faces nocturnes de ces exoplanètes et qu'à leur sommet ils contiennent des grains minérauxminéraux solidessolides, grains que l'on obtiendrait sur Terre en refroidissant les gazgaz provenant de la vaporisation de roches : « Nos données indiquent qu'ils sont probablement formés de minéraux comme le sulfuresulfure de manganèsemanganèse et les silicates », explique le chercheur.

    Il reste encore du travail à faire pour y voir plus clair dans la physique et la chimiechimie des atmosphères planétaires extrasolairesextrasolaires. Heureusement, nous allons disposer au cours des années 2020 des instruments pour cela. Il devrait ainsi y avoir le lancement du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb et surtout, en 2028, celui de la mission Ariel (Atmospheric Remote-sensing Infrared Exoplanet Large-survey) de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA).

    ArielAriel étudiera dans le visible et l'infrarouge pendant au moins quatre ans les atmosphères de 500 à 1.000 exoplanètes dont les tailles sont comprises entre celle de NeptuneNeptune et celle des super-Terressuper-Terres. Tout comme le James-Webb, Ariel devrait permettre de caractériser la composition des nuages sur les exoplanètes. Plus généralement, son objectif sera bien sûr de répondre aux questions du programme scientifique Vision cosmique : « Quelles sont les conditions de la formation de la planète et de l'émergenceémergence de la vie ? ».