Siral est l’instrument principal de CryoSat-2. Cet altimètre radar interférométrique de nouvelle génération mettra les glaces polaires sous surveillance. Pour mieux comprendre son fonctionnement nous avons interrogé Laurent Rey, responsable du programme Siral chez Thales Alenia Space, qui nous le présente comme « une nouvelle génération d’altimètre ».

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    La particularité de Siral (SAR Interferometer Radar Altimeter) est sa très haute résolutionrésolution qui permettra, grâce à ses deux antennes, de balayer le sol sur des tranches de 250 mètres afin de mieux déterminer les transitions entre mer et glace. La compréhension de cette surface et des variations du relief permettra de mesurer le cycle de la glace et ainsi de mieux appréhender l'évolution du climat.

    Pour réaliser sa mission, l'instrument émettra un signal radar en direction du sol et captera les ondes réfléchies. Le temps que mettra le signal à réaliser cet aller et retour sera fonction du relief, ce qui permettra d'établir une topographie précise de la zone étudiée. Dérivé de la famille des altimètres océaniques, il intègre « des évolutions considérables qui ont été introduites dans la conception et la technologie de cet altimètre radar d'un nouveau type ». Siral, dont le principe de fonctionnement est très similaire à celui de Poséidon, se différencie cependant par l'adjonction de « deux modes novateurs ».

    Le mode SAR « améliore fortement la résolution spatiale le long de la trace » et le mode interférométrique « s'adapte à la mesure de certaines pentes glaciaires », donnant accès à la topographie de part et d'autre de la trace au sol du satellite. Enfin, une nouvelle algorithmie d'acquisition et de tracking du radar lui confère des « performances exceptionnelles sur les reliefs les plus variés ».

    Le <a href="//www.futura-sciences.com/fr/news/t/oceanographie-1/d/cryosat-2-le-surveillant-des-glaces-polaires-est-lance_23268/" title="CryoSat-2, le surveillant des glaces polaires, est lancé" target="_blank">satellite CryoSat-2</a> a été lancé à 15 h 57, heure de Paris, à bord d'une fusée Dniepr de la société ISC Kosmotras depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Le signal confirmant la séparation entre satellite et lanceur est parvenu à la station sol de Malindi au Kenya 17 minutes après la mise à feu du lanceur. © Esa / S. Corvaja
    Le satellite CryoSat-2 a été lancé à 15 h 57, heure de Paris, à bord d'une fusée Dniepr de la société ISC Kosmotras depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Le signal confirmant la séparation entre satellite et lanceur est parvenu à la station sol de Malindi au Kenya 17 minutes après la mise à feu du lanceur. © Esa / S. Corvaja

    Un instrument attendu avec impatience par les scientifiques

    Pour bien comprendre le problème posé par la mission, il faut savoir que CryoSatCryoSat-2 va être « confronté à deux types de glaces polaires », celles qui recouvrent les terres émergées et celles qui flottent sur les océans. Ces deux types de glaces « ont des influences différentes sur notre planète et son climat ». Pour les différencier, « on a donc besoin d'une résolution beaucoup plus forte que celle requise pour la surface des océans qui, topographiquement parlant, est plus monotone et n'évolue guère ».

    Les altimètres que l'on réalise aujourd'hui sont très précis, capables de mesure de l'ordre du centimètre depuis des altitudes élevées « mais ne sont pas adaptés à la mission de CryoSat-2 ». Ils sont « utilisés en routine sur une multitude de missions » pour mesurer le niveau de la surface des mers et la hauteur de vague. Dans le cas de Siral, ce que demande les scientifiques, « ce n'est pas d'atteindre des précisions encore plus fortes » mais d'être « plus précis dans la capacité de l'instrument à déterminer avec exactitude la nature des glaces que l'on observe ».

    Pour déterminer si c'est de la glace flottante ou de la glace détachée de la banquise, « Siral devra voir le relief en quelque sorte ». Concrètement, au lieu d'avoir une trace au sol de 10 à 15 kilomètres, « l'Esa nous a demandé de la réduire en tranche de 250 mètres ». Une telle échelle de résolution permet de voir tous les 250 m l'état de la transition mer glace.

    A l'intérieur de ces bandes, les scientifiques « seront en mesure de déterminer l'épaisseur des glaces de mer flottantes en mesurant le franc-bord des floes », c'est-à-dire la hauteur de la glace émergée au-dessus de la surface de l'eau et « acquérir des mesures précises de l'épaisseur des glaces flottantes » afin de pouvoir détecter des variations annuelles et de surveiller la hauteur de la surface des glaces de façon suffisamment précise pour détecter des changements de faible ampleur.

    Avant l’entrée en service du satellite, une phase de validation en orbite de 6 mois est prévue afin de tester toutes les configurations de l’instrument et d’analyser son comportement en vol en fonction du terrain très changeant qu’il va devoir explorer et révéler. © Pierre de Chateau Thierry
    Avant l’entrée en service du satellite, une phase de validation en orbite de 6 mois est prévue afin de tester toutes les configurations de l’instrument et d’analyser son comportement en vol en fonction du terrain très changeant qu’il va devoir explorer et révéler. © Pierre de Chateau Thierry

    A la limite des possibilités de la technologie actuelle

    Techniquement, le développement de l'instrument « a réclamé une vigilance à toutes les étapes de sa constructionconstruction car on est vraiment à la limite de la technologie ». Même s'il est conçu à partir de l'acquis des instruments existants cet altimètre fait appel à des techniques radars sophistiquées pour améliorer les capacités de résolution de l'observation. « Sur 22 mois de développement on n'a pas loin de 8 à 10 mois d'intervention sur l'instrument pour le rendre aussi précis que ce qu'exigent les spécifications de l'Esa ».

    Parmi les difficultés rencontrées, on peut dire que « l'installation des deux antennes Siral a été particulièrement délicate », une difficulté due à l'orbiteorbite elle-même. Avec une inclinaison de 92°, ce qui amène le satellite quasiment jusqu'aux pôles à 2° près, toutes les parties du satellite seront à un moment donné exposées à la puissance totale du rayonnement solairerayonnement solaire, alors qu'à d'autres moments, la moitié du satellite restera en permanence à l'ombre pendant des semaines. Il y a un risque non nul de déformation des antennes ! Or, pour la précision des mesures, la moindre déformation peut « induire des erreurs dans la localisation supposée de l'écho et donc dans la mesure de l'élévation de la surface ». L'Esa a exigé que ces déformations ne dépassent pas 30 secondes d'arcsecondes d'arc. « Nous avons fabriqué une structure mécanique en carbonecarbone-carbone qui supporte les antennes et ne bouge pratiquement pas ». Pour s'assurer que sa déformation reste dans les limites fixées par l'Esa, des stars-trackerstrackers sont intégrés dessus et un système d'étalonnage devrait pourvoir mesurer cette déformation et corriger en temps réel les mesures de l'instrument.

    En attendant un hypothétique Cryosat-3, Siral « prépare Sral, l'instrument radar qui sera embarqué sur Sentinelle-3 ». Bien que la mission de Sral soit différente, il intégrera la plupart des fonctionnalités de Siral et reprendra « toute la haute résolution mise au point pour Siral en ajoutant une bande d'émissionémission » ainsi que des algorithmes de poursuite de terrain plus évolués.