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L'hiver 2013 en France a été maussade, mais ne s'est pas écarté des normales saisonnières. Le printemps en revanche était particulièrement agité. La France n'avait pas connu un printemps aussi froid depuis 1987, et c'est l'un des plus pluvieux depuis 1959. L'ensoleillement était largement déficitaire, en particulier pour le quart nord-est du pays. En trois mois, la ville de Dijon n'a bénéficié que de 351 heures d'ensoleillement (la normale saisonnière étant de 549 heures), soit un déficit de 64 % d'ensoleillement. Chambéry où les précipitations ont dépassé de 30 % les normales bat tous les records, avec 66 % de soleilsoleil en moins. Si les Français se plaignent, c'est en revanche une bonne nouvelle pour les nappes phréatiques. En effet, 89 % d'entre elles affichent un niveau égal à supérieur à la normale.
Passons à l'été. Voilà une semaine qu'il s'est officiellement installé, mais les conditions météométéo n'ont rien d'estival. L'anticyclone des Açores reste bloqué au centre de l'Atlantique et ne semble pas se décider à s'installer sur l'Europe. Peut-on expliquer pourquoi ? Une année sans printemps conduit-elle à une année sans été ? Des questions qui brûlent les lèvres de beaucoup d'entre nous. Jean-Pierre Céron, directeur adjoint scientifique de la climatologie chez Météo-France, fait le point de la situation météo en France.
Futura-Sciences : Les conditions hivernales ne se sont pas beaucoup écartées des normales saisonnières, mais le printemps affiche des records de fraîcheur, de précipitations et de faible ensoleillement. Peut-on expliquer pourquoi cette année il y a convergence des extrêmes ?
Jean-Pierre Céron : Les conditions de température et d'humidité du printemps 2013 ne sont pas des records. Il arrive par ailleurs que des printemps soient très froids et secs. Ce que vous caractérisez comme une convergence des extrêmes rentre tout à fait dans le cadre de la variabilité climatique que l'on observe. Les conditions météo en France sont néanmoins une anomalieanomalie, puisque l'on bat des records de chaleurchaleur dans d'autres régions de notre planète, le mois de mai 2013 étant l'un des plus chauds de la période historique instrumentale. C'est même le troisième plus chaud de l'histoire (à égalité avec 1998 et 2005), les plus chauds étant mai 2010 et mai 2012.
Quel est le lien entre la position de l’anticyclone des Açores, l’oscillation nord-atlantique (NAO) et les conditions hivernales du printemps 2013 ?
Jean-Pierre Céron : L'indice NAONAO « mesure » le gradientgradient méridienméridien (axe nord-sud) de pressionpression en surface, il est donc fortement lié à la position de l'anticyclone des Açores. Lorsque l'anticyclone est plus bas en latitude que la normale, le gradient de pression correspondant est souvent moins fort, et en conséquence l'indice NAO penche du côté négatif. En été, c'est autant sa position en latitude que sa longitude qui va déterminer le signe de l'indice NAO. L'anticyclone remonte en latitude, en se déplaçant vers l'est en longitude (il se positionne en général au-dessus de l'Europe).
On ne peut pas dire si c'est la NAO qui pilote l'anticyclone des Açores ou inversement. Mais par exemple, au mois de mai, l'anticyclone est remonté plus au nord que la normale et est resté positionné sur l'océan. Cela a induit chez nous des situations nettement plus froides que la normale, favorisant des circulations de nord-ouest. Ces deux derniers mois, l'indice NAO est redevenu positif.
Si l'anomalie de pression est élevée par rapport à la moyenne, l'indice NAO est positif. La température de surface des eaux en mer du Labrador diminue, tandis que la zone centrale de l'Atlantique est plus chaude. Gulf Stream et vents d'ouest sont renforcés, ce qui favorise l'incursion de perturbations et tempêtes sur l'Europe. © Pierre_cb, Wikipédia, DP
Sait-on pourquoi l’anticyclone des Açores est resté bloqué dans le centre de l’Atlantique ?
Jean-Pierre Céron : Dans le système climatique tout est lié, il est donc difficile de dissocier les causes des effets. Actuellement, plusieurs hypothèses sont avancées sans qu'une en particulier soit réellement prépondérante. La fonte de la banquise, l'abondance de neige en Asie, les températures de l'Atlantique ou l'oscillation de Madden et Julian pourraient être impliquées. Par exemple, les températures de l'Atlantique sont en général le reflet de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique. En ce sens, les températures océaniques sont plutôt la conséquence que la cause.
Néanmoins, il peut y avoir des boucles de rétroaction entre les différents acteurs du système. Par exemple une accumulation de neige peut modifier sensiblement le bilan d'énergieénergie en surface de telle manière que cela introduise un délai dans les évolutions ultérieures. La relation entre la présence de la neige en excédent sur l'Asie, l'hiverhiver, et un printemps froid, a été regardée attentivement par des groupes de modélisationmodélisation du climatclimat (dont ceux de Météo-France). Ils ont démontré que cette relation n'était pas robuste.
Que pensez-vous des théories avançant que la fonte exceptionnelle de l’Arctique en septembre 2012 (et donc la formation tardive de la banquise) aurait favorisé l’incursion de fronts polaires jusqu’à nos latitudes et prolongé l’hiver en Europe ?
Jean-Pierre Céron : Le rôle de la banquisebanquise est plutôt évoqué pour les conditions automnales et hivernales. Par ailleurs, il y a déjà eu des phénomènes de fontesfontes exceptionnelles sans que cela ne se traduise nécessairement par une trilogie « hiver-printemps-été » froids, et à l'inverse on a déjà eu des hivers et printemps froids sans que cela corresponde à une fonte exceptionnelle de la banquise. Alors on peut toujours dire que c'est lié à l'aspect record historique de 2012 (on évoquerait alors un phénomène à seuil), mais cela reste difficile à démontrer avec si peu d'observations. Il faut passer par des expériences de modélisation complexes, ce qui demande du temps. En effet, les éléments à représenter correctement sont actuellement au niveau de l'état de l'art [basés sur les connaissances actuelles existantes, NDLRNDLR] de la recherche sur le climat comme la modélisation de la stratosphèrestratosphère ou encore... celle de la banquise.
L'indice de la NAO au cours des 60 dernières années. En rouge, sont représentées les phases positives, et en bleu, les phases négatives. Durant l'hiver 2012, la NAO était particulièrement négative, ce qui favorise l'incursion de fronts d'ouest chargés d'humidité sur la France. Depuis deux mois, l'indice de la NAO est positif. © NOAA
Certaines prévisions saisonnières envisagent un été instable, avec beaucoup d’orages. Qu’en est-il de celles de Météo-France ?
Jean-Pierre Céron : Dans notre prévision saisonnière nous n'envisageons pas d'été particulièrement instable avec beaucoup d'orages. La prévision saisonnière ne produit pas vraiment d'informations à des échelles assez pertinentes pour aborder ces questions d'instabilité et d'oragesorages. Les situations orageuses peuvent provenir de flux de sud-ouest avec un airair chaud et humide, qui rencontrent un air froid. Mais ce ne sont pas les seules situations favorables à ce type de phénomène. Les orages peuvent aussi trouver leur source en Méditerranée, à l'instar des fameux épisodes cévenolsépisodes cévenols (pluies et orages réputés pour leur violence).
Si les conditions anticycloniques ne s’installent pas au printemps, cela veut-il dire que l’été sera forcément instable ?
Jean-Pierre Céron : Non. Nous avons étudié la succession de printemps froids et d'étés froids, il n'y a pas de liaison statistiquement significative. En fait seulement un printemps sur dix s'inscrit dans une logique « printemps froid-été froid » (la proportion est sensiblement équivalente pour l'association « printemps chaud-été chaud »)).