L'astéroïde Apophis, potentiellement dangereux pour la Terre, passera près de notre Planète en avril 2029, offrant une opportunité inédite pour une mission spatiale d'étude et de sensibilisation à la défense planétaire. Patrick Michel, expert en astéroïdes, souligne l'importance de cette occasion sans précédent, que l'Agence spatiale européenne doit saisir. Bien que des concepts de missions soient à l'étude, dont le projet Ramses qui semble prometteur sur le plan scientifique, aucune décision officielle n'a encore été prise. Il est urgent que l'ESA approuve Ramses afin d'atteindre Apophis à temps.


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    Comme vous le savez peut-être, l'astéroïde Apophis de 340 mètres de diamètre passera « très près de la Terre le vendredi 13 avril 2029, à environ 32 000 kilomètres de la surface de notre Planète », nous rappelle Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l'Observatoire de la Côte d'Azur, investigateur principal de la mission HeraHera de l'ESA et co-investigateur de nombreuses missions internationales. Cette rencontre, « sans danger pour la Terre », nous offre la possibilité d'envoyer une mission spatiale qui permettrait « non seulement d'accroître notre compréhension des astéroïdes potentiellement dangereux, mais aussi de susciter l'inspiration chez les jeunes générations et le grand public, en diffusant des images en direct de la surface d'Apophis avec la Terre en arrière-plan, créant ainsi une expérience inoubliable ». On s'attend à ce qu'Apophis soit visible à l'œilœil nu par plus de 2 milliards de personnes en Europe occidentale et en Afrique du Nord.

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    Le but principal de cette mission serait d'étudier « l'impact des forces de marée terrestres sur ce petit astéroïde, pouvant entraîner des changements dans sa rotation, sa structure interne, des ondes sismiquesondes sismiques mesurables et des perturbations de sa surface en temps réel ». Cette proximité avec la Terre représente « une opportunité exceptionnelle tant d'un point de vue scientifique que pour la défense planétaire ».

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    À l'ESA, deux concepts de missions sont à l'étude, parmi lesquels figure Ramses (Rapid Apophis Mission for Security and Safety), conçue pour « effectuer un rendez-vous avec Apophis pour l'étudier avant, pendant et après son approche de la Terre ». Cette mission, actuellement à l'étude dans le programme de sécurité spatiale de l'ESA, utilisera la « même plateforme que la mission Hera afin de pouvoir la développer rapidement et transportera deux CubeSatsCubeSats de six unités pour des observations et des mesures rapprochées ». Ramses sera équipée d'au moins deux caméras fonctionnant en lumière visible et « pourra inclure d'autres charges utiles supplémentaires sur Ramses ou les CubeSats financés par les pays qui souhaitent participer ». Parmi les instruments envisagés figurent, par exemple, un radar à basse fréquence, des sismomètressismomètres, des détecteurs de poussière, un altimètre laserlaser, des microscopesmicroscopes, des radiomètresradiomètres, ou encore des réflecteurs laser. Pour ajouter un volet international (hors Europe), la Jaxa (l'agence spatiale japonaiseagence spatiale japonaise) propose de fournir un imageur infrarougeinfrarouge thermique basé sur celui de la mission Hera, et la NasaNasa pourrait aussi fournir une des deux caméras de Ramses qui serait une « copie de la caméra Mapcam à bord de sa mission Osiris-Apex qui arrivera sur Apophis quelques jours après son passage le plus proche, permettant une comparaison des images avant et après passage, sur la base d'un même instrument ».

    Les deux cubesats seront « largués à proximité d'Apophis avant la rencontre au plus de la Terre » et fonctionneront de « manière indépendante, en utilisant Ramses comme satellite relais ».

    Mais, « le temps presse », alerte Patrick Michel. Pour rejoindre Apophis avant avril 2029, la sonde doit être lancée en avril 2028 pour emprunter une trajectoire directe lui permettant de rejoindre l'astéroïde en seulement 10 mois (nécessitant un deltadelta V de 1530 m/s). Pour être prêts à lancer dans quatre ans seulement, « il faut que le développement de la mission puisse se poursuivre sans interruption, nécessitant que les délégations de l'ESA, dont on attend une participation, fournissent du financement avant le Conseil Ministériel de l'ESA de 2025 ».

    Image du site Futura Sciences

    Observations radar d'Apophis, du 8 au 10 mars 2021, depuis le télescope Green Bank et les antennes radio de Goldstone du réseau de l'espace profond de la Nasa. © Nasa, JPL-Caltech and NSF, AUI, GBO

    Des données scientifiques avant-après inédites 

    Ramses « rejoindra Apophis deux mois avant sa rencontre avec la Terre pour une caractérisation détaillée, avant et après l'approche du 13 avril 2029 ». La sonde et les deux cubesats effectueront une série d'observations pour caractériser et détailler l'astéroïde, y compris une imagerie globale à une résolutionrésolution de seulement 10 cm. Lors du passage au plus près de la Terre, des observations seront réalisées « afin d'observer en détail les altérations physiquesphysiques et dynamiques de l'astéroïde consécutives aux effets de marée induits par la Terre ». Cet événement extraordinaire que le public pourra observer depuis la Terre, potentiellement accompagné des images fournies en direct depuis une sonde, a motivé un groupe - dont Patrick Michel fait partie - à proposer aux Nations unies de faire de l'année 2029 l'année mondiale de la défense planétaire afin d'offrir au public et aux jeunes générations des événements permettant de les sensibiliser à cette thématique et à la science de ces petits corps célestes tout au long de l'année et durant le passage d'Apophis près de la Terre.

    Tandis que l'étude de la mission doit continuer à se dérouler pour être lancée à temps, « car Apophis ne nous attendra pas », l'approbation finale de l'ESA est attendue lors de son Conseil ministériel de 2025. Concrètement, il faut que la mission soit lancée d'ici quatre ans ! C'est pourquoi, avec de nombreux scientifiques, « nous poussons actuellement pour que des États membres de l'ESA (délégations dans le jargon de l'ESA) financent une "bridging phase" permettant de poursuivre en attendant la décision finale de la CM2025 qui arrive trop tard. Nous sommes aussi à l'origine d'une lettre de soutien pour la mission Ramses. ».

    On aurait l’air malin si on regarde Apophis depuis la Terre et que la seule mission qui va le voir arrive après coup, alors qu’on connaît la date de ce rendez-vous depuis 20 ans...

    Le grand public sera au rendez-vous

    La sélection de cette mission « démontrerait notre capacité à réaliser rapidement des missions extraordinaires », s'enthousiasme Patrick Michel. Et d'ajouter qu'une «  telle occasion ne se présente qu'une fois par millénaire, au service de la science, de la défense planétaire et de la sensibilisation du public, avec une grande visibilité garantie pour l'agence spatiale responsable et ses partenaires ». Cela fait 20 ans que nous savons qu'Apophis passera aussi près de la Terre en 2029, « nous avons effectué depuis de nombreuses années des études de missions, notamment au Cnes, pour lui rendre visite ; il est inconcevable que nous n'exploitions pas tous ces efforts et que nous rations cette occasion unique dont nous savons qu'elle aura un impact majeur à la fois scientifique et auprès du public ». De plus, la synergiesynergie attendue avec la mission de la Nasa, Osiris-ApexApex, qui fait route vers Apophis mais qui « arrivera quelques jours après le 13 avril 2029 », alimentera la « grande coopération internationale qui est au cœur de la science et de la défense planétaire ». Et ce n'est pas peu dire que « l'on aurait l'airair malin si on regarde Apophis depuis la Terre et que la seule mission qui va le voir arrive après coup, alors qu'on connaît la date de ce rendez-vous depuis 20 ans... »

    À noter

    Le sujet des astéroïdes vous intéresse, vous passionne ? Si oui, nous vous recommandons la lecture du livre de Patrick Michel « À la rencontre des astéroïdes : les missions spatiales et la défense de la planète ». Dans ce livre, Patrick Michel nous révèle ce que l'on sait de ces corps célestes et de leur origine dans l'histoire du Système solaireSystème solaire. Il explique ce que l'on apprend en les scrutant depuis la Terre, mais aussi grâce aux observations réalisées depuis l'espace. Il raconte également les missions qui ont permis d'approcher des astéroïdes, puis de s'y poser, à des millions de kilomètres, et même de récolter des échantillons pour les rapporter sur Terre.

    Paru aux Éditions Odile Jacob le 11 octobre 2023, ce livre est disponible dans toutes les librairies ou en ligne sur fnac.com ou amazon.com.