au sommaire
Presque cent quatre-vingts ans après la définition du taxon Dinosauria par le paléontologuepaléontologue britannique Richard Owen, les dinosaures n'ont pas fini de nous surprendre, et c'est tant mieux. Il est vrai que nous disposons d'énormes archives géologiques allant du Trias au Crétacé. Ainsi, même si la fossilisation des os de dinosaures et leur transmission jusqu'à nous ne vont pas de soi, nous n'avons encore qu'égratigné la surface de ces archives.
Leur interprétation reste difficile, car, bien évidemment, nous ne disposons pas des parties molles, encore moins de l'ADNADN de ces animaux, bien que l'on ait réussi à trouver des traces de leur collagène. Les paléontologues ne sont pas découragés pour autant et ils multiplient les astuces, aidés parfois par les méthodes modernes d'investigation comme celles de la géochimie, pour faire parler les fossilesfossiles et tenter de cerner la biologie et l'éthologieéthologie des « terribles lézards ».
Un nouvel exemple en est donné avec un article publié dans Scientific Reports par la paléontologue états-unienne Karen Chin, conservatrice de paléontologiepaléontologie au musée d'histoire naturelle de l'université du Colorado, à Boulder. Avec ses collègues, elle s'intéresse aux coprolithes de dinosaures, c'est-à-dire aux excréments minéralisés, fossilisés qu'ils ont laissés. Ceux-ci peuvent nous donner certaines informations concernant le régime alimentaire de ces animaux.
Zoom sur un coprolithe de dinosaure herbivore. Les restes noirs, longs d'environ 1 cm, sont des fossiles de crustacés. © Karen Chin, CU Boulder
Des hadrosaures herbivores qui mangeaient des écrevisses ?
On connaît plus les coprolithes de dinosaures carnivorescarnivores, car les minérauxminéraux qu'ils absorbaient en se nourrissant des herbivoresherbivores ont facilité la fossilisation de leurs excréments. Mais Karen Chin a eu la chance de découvrir des coprolithes laissés par des herbivores dans la fameuse formation du plateau de Kaiparowits, dans le monument national de Grand Staircase-Escalante, dans le sud de l'Utah.
Cette formation est une série de stratesstrates sédimentaires épaisses de 850 mètres. Elle a été formée il y a entre 76,6 et 74,5 millions d'années (Crétacé supérieur) par des dépôts de rivières et des dépôts alluvionnaires d'inondationsinondations de plaines, près d'une mer intérieure qui bordait les Rocheuses à cette époque, formant l'île continent de Laramidia.
Karen Chin et ses collègues ont eu la surprise de trouver des restes fossilisés de carapaces de crustacéscrustacés semblables à des crabes et des écrevissesécrevisses dans au moins dix échantillons de coprolithes provenant de trois strates différentes, séparées par des distances de plusieurs kilomètres. Or, ces coprolithes provenaient indiscutablement de dinosaures herbivores, car ils contenaient également des restes de végétaux fossilisés, en l'occurrence des morceaux de boisbois qui étaient en décomposition au moment où ils ont été ingérés par ces animaux, sans doute poussés par la faim. Ces multiples trouvailles semblent exclure des accidentsaccidents et pointer du doigt un comportement que certains des dinosaures de l'époque pouvaient avoir à l'occasion.
En effet, on sait que, de nos jours, certains oiseaux principalement herbivores n'hésitent pas à changer un peu leur alimentation en ajoutant quelques insectesinsectes et autres sources de protéinesprotéines animales et de calciumcalcium quand ils sont en période de ponte d'œufs. Il est donc raisonnable de penser que certains dinosaures herbivores pouvaient faire de même, ce qui expliquerait naturellement les coprolithes retrouvés.
Mais de quels dinosaures herbivores pouvait-il s'agir à cette époque et en ce lieu ? Selon l'abondance des fossiles trouvés, il devait probablement s'agir d'hadrosaures, plus précisément de Parasaurolophus walkeri, qui étaient dotés d'une sorte de becbec de canard.
Avant de disparaître, certains dinosaures herbivores déclinaient déjà
Article de Quentin MauguitQuentin Mauguit publié le 04/05/2012
Les dinosaures ont disparu il y a 65,5 millions d'années, lors de la crise du Crétacé-Tertiairecrise du Crétacé-Tertiaire. Mais comment se portaient-ils juste avant cet évènement majeur ? Une étude exploitant les disparités morphologiques observées au sein de sept taxons lève le voile. Certains grands herbivores déclinaient depuis déjà 12 millions d'années.
Plusieurs extinctions de masse ont eu lieu durant l'histoire de la TerreTerre. La plus célèbre, la crise Crétacé-Tertiaire, a vu disparaître les dinosaures non aviaires il y a 65,5 millions d'années. Deux hypothèses principales expliquent son existence : la chute d'un astéroïde d'une dizaine de kilomètres de diamètre et l'éruption d'un supervolcansupervolcan qui donna naissance aux trapps du Deccan.
De nombreuses études se focalisent sur cet événement, risquant ainsi d'oublier un point important : l'état de santé des différents groupes de dinosaures au moment de la catastrophe, juste avant leur disparition. Jusqu'à présent, seuls des comptages d'espècesespèces au cours du temps étaient utilisés pour fournir des informations. Malheureusement, cette technique est peu fiable car elle dépend du nombre de fossiles trouvés, et donc des sites géologiques et de la probabilité d'une bonne fossilisation.
Une équipe de chercheurs du Musée américain des sciences naturelles (AMNH)) a développé une nouvelle approche se basant sur les disparités morphologiques pour s'affranchir de ce problème. Elle est présentée dans la revue Nature Communications par Stephen Brusatte. Elle montre que certains groupes d'herbivores dépérissaient depuis plusieurs millions d'années avant la crise Crétacé-Tertiaire.
Ces quatre graphiques présentent la diversité de plusieurs grands groupes de dinosaures (cœlurosaures, pachycephalosaures, cératopidés et hadrosaures) durant les 12 derniers millions d’années du Crétacé supérieur. L’axe des abysses correspond à une échelle de temps de - 77 à - 65 millions d’années. L’axe des ordonnées représente de manière simplifiée la disparité morphologique. Les deux taxons d’herbivores, en rose (ceratopids et hadrosauroids), étaient très nettement dans une phase de déclin à long terme, à l’inverse des carnivores (cœlurosaurs) et petits herbivores (pachycephalosaurs), en bleu, qui se portaient bien. © S. Brusatte, AMNH
La bonne santé d'un taxon
L'acquisition d'une grande diversité de formes au sein d'un groupe serait à mettre en relation avec le développement de nouvelles espèces adaptées à leur environnement. Un taxon en « bonne santé » doit présenter une disparité morphologique stable ou en augmentation au cours du temps. Dans le cas inverse, il est plutôt en déclin. Face à deux fossiles d'espèces proches, on peut ainsi aller plus loin en estimant les différences entre elles et avoir une idée de la diversité génétiquegénétique du groupe.
Les variations anatomiques existant entre 150 espèces de dinosaures appartenant respectivement à 7 taxons différents ont donc été comparées pour plusieurs périodes du Crétacé supérieur. Cinq groupes se composaient uniquement d'herbivores : ankylosaures, pachycephalosaures, sauropodessauropodes, hadrosaures et cératopidés. Les deux derniers abritaient chacun des carnivores : tyrannosaurestyrannosaures et autres cœlurosaures.
Des dinosaures herbivores sur le déclin
À l'échelle mondiale, les hadrosaures (les « dinosaures à becs de canard ») et cératopsidés (famille du triceratops), des herbivores spécialisés qui possédaient des dents, déclinaient depuis 12 millions d'années lorsque la crise est survenue. Au même moment, les herbivores de plus petites tailles (ankylosaure, pachycephalosaure) et les sauropodes (par exemple les diplodocusdiplodocus) se portaient bien, tout comme les carnivores.
Les résultats sont plus nuancés à l'échelle régionale. La diversité des hadrosaures diminuait en Amérique du Nord, peut-être à cause de la formation de la mer intérieure du Crétacé et de montagnes, mais pas en Asie. Ainsi, et contrairement à ce qui a déjà été fait par le passé, l'observation d'une tendance sur un continent ne peut pas être extrapolée à l'ensemble de la Planète.
Il n'est pas possible de dire si les groupes en déclin auraient tout de même disparu s'il ne s'était rien passé à la fin du Crétacé. L'histoire des dinosaures s'étend sur près de 150 millions d'années. La période couverte par cette étude (12 millions d'années) n'en considère donc qu'une petite partie. Certains groupes ont très certainement pu se développer puis régresser successivement.
Ce qu’il faut
retenir
- Certains coprolithes datés d'environ 75 millions d'années, plus précisément des excréments fossilisés laissés par des dinosaures herbivores, ont un surprenant contenu : des restes de crustacés fossilisés.
- Cette découverte étrange laisse penser que, tout comme certains oiseaux modernes, ces dinosaures pouvaient ajouter des suppléments à leur alimentation avant de pondre des œufs.
- Il est raisonnable de penser qu'il s'agissait d'hadrosaures à bec de canard.