Plus nous approchons le seuil des 1,5 °C de réchauffement climatique anthropique, plus le risque grandit de franchir des points de basculement. Et les conséquences, à la fois pour le système Terre, pour la biodiversité et pour nos sociétés, seraient terrifiantes.


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    Depuis quelques mois, les études publiées à ce sujet se multiplient. L'une, parue dans la revue Science, par exemple. Mais aussi une autre, publiée dans la revue Nature Climate Change. Et elles mènent toutes, peu ou prou, à la même conclusion. Au-delà du fameux seuil de 1,5 °C de réchauffement climatique anthropique rendu célèbre par l'Accord de Paris sur le Climat conclu en 2015, le système Terre pourrait franchir quelques-uns des points de basculement définis par les scientifiques. Nous pourrions même assister à des effets en cascade sur ceux que les chercheurs estiment a priori un peu plus lointains. L'ennui, c'est que dépasser un point de basculement peut dérégler les équilibres de notre Planète et bouleverser nos sociétés. Alors, imaginez ce que pourrait provoquer une cascade de dépassements...

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    Les points de basculement peuvent avoir des conséquences considérables dans divers secteurs et de graves impacts sur les populations et les écosystèmes, y compris sur l’eau, l’alimentation, la sécurité énergétique, la santé, les communautés et les économies. © Global Tipping Points Report 2023

    Points de basculement : la menace plane

    Pour comprendre, il faut d'abord bien savoir de quoi il est question ici. Ce que les scientifiques entendent par point de basculement. C'est ainsi qu'ils ont choisi d'appeler le moment où un petit changement fait une grande différence et modifie l'état d'un système de manière irréversible. D'où le terme aussi employé de point de non-retour. Et les petits changements en question peuvent être provoqués par le réchauffement climatique anthropique, il va sans dire, mais aussi par la dégradation des milieux ou par la pollution de l’environnement.

    Les scientifiques qui ont rédigé le Global Tipping Points Report 2023, paru en décembre dernier, estiment que le niveau de réchauffement climatique actuel pourrait déjà suffire à nous faire franchir cinq points de basculement. Si nous devions atteindre les +1,5 °C de réchauffement, trois autres points de non-retour pourraient être dépassés.

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    5 points de non-retour bientôt franchis et 3 autres qui le seront avec un réchauffement de +1,5 °C

    Maintenant que les bases sont posées, voyons comment franchir ces points de basculement peut impacter le système Terre, la vie sur notre Planète en général et nos sociétés en particulier.

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    Un effondrement des calottes glaciaires — en bleu — aurait des conséquences terrifiantes sur le système Terre — en vert — et sur nos sociétés — en orange. © Global Tipping Points Report 2023

    Le basculement des calottes glaciaires et ses terrifiantes conséquences

    Parmi les points de non-retour les plus étudiés en termes d'impacts, il y a l'effondrementeffondrement des calottes glaciairescalottes glaciaires. Il fait partie de ceux avec lesquels le réchauffement climatique actuel nous fait flirter. Or, l'effondrement du Groenland, par exemple, entraînerait une modification des courants océaniques et de la répartition de la chaleurchaleur autour de notre Planète. Avec pour conséquence qui ne saute pas aux yeuxyeux des profanes, la mise en danger directe de la forêt amazonienne. Alors même que la région est déjà menacée de dépérissement. Et le tout accélèrerait encore le réchauffement climatique en modifiant l'albédo des régions polaires -- leur capacité à renvoyer la chaleur vers l'espace -- et en transformant le puits de carbone de la forêt amazonienne en région à forte émissionémission de gaz à effet de serregaz à effet de serre -- du fait de la déforestationdéforestation et des incendies notamment. Voilà pour les conséquences sur le système Terre.

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    Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Parce que, le dépérissement de l'Amazonie pourrait exposer 6 millions de personnes à un stressstress thermique extrême. Avec des dommages économiques sur 30 ans qui seraient, au mieux, de 1 000 milliards de dollars. Au pire, de... 3 600 milliards de dollars !

    Et selon les estimations des scientifiques, avec un réchauffement de 1,5 °C, l'effondrement de la calotte glaciaire de l'AntarctiqueAntarctique provoquerait une élévation du niveau de la mer qui irait jusqu'à deux mètres d'ici 2100. De quoi exposer près de 500 millions de personnes à des inondationsinondations côtières annuellesannuelles. Villes submergées -- parce que la plupart des mégapoles sont situées dans des zones côtières --, infrastructures endommagées voire disparition de pays entiers poseraient beaucoup de questions et de difficultés. Ainsi, les habitants de ces îles noyées deviendraient-ils apatrides ? À qui reviendrait l'accès des ressources situées dans leurs anciennes zones de pêchepêche ?

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    Avec l’élévation du niveau de la mer, les îles Marshall, dans le Pacifique nord, pourraient disparaître de la carte. © Optimistic Fish, Adobe Stock

    L'inondation des régions côtières aurait également un impact sur les systèmes naturels. Terres inondées, érosion et hausse de la salinitésalinité des sols et des eaux, drainagedrainage entravé. De quoi avoir des impacts négatifs sur la pêche, l'agricultureagriculture, le tourisme et d'autres services écosystémiques. Et finalement, entraîner de graves dommages économiques et encourager, voire forcer, les migrations. D'autant qu'en cas de point de basculement franchi, notre capacité à trouver des solutions d'adaptation à l'élévation du niveau de la mer pourrait être sérieusement remise en cause.

    De sévères conséquences associées à d’autres points de basculement

    Les scientifiques donnent d'autres exemples de conséquences terrifiantes de dépassement de points de non-retour. Le dépérissement de l'Amazonie, par exemple, ferait aussi grimper les températures locales et intensifier les saisonssaisons sèches. Les feux de forêt qui se multiplieraient ne feraient qu'accentuer le phénomène. La menace serait grande pour la biodiversitébiodiversité de la forêt amazonienne. Mais aussi pour les populations locales. Stress thermique et pollution atmosphérique feraient grimper les risques de maladies et de décès prématurés. Avec l'accentuation des sécheressessécheresses, les populations pourraient avoir des difficultés à s'alimenter et même à se déplacer -- puisqu'elles comptent largement sur le transport fluvial.

    Le basculement du système de courants océaniques qui transporte les eaux chaudes vers le nord dans l'Atlantique, celui que les scientifiques appellent l'Amoc, quant à lui, ferait encore monter un peu plus le niveau des mers dans l'Atlantique nord.

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    Ce courant océanique majeur dans l’Atlantique est en train de s’effondrer !

    Avec des impacts directs sur nos côtes européennes. Les changements de températures et de précipitationsprécipitations associés sur nos régions conduiraient à d'importantes réductions de l'approvisionnement en eau et de la production agricole en Grande-Bretagne, par exemple.

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    Quelques exemples des impacts que les événements météorologiques extrêmes peuvent avoir sur la santé mentale. © Global Tipping Points Report 2023

    Vers des points de basculement sociaux

    Outre ces conséquences directes déjà inquiétantes, les scientifiques prévoient que le franchissement de points de non-retour climatiques pourrait aussi mener à des basculements sociaux. Déjà, ils observent une tendance à l'affaiblissement des démocraties qui pourrait être en lien avec le réchauffement climatique anthropique. Et de plus en plus de travaux semblent suggérer que les changements dans le système terrestre peuvent contribuer à l'apparition de sociétés caractérisées par un effondrement des liens et des normes sociales. Résultat, une désorganisation et une désorientation qui se manifesteraient, au niveau individuel, par une détérioration de la santé mentale et une augmentation des taux de suicide et/ou des comportements déviants. Le tout, risquant à son tour de provoquer une déstabilisation supplémentaire du système Terre.

    « La confiance dans de nombreux impacts est actuellement faible », précisent les chercheurs en conclusion, « en raison du manque d'évaluations systématiques et de la difficulté de prévoir le changement social. Des investissements sont nécessaires de toute urgence pour mieux comprendre les impacts potentiels et les basculements sociaux négatifs, les anticiper grâce à des systèmes d'alerte précoce et élaborer des actions pour les atténuer. »