au sommaire
L'un des travers des compléments alimentaires vient des contrefaçons, dans lesquelles les compositions sont falsifiées. C'est le cas notamment de certains amincissants, compléments pour sportifs ou stimulants érectiles.
Certains compléments alimentaires censés protéger, voire améliorer la vue sont l'objet de contrefaçons. « Suite à une quarantaine d'effets indésirables signalés dans le cadre du dispositif de nutrivigilance et à une plainte d'une association professionnelle, nous avons mené une enquête sur la composition de ces produits, relate Guillaume Cousyn, chargé de mission Nutrition à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Nous avons alors constaté que, sur les vingt-sept produits analysés, quatorze, soit la moitié, renfermaient de la méso-zéaxanthine et non de la zéaxanthine, comme annoncé sur les étiquettes. »
Il y avait donc bien tromperie sur la marchandise, mais pas seulement. L'enquête a montré que cette méso-zéaxanthine venait de l'utilisation d'un procédé d'extraction inadéquat et de solvants interdits pour traiter l'extrait d'œillet d'Indeœillet d'Inde.
En outre, elle a établi un lien entre cette falsification et la survenue des toxidermies - des lésions cutanées généralement liées à la prise de médicaments - signalées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (AnsesAnses). « Suite à ce constat, les industriels ont dû revoir leur processus de fabrication et tracer l'origine des produits de leurs fournisseurs, conclut Guillaume Cousyn. Une démarche qui semble porter ses fruits puisque, depuis que l'information a été rendue publique. » En consommer devrait donc être moins risqué.
Des substances interdites dans les amincissants et stimulants érectiles
Une tendance à l'amélioration que ne connaissent pas, en revanche, les compléments alimentaires à visée érectile, les amincissants et ceux destinés aux sportifs. En la matière, les analyses faites par l'équipe de Myriam Malet-Martino du laboratoire Synthèse et physicochimie de molécules d'intérêt biologique, de l'université Paul-Sabatier à Toulouse sont inquiétantes. Depuis 2006, ces chercheurs analysent la composition de ces produits accessibles aux consommateurs français via InternetInternet ou des boutiques spécialisées comme les sex-shops.
En 2012, sur 20 amincissants et 70 produits stimulant l'érection, vendus comme « 100 % naturels », ils en avaient identifié 70 % adultérés, c'est-à-dire qui renfermaient une substance non autorisée :
- les amincissants contenaient de la sibutramine et de la phénolphtaléine, qui sont respectivement un coupe-faimcoupe-faim entraînant des complications cardiovasculaires et un laxatif considéré comme cancérogènecancérogène, tous deux interdits en France.
- quant aux stimulants érectiles, ils renfermaient non seulement du tadalafil, du sildénafil et du vardénafil, des molécules qui ne peuvent être utilisées que comme médicaments, mais aussi leurs analogues, sortes de copies, qui, eux, n'ont jamais reçu d'autorisation de mise sur le marchéautorisation de mise sur le marché en tant que médicaments.
Or, deux ans après, la protection des consommateurs n'est toujours pas de mise. « Nous venons d'analyser 150 produits à visée érectile et 130 amaigrissants, indique Myriam Malet-Martino, 69 % des premiers et la moitié des seconds sont toujours non conformes. » Autant dire que si on prend ce genre de produits, on a une forte probabilité de consommer aussi un médicament, ou une molécule jamais évaluée chez l'Homme, ou encore un traitement interdit.
L’effet « matrice alimentaire » perdu avec les compléments alimentaires
Si on fait abstraction de ces cas extrêmes qui relèvent de la fraude, reste à comprendre pourquoi les produits contenus dans les compléments alimentaires, qui sont pour la plupart des substances consommées quotidiennement, peuvent avoir, au mieux, aucun effet, au pire, des effets délétères.
Pour Anthony Fardet de l'unité Nutrition humaine, de Clermont-Ferrand, l'une des raisons tient justement au fait que « les compléments alimentaires ne sont pas des aliments à part entière et sont isolés de la matrice alimentaire ». Très schématiquement, la « matrice alimentaire » est la structure d'un aliment qui, lorsqu'il est ingéré, va influencer la manière dont les composants vont interagir entre eux, être libérés, agir avec l'organisme, etc.
« Quand on donne un composant isolé à dose supra-nutritionnelle [au-delà de celles apportées par l'alimentation, NDLRNDLR], comme souvent avec les compléments alimentaires, c'est un peu comme si on avait une équipe de football composée que d'avant centres. Même si ce sont les meilleurs du monde, il y a peu de chance qu'elle gagne un match ! », regrette le chercheur. Dit plus sérieusement, le composant ainsi isolé peut être disponible trop vite et se traduire par un apport massif pour l'organisme, ou perdre de son effet faute de synergiesynergie avec d'autres éléments, voire changer de fonction. L'effet « matrice alimentaire » est ainsi perdu.
Des antioxydants qui deviennent pro-oxydants…
Une hypothèse qui tend à se vérifier pour les antioxydantsantioxydants qui peuvent aussi devenir pro-oxydants sous certaines conditions. Dans l'organisme, il y a des composés appelés « radicaux libresradicaux libres » issus de la « respiration » des cellules. Ces molécules manquent d'électrons, donc pour devenir stables, elles en prennent à d'autres composés. Ce phénomène normal est régulé par les antioxydants qui évitent un surplus de radicaux libres, mais qui, en devenant pro-oxydants, ont l'effet inverse. En la matière, la métamorphosemétamorphose la plus connue est le bêtabêta-carotènecarotène qui devient pro-oxydant à forte dose, surtout chez les fumeurs, favorisant la survenue de cancer de poumon.
Mais ce n'est pas le seul. « Il semblerait que la vitamine C à fortes doses devienne pro-oxydante, comme le suggèrent des études in vitroin vitro et l'étude Women's Health Initiative Observational Study qui a montré une augmentation significative de risque de cancer du seincancer du sein, indique Marie-Christine Boutron-Ruault, coordinatrice de l'étude VitaOx. Notre étude menée par ma doctorante Claire Cadeau, dont les résultats ne sont pas encore publiés, permettra d'apprécier ce risque dans la population française. »
Dans la même veine, « les oméga-3oméga-3 sont des acides grasacides gras facilement oxydables, complète la chercheuse. Or, cette oxydation engendre la formation de composés radicalaires génotoxiquesgénotoxiques [c'est-à-dire des agents qui provoquent des lésions dans l'ADN, NDLR] ».