Depuis 10 ans, le réseau de radiotélescopes Alma dirige son regard vers les disques protoplanétaires, âgés d'une dizaine de millions d'années tout au plus, entourant de jeunes étoiles. Les chercheurs en tirent des informations pour comprendre la naissance des exoplanètes et même celle de l'aube du Système solaire. Pour la première fois, Alma observe les tout débuts de la formation planétaire autour de la protoétoile DG Tau, remettant en cause les modèles cosmogoniques.


au sommaire


    En 2013, était inauguré l'Atacama Large Millimeter/Submillimiter Array (le grand réseau millimétrique/submillimétrique de l'Atacama -- Alma) sur le haut plateau de Chajnantor, à 5 000 mètres d'altitude, un des plus hauts observatoires astronomiques sur Terre dans les Andes chiliennes. Alma est un réseau de radiotélescopes capable d'observer parmi les objets les plus froids de l'Univers dans les domaines du rayonnement appelés millimétrique et submillimétrique, c'est-à-dire allant de l'infrarouge aux ondes radio.

    Cela permet à Alma de sonder les mystères de la naissance des planètes dans les disques protoplanétaires où se forment les planètes selon la théorie cosmogonique standard. Ces disques sont d'abord produits par l'accrétion de gaz et de poussières dans un nuagenuage moléculaire dense et froid qui peut s'effondrer sous sa propre gravitégravité, formant une protoétoileprotoétoile où la pressionpression chauffe la matièrematière pour finir par allumer des réactions de fusion thermonucléaire.

    ESOcast 69 présente le résultat d'observations d'Alma qui révèle des détails extraordinairement fins qui n'ont jamais été vus auparavant dans le disque formant une planète autour de la jeune étoile HL Tauri. Il s'agit de l'image la plus nette jamais réalisée à des longueurs d'onde submillimétriques. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Cherchez à faire apparaître des sous-titres en anglais et enfin cliquez sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    De HL Tauri à DG Tau

    Cela fait donc une décennie environ qu'Alma nous donne des images de ces disques à différentes périodes de leur évolution. Comme l'expliquait la vidéo ci-dessus, les poussières dans les disques protoplanétairesdisques protoplanétaires se collent pour finir par donner des cailloux et des blocs rocheux dépassant le mètre qui vont s'attirer pour former des petits corps planétaires et des embryonsembryons de planètes qui en grossissant vont produire des zones pauvres en gaz et poussière sur leurs orbitesorbites.

    Mais si l'on en croit une équipe internationale d'astronomesastronomes dirigée par Satoshi Ohashi de l'Observatoire astronomique national du Japon (Naoj), Alma a permis de plonger plus profondément dans le passé de l'origine des planètes du Système solaireSystème solaire ou des exoplanètesexoplanètes connues dans la Voie lactéeVoie lactée en observant une protoétoile nommée DG Taurus (DG Tau).

    Tout comme HL Tauri, elle se trouve dans le célèbre nuage moléculaire 1 du Taureau (TMC-1 ou en anglais Taurus Molecular Cloud 1) situé à environ 450 années-lumièreannées-lumière de la Terre dans la constellation du Taureauconstellation du Taureau.

    Dans un article publié dans The Astrophysical Journal, mais que l'on peut aussi lire en accès libre sur arXiv, les chercheurs expliquent que, contrairement à HL Tauri, le disque protoplanétaire de DG Tau apparait lisse et sans structures en anneaux liées à des planètes en cours de formation. C'est une découverte remarquable car trouver un disque vierge sans de telles signatures s'était révélé difficile jusqu'à maintenant.

    Une image en fausses couleurs prise par Alma à haute résolution du disque protoplanétaire entourant DG Taurus à une longueur d'onde de 1,3 mm. L'apparence lisse, dépourvue de structures en forme d'anneau, indique une phase précédant de peu la formation des  planètes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), S. Ohashi et <em>al.</em>
    Une image en fausses couleurs prise par Alma à haute résolution du disque protoplanétaire entourant DG Taurus à une longueur d'onde de 1,3 mm. L'apparence lisse, dépourvue de structures en forme d'anneau, indique une phase précédant de peu la formation des  planètes. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), S. Ohashi et al.

    Des modèles cosmogoniques à revoir

    Les planétologues spécialisés en cosmogonie en déduisent que l'on observe probablement le disque protoplanétaire de DG Tau au tout début de la naissance des planètes et qu'il s'agit donc d'une fenêtrefenêtre ouverte sur les mécanismes physiquesphysiques et cosmochimiques à l'œuvre. « Il n'y a aucune signature de la formation des planètes. Nous pensons que cette étude est très importante car elle révèle les conditions initiales de la formation des planètes », a commenté Satoshi Ohashi dans un communiqué du Naoj qui précise que « les découvertes suggèrent de manière intrigante que les régions externes du disque sont le point de départ potentiel de la formation des planètes, remettant en question les croyances antérieures selon lesquelles le disque interne était le point de départ principal. Notamment, le plan médian du disque présentait un rapport poussière/gaz élevé, ce qui laisse présager que le disque serait bientôt prêt à former des planètes ».

    Pour percer ces secrets, les astronomes ont observé le disque sur différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde (0,87 mm, 1,3 mm et 3,1 mm) et étudié les intensités des ondes radio et leur polarisation. En fonction de la taille et de la densité de la poussière, le rapport des intensités des ondes radio à différentes longueurs d'onde et l'intensité de polarisation des ondes radio diffusées par la poussière changent. Les  distributions en taille et densité des grains de poussière ont alors pu être estimées en comparant les résultats des observations de simulations numériquessimulations numériques avec divers modèles de distribution de la taille et de la densité de la poussière dans le disque protoplanétaire autour de la protoétoile.

    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. Mojo : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Le saviez-vous ?

    Comment est né le Système solaire ? Au tout début du XXe siècle, bien des théories cosmogoniques à ce sujet avaient déjà été proposées par la communauté scientifique, des théories magistralement exposées dans le traité de Poincaré. Mais il faudra attendre les années 1960 à 1970, dans le cadre des théories développées initialement et principalement par le Russe Viktor Safronov et l'Américain George Wetherill pour que des progrès significatifs soient accomplis pour répondre à cette question.

    Il a en a résulté un scénario de la formation des planètes, basé sur la physique et la chimie du Système solaire, qui dans ses grandes lignes est accepté aujourd'hui, étant en plus soutenu par les observations concernant de jeunes systèmes exoplanétaires en formation. Une bonne présentation en est donnée dans une série de vidéos avec les explications d’Alessandro Morbidelli, astronome et planétologue italien de l’observatoire de la Côte d’Azur, particulièrement connu pour ses travaux sur la dynamique du Système solaire, et Sean Raymond, chercheur au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux, également bien connu pour ses travaux dans le même domaine.