Face aux alertes lancées par les scientifiques, nous avons parfois peine à savoir ce que nous pouvons faire, nous, simples citoyens, pour participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique. Moins utiliser sa voiture, baisser son chauffage. C’est une chose. Mais il est un poste d’émission de gaz à effet de serre souvent oublié et qui pourrait avoir un impact important : celui de l’épargne. Et pour faire nos premiers pas dans le monde complexe de l’investissement responsable, nous avons demandé à Joseph Choueifaty, le CEO et cofondateur de Goodvest, de nous servir de guide.


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    Aujourd'hui, l'épargne moyenne d'un Français émet 11 tonnes de CO2 par an ! C'est l'équivalent de 15 allers-retours Paris-New-York. L'équivalent aussi des émissionsémissions totales d'un Français au cours d'une année. « Car notre épargne est encore massivement investie dans les énergies fossiles ou d'autres secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre », nous explique en introduction Joseph Choueifaty, CEO et cofondateur de Goodvest. Sa société a fait un choix diamétralement opposé. Elle nous propose aujourd'hui de faire notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique grâce à l'investissement responsable.

    Le saviez-vous ?

    Les émissions annuelles globales d’un Français sont aujourd’hui estimées à près de 11 tonnes d’équivalent CO2. Alors comment les émissions de l’épargne à elle seule peuvent-elles s’élever à un tel niveau ? Tout simplement parce que les émissions de l’épargne sont imputées aux banques. Pour chacun d’entre nous, elles restent considérées comme des émissions indirectes.

    Mais l'investissement responsable, qu'est-ce que c'est ? « En matièrematière d'investissement responsable, il est généralement question de trois choses : d'environnement (E), de social (S) et de gouvernance (G). Mais nous avons la conviction que la crise environnementale que nous vivons peut avoir de telles conséquences sur le S et le G que nous devons d'abord nous concentrer sur le E. », nous précise Joseph Choueifaty.

    L'idée développée par Goodvest, c'est donc de s'appuyer sur les données de CarboneCarbone 4 -- le cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie carbone fondé par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean -- pour élaborer des portefeuilles d'investissements entièrement compatibles avec l'Accord de Paris sur le climat qui fixe l'objectif de limiter le réchauffement climatique anthropique à 2°C au-dessus des moyennes préindustrielles. « Carbone 4 nous fournit l'empreinte carbone des entreprises, une empreinte qui intègre les trois scopes d'émissions », développe Joseph Choueifaty.

    Derrière l’investissement responsable, la tentation du <em>greenwashing</em>. © tanaonte, Adobe Stock
    Derrière l’investissement responsable, la tentation du greenwashing. © tanaonte, Adobe Stock

    Des émissions parfois artificiellement minimisées

    Rappelons ici que les émissions d'une entreprise sont segmentées en ce que les experts appellent trois scopes. Le scope 1 tient compte des émissions directes d'une entreprise, pour son chauffage ou par ses véhicules, par exemple. Le scope 2 intègre les émissions indirectes liées à l'énergie, celles créées par le processus de production. Le scope 3, enfin, ajoute toutes les autres émissions indirectes. Celles produites par les achats de marchandises, par exemple. « Intégrer ces trois scopes dans nos choix, c'est extrêmement important pour garantir un investissement réellement responsable. Prenez une entreprise comme Total - maintenant, il faut dire TotalEnergies parait-il. Environ 85 % de ses émissions appartiennent au scope 3. Le résultat des gaz à effet de serre que les clients de Total émettent lorsqu'ils consomment des énergies fossiles. » Écarter la scope 3 revient donc à minimiser artificiellement les émissions d'une entreprise.

    Le constat est l'occasion d'aborder avec le CEO de Goodvest, la question brûlante du greenwashing. « Aujourd'hui, on parle beaucoup de finance verte. Le sujet est à la mode. Mais il faut savoir que la plupart des fonds labellisés ISR - pour Investissement Socialement Responsable, le principal label d'État en France -- sont encore composés d'entreprises très impliquées dans les énergies fossiles. Parfois, il s'agit même de la première pondération de ces fonds. Le problème, c'est que le label ISR a été créé il y a plusieurs années et qu'il a peu évolué depuis. Il y a pas mal de questionnements à ce sujet. »

    Voir aussi

    Finance verte : ce qu’il faut savoir

    Selon une étude menée par Les Échos, seulement 0,6 % des fonds seraient ainsi compatibles avec l'Accord de Paris sur le climat. Et la proportion descendrait même à 0,2 % si on intègre les critères du scope 3. « Total est sans doute jugée un peu trop rapidement aujourd'hui comme une entreprise responsable. Il est vrai qu'elle investit désormais pas mal sur les énergies vertesénergies vertes. Mais son mix énergétiquemix énergétique reste à 99,5 % composé d'énergies fossiles. Il n'y a pas d'approche scientifique, pas de transparencetransparence. Vendre un fond vert avec Total comme première pondération, c'est du greenwashing pur et dur. »

    Demain, l’investissement responsable s’engagera aussi pour la préservation de la biodiversité. © hjschneider, Adobe Stock
    Demain, l’investissement responsable s’engagera aussi pour la préservation de la biodiversité. © hjschneider, Adobe Stock

    Un engagement qui ne nuit pas à la performance

    De son côté, Goodvest se présente comme la seule FinTechFinTech - c'est la contraction de Financial Technology, le terme par lequel on désigne ces entreprises qui proposent des services financiers basés sur des solutions innovantes -- sur le marché de la distribution -- composé de tout l'écosystèmeécosystème qui crée des portefeuilles à partir des fonds d'investissement disponibles -- à tenir compte de l'empreinte carbone et à exclure purement et simplement les énergies fossiles -- aussi bien l'extraction que la production de gaz, de pétrolepétrole ou de charboncharbon. « Nous sommes les seuls parce que, dans le secteur de la finance comme dans celui de la politique, l'ambition manque encore en la matière », regrette Joseph Choueifaty.

    La Banque Postale vient tout de même d'annoncer vouloir sortir du secteur d'ici 2030. « D'ici neuf ans... et c'est la seule banque à l'envisager. Parce que c'est difficile, après des décennies de soutien aux énergies fossiles. » Pour éviter ce type d'écueil et garder son indépendance, Goodvest a aussi fait le choix d'une transparence totale. « Chez nous, pas de rétrocession, pas de rémunération de la part des producteurs de fonds. Cela nous permet de faire nos choix uniquement en fonction des critères que nous avons définis », assure le CEO.

    Les investissements responsables sont plus performants.

    Et lorsqu'on évoque avec lui la question, incontournable dans le secteur, des performances de ces investissements responsables, Joseph Choueifaty est sans équivoque. « Après avoir décortiqué plus de 200 études scientifiques, des chercheurs de l'université d'Oxford (Royaume-Uni) ont conclu qu'intégrer des critères de durabilitédurabilité dans la constructionconstruction d'un investissement améliore sa performance dans 80 % des cas. Cela réduit en plus la volatilitévolatilité, le risque. » Le tout parce que les secteurs bas carbone se développent aujourd'hui plus que ceux des énergies fossiles. « On a tendance à en sortir. Même si c'est lentement, c'est sûrement. » Ce sont aussi des secteurs qui recrutent des talents. Et ces « facteurs de surperformance », Goodvest annonce les vérifier au quotidien sur le terrain et sur les portefeuilles que la FinTech propose à ceux qui lui font confiance.

    Ainsi considéré, l'investissement responsable pourrait constituer une manière efficace de faire sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique. Peut-être même un peu plus sachant que d'ores et déjà, Goodvest exclu aussi de ses portefeuilles, les entreprises proches de secteurs néfastes ou peu éthiques -- comme celles du secteur du tabac, de l'armement ou du divertissement pour adulte. Et que pour 2022, la FinTech française a pour projet de prendre également en compte l'impact de ses portefeuilles sur la biodiversité. En évaluant, toujours avec l'appui de Carbone 4, le nombre d'espècesespèces animales et végétales qui sont menacées par les entreprises qui les composent.