Deux petites biomolécules... Une eau riche en fer... C’est ce qu’il a suffi à des chercheurs de l’université de Strasbourg pour former, en quelques heures, un ensemble de biomolécules, sans aucune activité enzymatique. Un réseau dynamique de réactions chimiques proche de ce que l’on retrouve aujourd’hui dans le vivant.


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    La biochimiebiochimie s'organise autour de cinq précurseurs métaboliques universels. Un peu comme le trafic du métro parisien s'articule autour de quelques grandes stations. Mais les chercheurs ignorent pourquoi la vie utilise justement les moléculesmolécules et les réactions chimiques dont elle se sert parmi une large palette pourtant à sa disposition.

    « Nous avons mélangé du glyoxylate et du pyruvate dans de l'eau chaude riche en fer. L'opération a donné naissance à un réseau de réactions comprenant plus de 20 intermédiaires biologiques, y compris des intermédiaires de la taille de six atomesatomes de carbonecarbone », explique Kamila Muchowska, chercheur à l'université de Strasbourg.

    Le vivant accumule des biomolécules qu’il construit à partir du CO<sub>2</sub>. Puis, il les décompose à nouveau en CO<sub>2</sub>. Le tout dans un processus complexe et dynamique que des chercheurs sont parvenus à recréer en laboratoire. Sur ce schéma, le réseau de réactions dopé par du fer (<em>Fe<sup>2+</sup> promoted reaction network</em>) créant des acides aminés (<em>amino acids</em>) et les métabolites universels de la vie (<em>life’s universal metabolites</em>). © Université de Strasbourg
    Le vivant accumule des biomolécules qu’il construit à partir du CO2. Puis, il les décompose à nouveau en CO2. Le tout dans un processus complexe et dynamique que des chercheurs sont parvenus à recréer en laboratoire. Sur ce schéma, le réseau de réactions dopé par du fer (Fe2+ promoted reaction network) créant des acides aminés (amino acids) et les métabolites universels de la vie (life’s universal metabolites). © Université de Strasbourg

    Le lien entre chimie et biologie

    Et les chercheurs ont, non seulement, pu observer que la complexité de ce réseau augmente avec le temps mais que, à l'image de ce que sait faire la vie, il réduit également les intermédiaires en CO2. « Le système chimique que nous avons obtenu ressemble conceptuellement à la fonction de l'anabolisme et du catabolisme biologiques », rapporte Joseph Moran, le responsable de l'équipe.

    Lorsque les chercheurs ont enrichi leur expérience avec de l'hydroxylamine et du ferfer métallique, le réseau s'est mis à produire des acides aminés biologiques, au nombre de quatre. De là à penser que ce type de métabolisme chimique a pu construire les précurseurs des cycles biologiques, avant même que n'existent l'ATP et les enzymesenzymes, il n'y a qu'un pas. Un pas que les chercheurs strasbourgeois semblent prêts à franchir.


    Acides aminés et apparition de la vie sur Terre

    Des questions demeurent au sujet des acides aminésacides aminés retrouvés dans les nuages interstellairesnuages interstellaires et les météoritesmétéorites : pourquoi certains acides aminés sont-ils présents dans les météorites et d'autres en sont-ils absents et pourquoi semblent-ils préférer la même chiralitéchiralité gauche, comme les acides aminés terrestres ? La résolutionrésolution de ces énigmes pourrait entraîner celle d'une des questions fondamentales de la science : où et comment la vie est-elle apparue ?

    Article de CIRS publié le 21/11/2003

    "Nous disposons, grâce à un type de météorites en provenance de l'espace, la chondritechondrite carbonée, de ces matériaux extra-terrestres de la vie," précise Steve Macko, professeur de sciences environnementales à l'Université de Virginie (Charlottesville, Etats-Unis), en faisant référence aux huit acides aminés qui y ont été retrouvés. "Ces huit acides aminés sont identiques à ceux utilisés par la vie sur Terre, ce qui amène à penser à une origine cosmique des constituants de la vie terrestre," indique-t-il. Cette idée est renforcée par le fait que la Terre primitive a été bombardée par des météorites et que la glycineglycine, un des vingt acides aminés entrant dans la composition des protéinesprotéines de la matièrematière vivante, a été détectée dans les nuages moléculaires interstellaires.

    Tous les acides aminés terrestres et extra-terrestres présentent la même chiralité gauche, à l'exception de la glycine. Cette préférence pour la gauche est une condition préalable de la vie. Mais la raison de ce choix effectué par la vie en faveur de la gauche reste un mystère.

    Pourquoi seulement huit des vingt acides aminés de la vie ont-ils par ailleurs été retrouvés dans les météorites ? "Il est possible que tous les acides aminés y fussent contenus mais que quelque chose dans l'histoire des météorites ou les procédures d'analyse utilisées ait réduit leur présence ou leur détection," avance Macko.

    L'hypothèse selon laquelle les acides aminés d'origine cosmique ont contribué à l'apparition de la vie sur Terre est récente. Auparavant, on pensait que les acides aminés avaient été élaborés dans l'atmosphèreatmosphère primordiale de la Terre primitive. L'origine extra-terrestre de la vie sur Terre conduit par ailleurs à envisager la possibilité de son existence ailleurs.