En juin 2023, plus de 5 390 exoplanètes sont connues de la Noosphère mais elles contiennent encore bien des secrets, comme leur structure et leur origine. Parmi elles, les mini-Neptunes sont encore bien mystérieuses mais, grâce au satellite Cheops de l'Esa, on progresse dans la résolution des énigmes qu'elles posent.


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    Dans l'interview qu'il avait accordée à Futura au sujet de son livre  Seuls dans l'Univers - De la diversité des mondes à l'unicité de la vie, publié en septembre 2022 aux Éditions Odile Jacob, Jean-Pierre Bibring, le responsable scientifique de Philae -- le module qui s'est posé à la surface de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko dans le cadre de la mission RosettaRosetta de l'ESA --, soutenait la thèse souvent appelée de « La Terre rare ». Notre Planète bleue et sa biosphèrebiosphère seraient le produit d'un enchainement d'événements tellement contingents et dépendant du contexte astrophysique et cosmochimique de leur naissance que les chances de trouver une exoterre dans la Voie lactéeVoie lactée au moins seraient nulles.

    Ce n'est pas l'avis de Nathalie Cabrol, directrice du centre Carl SaganCarl Sagan pour l'étude de la vie dans l'UniversUnivers de l'Institut Seti, dans son dernier livre « À l'aube de nouveaux horizons » paru en janvier 2023 aux Éditions Seuil.

    Laquelle de ces deux thèses est la bonne ? Nous ne le savons pas encore même si l’Institut Seti a lancé récemment une sorte de simulation de l’arrivée d’un message en provenance d’une civilisation extraterrestre technologiquement avancée en invitant tous les membres de la noosphère à décoder ce message.

    Une des stratégies pour tenter de trancher le débat est d'explorer le monde des exoplanètesexoplanètes pour répondre à des questions comme Comment se forment-elles ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Et en particulier quelles sont les compositions des atmosphèresatmosphères des exoplanètes potentiellement habitables, quand elles en ont ?


    Lancé le 17 décembre 2019, le télescope spatial Cheops a pour objectif de mesurer la taille, la masse et les caractéristiques de l'atmosphère d'exoplanètes déjà identifiées orbitant autour d'étoiles lumineuses situées au voisinage du Système solaire. Au sein d'un consortium regroupant 11 pays, c'est l'Université de Liège qui dirige la participation belge à la mission. © Université de Liège

    Des mini-Neptunes tièdes découvertes par transits planétaires

    Nous connaissons l'existence de milliers d’exoplanètes grâce à des missions comme Kepler et TessTess, mais leurs rayons et massesmasses ne sont pas encore suffisamment évalués avec précision pour en tirer des conclusions importantes et c'est pourquoi la mission Cheops (CHaracterising ExOPlanet Satellite) a été lancée par l'Esa. Elle la présente comme « la première mission spatiale dédiée à l'étude d'étoilesétoiles brillantes proches déjà connues pour héberger des exoplanètes, afin d'effectuer des observations de haute précision de la taille de la planète lorsqu'elle passe devant son étoile hôte. Elle se concentre sur les planètes dont les tailles vont de la super-Terresuper-Terre à NeptuneNeptune, ses données permettant de dériver la densité apparente des planètes -- une première étape de caractérisation vers la compréhension de ces mondes extraterrestres ».

    L'Esa vient de faire savoir que Cheops avait confirmé l'existence de quatre mini-Neptunes intéressantes. Il s'agit d'exoplanètes dont les tailles sont comprises entre celle de la Terre et celle de Neptune, et dont les origines et les caractéristiques ne sont pas encore bien comprises, notamment parce que nous n'en avons aucun exemple dans le Système solaireSystème solaire. Plusieurs articles accompagnent le communiqué de l'Esa au sujet de ces mini-Neptunes, comme celui publié dans la célèbre revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, et présentent ces exoplanètes comme « tièdes » car moins proches de leur soleilsoleil que les fameuses Jupiter chaudesJupiter chaudes, les premières exoplanètes découvertes autour d'étoiles sur la séquence principaleséquence principale.

    Le communiqué de l'Esa explique aussi que « les mini-Neptunes sont des objets mystérieux. Elles sont plus petites, plus froides et plus difficiles à trouver que les Jupiter chaudes qui ont été trouvées en abondance. Alors que les Jupiters chaudes orbitent autour de leur étoile en quelques heures à quelques jours et ont généralement des températures de surface supérieures à 1 000 °C, les mini-Neptunes tièdes mettent plus de temps à orbiterorbiter autour de leur étoile hôte et ont des températures de surface plus froides, d'environ 300 °C seulement ».

    Les 4 mini-Neptunes étudiés par Cheops donnent des informations pour contraindre les modèles d'intérieurs possibles de ces astres et donc aussi leurs origines comme le montre ce schéma. Les quatre planètes nouvellement découvertes, initialement par Tess et avec la méthode des transits planétaires, ont des orbites de périodes comprises entre 21 et 53 jours autour de quatre étoiles différentes. © ESA , CC by-sa 3.0 IGO
    Les 4 mini-Neptunes étudiés par Cheops donnent des informations pour contraindre les modèles d'intérieurs possibles de ces astres et donc aussi leurs origines comme le montre ce schéma. Les quatre planètes nouvellement découvertes, initialement par Tess et avec la méthode des transits planétaires, ont des orbites de périodes comprises entre 21 et 53 jours autour de quatre étoiles différentes. © ESA , CC by-sa 3.0 IGO

    Des structures internes et des origines encore mystérieuses

    Le fait que les 4 mini-Neptunes transitent devant leur soleil, ce que Cheops confirme en livrant une estimation plus précise de leur diamètre, permet aussi de lever l'ambigüité bien connue de la détermination des masses des exoplanètes par la méthode des vitesses radialesméthode des vitesses radiales.

    En obtenant au final une détermination plus précise des densités de ces astresastres, nous progressons dans l'élucidation de la composition des mini-Neptunes. Les planétologues sont raisonnablement sûrs qu'elles doivent posséder un noyau ferro-rocheux avec des couches externes épaisses de matériaumatériau plus léger. Mais différentes théories prédisent différentes couches externes de sorte que l'on est finalement confronté aux questions suivantes : ces exoplanètes ont-elles des océans profonds d'eau liquideliquide, une atmosphère gonflée d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium ou une atmosphère de vapeur d'eau pure ?

    Les réponses à ces questions ne sont pas les mêmes selon que les mini-Neptunes se sont formées proches de leur étoile hôte ou non. Ainsi, formées à grandes distances, elles seront riches en eau, ayant migré à partir de région où l'accrétionaccrétion planétaire s'est conduite avec des matériaux riches en glace.

    À l'inverse, une composition avec essentiellement un noyau rocheux et une enveloppe d'hydrogène et d'hélium indiquerait une formation à une distance assez proche à leur soleil de celle que l'on observe déjà pour certaines mini-Neptunes.

    Il n'y a pas encore de réponses claires à ce sujet mais les informations collectées vont servir à contraindre les modèles de formation planétaire, y compris ceux du Système solaire. Enfin, les atmosphères potentielles des mini-Neptunes de Cheops sont des cibles pour déterminer leurs compositions chimiques qui sont à la portée du James-Webb.