Il y a près de 40 ans, le paléontologue amateur Wilhelm Stürmer expliquait déceler de nombreuses fibres optiques au niveau de l'œil d'un trilobite. Son interprétation fut réfutée et ces structures furent assimilées à des branchies. Un nouvel examen du fossile et des techniques d'analyse récentes prouvent aujourd'hui que Wilhelm Stürmer avait raison.


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    Le paléontologuepaléontologue amateur Wilhelm Stürmer (1917-1986) dirigeait le département de radiologieradiologie de la société SiemensSiemens. Ses compétences techniques ainsi que sa passion pour les fossiles l'ont conduit à acheter un minibus et à y installer une machine à rayons Xrayons X afin de rendre visite à des particuliers et d'imager les fossiles de leurs collections. Il a sillonné l'Allemagne et a généré des radiographiesradiographies de spécimens dont celles d'un trilobite appartenant aux Phacopina. Les structures neuronales oculairesoculaires qu'il a observées chez ce spécimen ont été attribuées à des branchies par ses contemporains, aujourd'hui pourtant, la tomographietomographie à rayons X ainsi que l'imagerie synchrotron ont permis de donner raison à Wilhelm Stürmer.

    Photographie d'un fossile de trilobite [<em>Chotecops</em> (<em>Phacops</em>) <em>ferdinandi</em>, en haut] et radiographie effectuée par Wilhelm Stürmer (bas). © Schoenemann et <em>al.</em>, 2021
    Photographie d'un fossile de trilobite [Chotecops (Phacops) ferdinandi, en haut] et radiographie effectuée par Wilhelm Stürmer (bas). © Schoenemann et al., 2021

    Les trilobites sont des arthropodes marins dont l'apparition remonte à 523 millions d'années et qui ont disparu lors de l'extinction massive du Permien-Trias, il y a 252 millions d'années. Ce groupe d'organismes n'a pas été le seul à succomber à cette crise après plusieurs millions d'années de règne puisque la fin du Permien a été responsable de l'extinction de presque 90 % de la vie sur Terre.

    Le succès de l'existence des trilobites sur Terre se mesure notamment grâce aux multiples formes, tailles et ornements qui ont fait leur incroyable diversité durant plus de 200 millions d'années. Parmi la diversité des organes présents chez les trilobites, les yeux ont été la cible d'une étude publiée dans Scientific Reports.

    Un trilobite avec un « super œil composé »

    Le fossile d'un trilobite datant d'il y a 390 millions d'années vient d'être examiné et révèle une structure inédite d'yeux composés. Les yeux composés de la plupart des trilobites ressemblent à ceux d'insectes et de crustacéscrustacés actuels, ils sont composés de plusieurs lentilleslentilles accolées les unes aux autres et recouvertes par une seule et même membrane.

    Sous chacune de ces lentilles se trouve un œil composé complet, ce qui permet la formation d'un « hyper œil composé »

    Les yeux d'un trilobite du groupe Phacopina présentent en revanche moins de lentilles mais celles-ci mesurent parfois plus de 2 mm et sont séparées les unes des autres. De plus, sous chacune de ces lentilles se trouve un œilœil composé complet, ce qui permet la formation d'un « hyper œil composé », comprenant plusieurs dizaines voire centaines d'yeux composés dans un seul système oculaire.

    Photographie du fossile de trilobite <em>Phacops geesops</em>, dont les yeux sont chacun composés de 200 lentilles qui recouvrent elles-mêmes six facettes. Chacune de ces facettes forme également un œil. © Brigitte Schoenemann
    Photographie du fossile de trilobite Phacops geesops, dont les yeux sont chacun composés de 200 lentilles qui recouvrent elles-mêmes six facettes. Chacune de ces facettes forme également un œil. © Brigitte Schoenemann

    La structure de cet œil est mise en évidence pour la première fois chez les animaux et atteste de la présence d'un système nerveux complexe il y a environ 400 millions d'années. En effet, chaque élément composant la myriademyriade d'yeux devait nécessiter des connexions neuronales permettant le transfert et le traitement de l'information visuelle, celle-ci incluant peut-être des couleurscouleurs.

    Cet « hyper œil » a pu permettre aux Phacopina de percevoir des changements subtils de luminositéluminosité dans des environnements sombres afin de chasser une proie ou, à l'inverse, de ne pas devenir la prochaine.