Le trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée est le plus proche astre de ce type à portée des instruments de l'Humanité et il constitue donc un laboratoire idéal pour étudier au moins l'astrophysique de ces objets dont on sait qu'ils coévoluent avec leurs galaxies hôtes. Les astronomes scrutent notamment de mystérieux nuages de gaz s'approchant du trou noir de notre Galaxie, dont l'un nommé X7 fera peut-être un feu d'artifice en étant détruit par son passage tout près de Sgr A*.


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    Les membres de la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) ont fait un extraordinaire zoom sur le trou noir supermassif central de notre Galaxie, ou du moins l'astre compact derrière la source radio Sgr A*,  dont nous sommes de plus en plus convaincus qu'il est bien décrit par la théorie des trous noirs développée notamment par des chercheurs comme Stephen HawkingStephen Hawking, Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet et Thibault Damour, pour ne citer que ces quelques noms.

    Mais avant les chercheurs de l'EHT, deux équipes d'astronomesastronomes menées par les futurs prix Nobel de physique Andrea Ghez, du Département de physique et d'astronomie de l'Université de Californie à Los Angeles (Ucla) et Reinhard Genzel, de l'Institut Max-PlanckPlanck, avaient elles aussi commencé à faire un zoom sur Sgr A*Sgr A* au cœur de la Voie lactée.

    Ces astronomes avaient étudié pendant presque deux décennies les mouvementsmouvements de certaines étoilesétoiles proches du trou noir supermassif, perçant à travers les nuagesnuages de poussière les dérobant au regard de la noosphère dans le visible, au moyen d'observation dans l'infrarougeinfrarouge et de technique d'optique adaptative, pour améliorer la résolutionrésolution des images. Andrea Ghez et ses collègues utilisaient les instruments du Keck Observatory et Reinhard Genzel, ceux du VLTVLT de l'ESOESO.

    Les mouvements à une fraction notable de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière de ces étoiles montraient qu'un objet ne dépassant pas la taille du Système solaireSystème solaire contenait tout de même plus de 4 millions de fois la massemasse du SoleilSoleil tout en ne brillant que par un disque d'accrétiondisque d'accrétion, une observation qu'encore aujourd'hui on n'arrive à expliquer au mieux qu'en supposant que l'on est bien en présence d'un trou noir.


    Explications de la découverte de G2 annoncée en 2011 ainsi que des observations que l'on s'attendait à faire lorsqu'il allait passer vers 2013 au plus proche de Sgr A*. Pour voir les sous-titres, cliquez sur « CC », puis sur « traduire les sous-titres » pour choisir la langue en cliquant dans la barre. Sélectionnez « français », puis « OK ». La traduction est assez bonne. © SpaceRip, ESO, YouTube

    Les objets G, une nouvelle population d'astres dans la Voie lactée

    Toutefois, en 2005, au voisinage de Sgr A*, Andrea Ghez avait fait la découverte d'un astre plus tard baptisé objet G1 et, en 2011, Reinhard Genzel annonçait avec ses collègues la découverte d'un second objet très similaire à G1, baptisé pour cette raison G2. Dans les deux cas, les premières mesures indiquaient que l'on était probablement en présence de nuages de gazgaz très poussiéreux.

    Les astrophysiciensastrophysiciens étaient excités car tout indiquait également, en ce qui concerne G2, qu'il allait passer dans quelques années si proche de Sgr A* que l'on pouvait s'attendre à le voir détruit par les forces de maréeforces de marée du trou noir. L'événement promettait d'être spectaculaire car, en dévorant le nuage, Sgr A* allait le conduire, avant, à devenir plus chaud au point de devenir nettement plus brillant, donnant l'occasion d'étudier plus en détail ce qui se passe quand un trou noir supermassif se met à absorber de la matièrematière via un disque d'accrétion au point de devenir parfois un quasarquasar.

    Mais il n'en fut rien... Ce qui allait faire des objets G des astres quelque peu mystérieux sur lesquels les astrophysiciens allaient se pencher. Un peu plus tard Anna Ciurlo, collègue de Andrea Ghez finira par expliquer que les observations de G2 après son passage à l'équivalent d'un périhéliepérihélie au plus proche du trou noir central montraient que si la couche de gaz extérieure de G2 avait bien été étirée de manière spectaculaire par Sgr A*, la distribution de sa poussière à l'intérieur ne s'est pas beaucoup étendue. L'astrophysicienne en concluait que « quelque chose a dû le garder compact et lui permettre de survivre à sa rencontre avec le trou noir. C'est la preuve de la présence d'un objet stellaire à l'intérieur de G2 ».

    Mais rien n'est encore établi à ce sujet et c'est pourquoi Anna Ciurlo a continué ses recherches et, avec ses collègues, elle revient aujourd'hui avec un article publié dans The Astrophysical Journal que l'on peut lire en accès libre sur arXiv et où les astrophysiciens du Ucla Galactic Center Orbits Initiative (GCOI) se sont également penchés sur le cas d'un autre nuage de matière baptisé X7 et qui, lui aussi, a déjà été étiré par les forces de marée du trou noir supermassif de la Voie lactée au point de former un filament s'étendant sur 3 000 fois la distance Terre-Soleil.

    Image en fausses couleurs prise avec les instruments de l'observatoire Keck à l'été 2021 montrant les structures de gaz et de poussière au centre galactique, y compris les objets G et X7. © A. Ciurlo et al./Ucla GCOI/W. Observatoire M. Keck
    Image en fausses couleurs prise avec les instruments de l'observatoire Keck à l'été 2021 montrant les structures de gaz et de poussière au centre galactique, y compris les objets G et X7. © A. Ciurlo et al./Ucla GCOI/W. Observatoire M. Keck

    Un lien entre les objets G et le nuage X7 ?

    En fait, les mouvements de X7 sont étudiés depuis 2002 dans le proche infrarouge avec l'observatoire Keckobservatoire Keck au sommet du Mauna Kea à Hawaï. On a établi depuis en utilisant les lois de la mécanique céleste que le nuage contenait environ 50 fois la masse de la Terre et qu'il était sur une orbiteorbite dont la période est d'environ 170 ans. Il passera au plus près de Sgr A* en 2036 et à ce moment-là il devrait être complètement détruit par les forces de marée du trou noir.

    Ce qui est intéressant, c'est que X7 possède certaines des propriétés observables que l'on connaît avec les autres objets G, toujours mystérieux. Cependant, la forme et la vitesse de X7 ont évolué plus rapidement en comparaison des objets G connus.

    Pour Anna Ciurilo, d'ici 2036, l'étude de X7 représente « une chance unique d'observer les effets des forces de marée du trou noir à haute résolution, ce qui nous donne un aperçu de la physique de l'environnement extrême du Centre galactiqueCentre galactique » et en fait « nous prévoyons que les fortes forces de marée exercées par le trou noir galactique finiront par déchirer X7 avant même qu'il ne termine une orbite », ajoute dans un communiqué de l'Observatoire Keck l'un des coauteurs de l'article publié, Mark Morris, professeur de physique et d'astronomie à l'Ucla.


    Andrea Ghez parle de son travail sur les trous noirs. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Ucla

    Ce qui est certain, c'est que les astronomes vont poursuivre l'étude du comportement de X7 et des objets G autour du trou noir géant de la Voie lactée. En effet, le comportement de la matière dans le champ de gravitationgravitation d'un astre aussi massif permet de sonder le comportement de la gravitégravité lorsqu'elle est forte. On peut ainsi tester la théorie de la relativité générale en espérant découvrir des signes d'une physique concernant la gravitation au-delà de la théorie d'EinsteinEinstein, ou simplement mettre à l'épreuve la théorie des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs.

    Pour cela, les chercheurs utiliseront encore le spectrographespectrographe d'imagerie infrarouge OH-Suppressing (Osiris) et la caméra proche infrarougecaméra proche infrarouge de deuxième génération (NIRC2) de l'observatoire Keck, en combinaison avec les systèmes d'optique adaptative des télescopestélescopes Keck I et Keck II.

    Enfin, bien que l'origine de X7 soit toujours un secret qui attend d'être percé, les astrophysiciens ont tout de même quelques idées. « Une possibilité est que le gaz et la poussière de X7 ont été éjectés au moment où deux étoiles ont fusionné », a déclaré Ciurlo, qui ajoute : « dans ce processus, l'étoile fusionnée est cachée à l'intérieur d'une coquille de poussière et de gaz, ce qui pourrait correspondre à la description des objets G ».