Pour reconstruire le film d’une catastrophe, les scientifiques ont parfois besoin de beaucoup de temps. Mais après le drame survenu en Inde ce dimanche 7 février 2021, ils ont mobilisé leurs connaissances et des banques d’images satellite pour conclure. C’est un glissement de terrain sans doute d’origine naturelle qui a provoqué les inondations monstres dans une vallée de l’Himalaya.


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    Ce dimanche 7 février 2021, la province indienne d'Uttarakhand a été le théâtre d'un drame. Une vallée de l'Himalaya a été dévastée par une inondation soudaine. Selon les autorités, c'est en fin de matinée qu'un torrenttorrent d'eau, de glace et de débris a d'abord détruit le petit ouvrage hydraulique de Rishinanga, puis le barrage plus important de Tapovan Vishnugad, cinq kilomètres plus bas. Dans le village de Raini, les ponts, les routes et les maisons ont été balayés avant même que l'alerte ait pu être donnée. Les victimes se compteront probablement par dizaines.

    Et alors que les secours sont toujours au travail pour tenter de sauver des personnes bloquées ou disparues, la question du comment se pose déjà. La première hypothèse avancée a été celle d'une crue de débordement d'un lac glaciaire. Pour comprendre, il faut savoir qu'il existe des milliers de lacs glaciaires dans le monde. Ces lacs se forment derrière des barrages naturels créés par des débris collectés à l'avant des glaciers puis laissés sur place lors du retrait des fronts glaciaires. Ils se forment donc notamment en réponse à un réchauffement climatique. Or lorsqu'un tel barrage naturel se brise, le lac glaciaire qu'il retenait peut provoquer des crues catastrophiques.

    La crue de lac glaciaire serait à écarter

    Mais Dave Petley, chercheur à l'université de Sheffield (Royaume-Uni), a une autre explication. Qu'il a construite notamment à partir d'images satellites et en partageant avec d'autres experts sur TwitterTwitter. Il la détaille dans un billet publié sur le blog de l’American Geophysical Union (AGU).

    Selon lui, ce matin du 7 février 2021, un bloc de roche et de glace s'est effondré dans un énorme glissement de terrain. Faisant une chute de près de 2.000 mètres avant de toucher le fond de la vallée. Après s'être fragmenté, il a généré une avalanche de roches et de glace qui a descendu le glacier, produisant également une quantité impressionnante de poussières. Au passage, la chaleurchaleur générée par le glissement de terrain par frottement aurait fait fondre la glace, le tout se transformant en une coulée de débris. Avec une vitessevitesse telle que la coulée a poussé l'eau de la rivière vers l'avant avant de pouvoir l'incorporer.

    Pas de responsabilité humaine

    Voilà pour la cause très probable de la catastrophe. Mais comment ce glissement de terrain a-t-il pu se déclencher ? Dave Petley note que depuis plusieurs mois déjà, une immense fissure se développait dans le secteur, à flanc de montagne. Une fissure qui a clairement été identifiée après le drame, grâce à des images d’archives du satellite Sentinel 2.

    Compte tenu du fait que la fissure s'est formée à 1.800 mètres d'altitude, sur une paroi rocheuse quasiment verticale et au-dessus d'un glacier isolé, le chercheur exclu la possibilité d'une intervention humaine. Ceci pour faire taire les complotistes qui suggéraient déjà qu'un forage ou un dynamitage aurait été à l'origine du drame. L'expert penche plutôt vers un phénomène de rupture somme toute assez naturel.

    Le saviez-vous ?

    Dans un éditorial, le Times of India prévient qu'une « forte poussée des infrastructures dans cette région écologiquement sensible est en cours sans recherche locale suffisamment rigoureuse. Cette tragédie rappelle à quel point la frontière du réchauffement climatique est proche de chez nous. Le danger ici est qu'au lieu d'atténuer ce changement, des projets mal conçus pourraient finir par multiplier les risques pour toute l'Inde qui vit en aval des fleuves himalayens.» L'éditorial affirme ainsi que les dégâts de l'inondation ont été « aggravés par des constructions incontrôlées sur le lit de la rivière ».

    Ou en tout cas, pas de responsabilité humaine directe

    Si le glissement de terrain incriminé dans la catastrophe du 7 février apparaît naturel, les experts n'excluent pas, tout de même, que les activités humaines ont pu, indirectement, l'amplifier. Car lorsque les roches de haute montagne se fracturent, elles se trouvent normalement maintenues par la glace. Or le réchauffement climatique fragilise cette glace. Résultat : de tels glissements de terrain deviennent plus fréquents. Le Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GiecGiec) en avait déjà parlé en 2012, annonçant, en plus des crues de lacs glaciaires, des instabilités de pentes et des mouvementsmouvements de massesmasses rocheuses.

    Si la raison peut être avancée, il ne faut cependant pas perdre de vue que la saisonsaison - l'hiverhiver - se prête guère au dégel du pergélisolpergélisol. Alors le déclencheur de ce glissement de terrain meurtrier serait-il à chercher ailleurs ? Peut-être dans un mouvement sismique. Mais les données sont trop rares dans la région pour conclure.


    L'effondrement d'un glacier a fait plusieurs morts et des centaines de disparus dans le nord de l'Inde

    La rupture du deuxième glacier le plus haut en Inde a provoqué de terribles inondations dans la région de l'Uttarakhand. L'action prompte de plus de 2.000 secouristes et militaires a déjà permis de sauver plusieurs personnes, mais des centaines demeurent pour l'instant disparues.

    Article de Emma HollenEmma Hollen paru le 08/02/2021

    Le 7 février dernier, une vidange brutale d'un lac glaciaire a provoqué des inondations massives dans la région de l'Uttarakhand. Les trombes d'eau libérées dans la vallée ont transformé les rivières Rishiganga et Dhauliganga en monstres rugissants, emportant avec elles des habitations, un barrage, un pont, deux centrales hydroélectriques, et les employés qui y travaillaient. Déjà 19 morts et plus de 200 personnes portées disparues sont à déplorer, néanmoins, on ignore encore combien de personnes pourront être extraites des tunnels où elles se sont retrouvées bloquées.

    Climat ou mines : la faute reste humaine

    La catastrophe a été provoquée par la rupture du Nanda Devi, le deuxième glacier le plus élevé en Inde. Victime d'un hiver peu neigeux, certains experts pensent que la glace aurait été fragilisée au point de rompre. Ainsi que l’exprime Anjal Prakash, qui a participé aux recherches de l'ONU sur le climat : « Cela ressemble fortement à une manifestation du changement climatique, alors que les glaciers fondent sous la pressionpression du réchauffement. » Pour autant, Chetan Chauhun ne manque pas de souligner pour le journal Hindustan Times que les activités minières du district ont drastiquement fragilisé l'écologieécologie locale, causant déjà la disparition de milliers de personnes en 2013. Dans un cas comme dans l'autre, les causes au problème sont humaines, et le solutions devront l'être tout autant.