Les astronautes de la Nasa attendront avant de voler à bord de la version habitée de la capsule Dragon. Les deux échecs du lanceur Falcon 9 contraignent en effet la société SpaceX à repenser tout son programme des vols habités. Les vols d’essais prévus en 2017, dont un habité, sont reportés de plusieurs mois.

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    Sans surprise, SpaceXSpaceX reporte son premier vol habité et l'ouverture de son service commercial de transport d'astronautes à destination de la Station spatiale internationale (ISS). Le vol d'essai inhabité de la capsule Dragon dans sa version habitée (Dragon V2) prévu en mai 2017 a été repoussé en novembre 2017. Quant au premier vol habité de SpaceX, prévu en août 2017, il est maintenant programmé en mai 2018, ce qui laisse à penser que les premiers vols commerciaux sont, au mieux, attendus fin 2018, début 2019. 

    Une décision consécutive à l'explosion au sol du lanceur Falcon 9 survenue début septembre et au coup de semonce de la Nasa qui s'est dite inquiète face aux futurs vols habités de SpaceX à destination de la Station.

    Ce délai sera vraisemblablement mis à profit par SpaceX pour repenser ses protocolesprotocoles de chargement en carburant du Falcon 9. En effet, en raison de l'utilisation d'oxygèneoxygène liquideliquide refroidi en dessous de -196 °C, la procédure actuelle de SpaceX prévoit la présence d'un équipage à bord du lanceur lors du remplissage, avec tous les risques que cela comporte, et cela, la Nasa n'en veut pas. 

    Des vols Soyouz supplémentaires

    
Ce report a deux conséquences, une mauvaise et une bonne :

    • La mauvaise est que la Nasa va certainement à nouveau être contrainte de réserver des sièges à bord des capsules SoyouzSoyouz pour la rotation de ses astronautes à bord du complexe orbitalcomplexe orbital alors qu'elle souhaitait se défaire rapidement de cette dépendance. Celle-ci dure depuis l'arrêt des navettes en juillet 2011 et coûte très cher : pour la période 2018-2019, la place lui est facturée 81,7 millions de dollars (76,75 millions d'euros).

    • Avec le report à 2018 du vol d'essai habité, il paraît peu probable qu'en 2017 SpaceX réussisse à la fois à faire voler une capsule Dragon V2 à vide et à réaliser un vol de démonstration de son système d'éjection d'urgence. La bonne nouvelle est donc que cela libère pour 2017 deux créneaux de lancement, que la société utilisera pour lancer deux satellites. Deux vols commerciaux supplémentaires qui réduiront, un peu, la pressionpression sur les délais du calendrier des lancements du Falcon. Ces délais s'allongent depuis les deux échecs du lanceur, en juin 2015 et septembre 2016. Des problèmes pris très au sérieux par SpaceX, qui vient de perdre le lancement du satellite Inmarsat S-band (embarquant la charge utile Hellas-Sat 3), au profit d'ArianespaceArianespace.

    La Nasa inquiète face aux futurs vols habités de SpaceX

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt paru le 15/11/2016

    Après les deux explosions du Falcon 9 de SpaceX, la Nasa s'interroge. La culture du risque d'Elon MuskElon Musk et son lanceur sont-ils bien en phase avec les règles de sécurité qu'elle applique aux vols habitésvols habités ?

    Dépendante de la Russie pour envoyer ses astronautes vers la Station spatiale internationale (ISS) depuis l'arrêt de la navette (juillet 2011), la Nasa a décidé, en septembre 2014, de confier aux entreprises Boeing et SpaceX la rotation des équipages à destination du complexe orbital. Deux ans plus tard, et après deux explosions du Falcon 9, elle s'interroge quant au respect des règles de sécurité.

    Ce qui tracasse la Nasa, c'est l'utilisation d'oxygène « sur-refroidi », mis en cause dans l'explosion au sol d’un Falcon 9 survenue le 1er septembre 2016. Bien qu'Elon Musk ait affirmé avoir identifié la cause de cette explosion et résolu le problème, il reste tout de même quelques zones d'ombre. Par exemple, on ne sait toujours pas ce qui a pu provoquer la formation de cet oxygène solidesolide.

    Pour comprendre cette inquiétude, il faut savoir que SpaceX prévoit d'utiliser le même lanceur, que ce soit pour lancer des Hommes ou des satellites. La contrepartie de l'utilisation de cet oxygène liquide sur-refroidi est que le remplissage du lanceur doit se faire rapidement et seulement peu de temps avant son décollage, car il est très difficile de le maintenir à température. Le délai est de l'ordre d'une trentaine de minutes. Une demande de dérogation a donc été faite auprès de la Nasa, pour autoriser la présence d'un équipage à bord du lanceur lors du remplissage, avec tous les risques que cela comporte. C'est là que le bât blesse.

    Seul un nombre significatif de lancements du Falcon 9 réalisés avec succès (démontrant de fait la fiabilité du lanceur) pourrait asseoir la crédibilité de SpaceX et rassurer la Nasa et les astronautes qui voleront à bord de l'appareil. © ESA, S. Corvaja

    Seul un nombre significatif de lancements du Falcon 9 réalisés avec succès (démontrant de fait la fiabilité du lanceur) pourrait asseoir la crédibilité de SpaceX et rassurer la Nasa et les astronautes qui voleront à bord de l'appareil. © ESA, S. Corvaja

    SpaceX devra-t-il revoir sa copie ?

    Il faut savoir que l'oxygène se liquéfie à la température de -182,96 °C. Pour la propulsion spatiale, il est utilisé à une température encore plus basse (-196 °C). Avant SpaceX, aucun constructeur n'utilisait de l'oxygène liquide (LOXLOX) refroidi en-dessous de ces -196 °C en raison d'une méconnaissance de ses propriétés dans ce domaine et d'une mise en œuvre délicate. Or, SpaceX descend encore plus bas en température, à -207 °C, d'où ce nom de « LOX sur-refroidi ». S'il le fait, c'est pour augmenter la performance du lanceur, alors limitée pour le lancement de grosses charges en orbite de transfertorbite de transfert géostationnaire, tout en permettant la récupération de l'étage principal qui nécessite une quantité d'ergolsergols supplémentaire utilisée lors du retour. À -207 °C, l'oxygène se densifie. Il prend donc moins de place, ce qui permet de stocker une quantité plus grande dans un même réservoir, d'où ce gain de performance.

    Évidemment, la Nasa ne demande pas à SpaceX de construire un nouveau lanceur. Il suffirait de ne plus utiliser cet oxygène sur-refroidi mais de l'employer à la température standard, d'autant plus que, pour lancer vers la Station une capsule Dragon, qu'elle soit habitée ou pas, de l'oxygène liquide standard suffirait. Problème : SpaceX ne veut pas de cette solution qui déroge aux règles de son modèle économique. La société souhaite en effet n'utiliser qu'une seule version de son lanceur, qu'une température de LOX et elle veut récupérer systématiquement le premier étage.