Pour sa sixième et dernière virée à Cuba, Antoine, chanteur et navigateur, nous emmène en voiture. Il traverse l'île d'est en ouest et nous fait découvrir le pays d'aujourd'hui. Les touristes sont là, le pays s'est un peu enrichi. Mais l'esprit cubain demeure bien vivant, et s'exprime dans les couleurs et dans la musique. Découvrons avec lui Santiago et Trinidad, Baracoa et les mogotes, la canne à sucre et les cigares.

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    Nous embarquons dans une Mercury Monterey 1958, un genre de voiturevoiture dont les Cubains raffolent. Avec Yuri, notre chauffeur et notre guide tout au long de notre voyage, nous avons pris la Route du Ciel, la route de montagne ouverte en 1959. Avant sa constructionconstruction, Baracoa était pratiquement coupée du reste de Cuba.

    <a href="http://www.antoine.tv/site2016/index.php" title="Antoine TV" target="_blank">Antoine</a> devant la Monterey, version 1958. Les Cubains utilisent encore d'anciennes voitures américaines soigneusement entretenues. © Antoine, DR

    Antoine devant la Monterey, version 1958. Les Cubains utilisent encore d'anciennes voitures américaines soigneusement entretenues. © Antoine, DR

    Baracoa, après le cyclone Matthew et bien après Christophe Colomb

    Quelques mois avant notre arrivée à la pointe est de Cuba, un violent cyclone, après avoir ravagé Haïti, a fait de gros dégâts dans la ville de Baracoa. Mais la nature a vite repris le dessus.

    Christophe Colomb a débarqué dans cette baie lors de son premier voyage en 1492. Il a érigé 29 croix de bois à Cuba cette année-là. La seule qui ait été conservée se trouve dans la cathédrale de Nuestra Señora de la Asuncion. Devant la cathédrale se dresse une statue d'un Indien Taïno, Hatuey, qui se rebella contre les Espagnols et qui fut brûlé vif en 1512.

    Baracoa et sa baie. © Antoine, DR

    Baracoa et sa baie. © Antoine, DR

    Santiago de Cuba, au cœur de la musique

    Passant le Castillo deldel Morro, un fort qui fut aussi, longtemps, une prison, nous sommes partis à la découverte de Santiago de Cuba. Comme tout au long de ce voyage, nous avons logé dans des casas particulares, des chambres à louer chez l'habitant, à la décoration souvent très kitsch, où l'accueil chaleureux et le petit déjeuner sont inclus. Sous la Basilique Métropolitaine de Santiago serait enterré le conquistador Diego Velázquez de Cuéllar.

    Durant la révolution, Fidel Castro avait prévu de bannir les religions, contraires aux convictions communistes, mais il n'y est pas parvenu. Le catholicisme domine à Cuba, entremêlé de croyances d'origines vaudou, africaines, proches du candomblé brésilien, appelées ici Santeria, dont les adeptes font le vœu de s'habiller de blanc.

    À Santiago, comme un peu partout à Cuba, la musique est vivante.© Antoine, DR

    À Santiago, comme un peu partout à Cuba, la musique est vivante. © Antoine, DR

    La musique vous accompagne partout dans les rues de Santiago. Les chanteurs de rue accompagnent le claquement des dominos sur les tables de jeu. La multiplication des barsbars, des restaurants, des casas particulares surtout, a amené une aisance inconnue lors de mes précédents voyages à Cuba.

    À 20 km à l'ouest de Santiago, des mines de cuivre assurèrent longtemps la prospérité de la région, justifiant la construction de la Basilica del Cobre, la Basilique du CuivreCuivre, le pèlerinage le plus respecté des Cubains, qui viennent déposer de curieuses compositions florales en forme de raquette. La statue de la vierge exposée au-dessus de l'autel aurait été retrouvée flottant sur l'océan par trois marins en perdition et, depuis, la Vierge de la Charité du cuivre est une divinité importante, associée a celle de la Santeria, appelée Oxum, et vénérée aussi au Brésil. Quand il reçut la prix Nobel de littérature, c'est à la Virgen del Cobre qu'Ernest Hemingway fit don de sa médaille d'or.

    Holguin et l’archipel Romano

    Passant le village où naquit Fidel Castro, nous traversons Holguin, la Ciudad de los parques, la ville des squares. Il y en a plusieurs, autour desquels tourne l'activité de toute la province. C'est à Holguin que sont brassées les bières les plus célèbres de Cuba, la Cristal et la Buccanero.

    Au nord-est de Holguin, nous visitons la première d'une immense série de plages qui s'étendent sur des centaines de kilomètres. Celles de Santa Lucia connaissent un développement très raisonnable. Au long de la plus grande partie de cette côte nord, une barrière de corail s'étend au large, souvent remplacée par des îles très longues, les cayos. Santa Lucia est aussi appréciée des plongeurs.

    Si vous êtes à la recherche d'un coin tranquille dans cet immense archipel, où Hemingway a navigué pendant la guerre, traquant les sous-marins allemands, je vous recommande un petit village paisible, la Boca, au bord d'un chenal reliant la mer à une immense lagune, séparant Cuba de l'archipel de Sabana-Camagüey, qui compte plus de 2.500 îles. La côte nord et la péninsule de Varadero, à l'extrémité ouest de l'archipel, connaissent une explosion du tourisme impressionnante.

    Camagüey, ville colorée. © Antoine, DR

    Camagüey, ville colorée. © Antoine, DR

    Sancti Spiritus et la tour Iznagua

    En route vers l'ouest et la ville historique de Trinidad, nous abordons une région dont la culture de la canne à sucre a jadis fait la fortune : la petite ville de Sancti Spiritus, une de nos étapes préférées à Cuba. Installée en 1522 sur les rives du fleuve Yayabo, elle a été rénovée récemment. Sa particularité unique se trouve au bout de la rue Maximo Gomez : sur le fleuve Yayabo, un pont ne déparerait pas dans une petite ville anglaise ou italienne.

    Non loin, s'étend la Valle de los Ingenios, qui connut une grande prospérité, entre autres grâce à des plantations de canne à sucresucre. La tour Iznagua a été construite pour surveiller la vallée, les 50 plantations qui s'y trouvaient et les 11.000 esclaves qui y travaillaient.

    Le joli pont de Sancti Spiritus. © Antoine, DR

    Le joli pont de Sancti Spiritus. © Antoine, DR

    Trinidad, un musée en plein air

    Le centre de l'action ici, c'est la Plaza Mayor. Des musiciens et artistes de rue cubains y rivalisent d'imagination pour séduire les nombreux touristes. La ville est si belle et préservée qu'elle a été qualifiée de « musée de plein airair ». Sa richesse vient en grande partie des plantations de canne, souvent créées par des colons français qui avaient fui Haïti au début du 19e siècle.

    Trinidad compte de nombreux musées, comme le Musée historique municipal, qui rend hommage à Diego Velázquez de Cuéllar, fondateur de la ville, mais aussi, bien sûr, au « Commandante ». Du haut de la tour qui couronne le Musée historique, on découvre la ville tout entière. Le lieu le plus prisé est l'escalierescalier de la Plaza Mayor, des musiciens y jouent à toute heure pour les clients des bars et des restaurants. Et au sommet de l'escalier, à la Casa de la Musica, vous pourrez applaudir des groupes de salsa dynamiques comme Gran Cuba... Et, bien sûr, bailar la salsa toda la noche !

    Une maison fleurie dans Trinidad. © Antoine, DR

    Une maison fleurie dans Trinidad. © Antoine, DR

    Cienfuegos, le Paris de Cuba

    Fondée par un émigré français de Louisiane, Cienfuegos arbore une architecture remarquable. C'est le Paris de Cuba, dit-on d'elle. Dans la péninsule, le Palacio del Valle, devenu un restaurant, peut être visité, avec en prime un mojito... Au centre de la ville, la musique est présente sur la place José Marti et, chaque dimanche sur le Prado, l'orchestre symphonique joue des grands classiques de Strauss.

    Baie des Cochons : le souvenir des contre-révolutionnaires et des Indiens Taïnos

    Dans la Baia dosdos Cochinos, la baie des Cochons, un musée rappelle le dramatique débarquement de contre-révolutionnaires, repoussé par les troupes castristes.

    Aujourd'hui, la baie n'est agitée que par le ventvent du sud. Devant la Cueva de los Peces, la grotte des poissonspoissons, les familles se photographient dans la brumebrume des vaguesvagues et on vient du bout du monde pour voir le village de pêcheurs de Playa Larga et sa plage appréciée notamment par les amateurs de kites. Un peu plus loin, dans la péninsule de Zapata, sur un îlot de la Laguna del Tesoro, la lagune au trésor, un hommage est rendu aux Indiens Taïno, les premiers habitants de Cuba ; hommage bien tardif, car vingt ans à peine après l'arrivée de Colomb, plus de 90 % des Indiens avaient été exterminés...

    La Havane : sur les traces d’Hemingway

    Nous abordons la grande ville par le Malecon, le boulevard du bord de mer, huit kilomètres de magnificence et de vétusté, nombre d'immeubles n'ayant pas été repeints depuis la Révolution. Somptueux, le très kitsch Hotel Nacional offre dans son jardin un petit musée dans les souterrains creusés en 1961. Des documents y racontent l'instant où le monde passa bien près de l'holocauste nucléaire, quand les Soviétiques voulurent installer des missilesmissiles à Cuba, et quand le président Kennedy posa son ultimatum.

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    1968 : l'étonnant reportage d'Antoine à Cuba pour Salut les Copains

    Durant des siècles, La Havane fut la ville la plus fortifiée au monde, et les pirates, français ou autres, s'y cassèrent souvent les dents. Les Anglais prirent possession de la ville en 1762 pour la quitter dès l'année suivante. Aujourd'hui, la partie la plus animée de la vieille ville débute sur la place de la cathédrale de San Cristobal de La Havana et amène le visiteur vers des musées et des monuments historiques, comme la statue de marbremarbre de Christophe Colomb.

    Le regain du tourisme entraîne une rénovationrénovation progressive et saine, parce qu'elle profite réellement aux Cubains, qui retapent leurs maisons puis louent des chambres. Les quartiers rajeunis s'étendent jusqu'au Paseo du Prado, où une bourse des maisons et des appartements à vendre se tient régulièrement de façon informelle, à deux pas de l'imposant musée de la Révolution.

    C'est au petit hôtel Ambos Mundos, en 1929, que l'écrivain Ernest Hemingway loua une chambre au prix de deux dollars la nuit et prit l'habitude de fréquenter ses deux bars préférés : La Bodeguita del Medio et le Floridita où l'on se presse aujourd'hui pour poser un instant aux côtés de sa statue, qui trône au bout du bar.

    Pour approcher vraiment le souvenir du grand écrivain, il faut grimper jusqu'à la Finca Vigia, noyée dans la végétation tropicale. C'est la maison qu'Hemingway avait achetée en 1939 tandis qu'il écrivait Pour qui sonne le glas. C'est ici qu'il écrivit Le Vieil Homme et la mer, qui lui valut en 1954 le prix Nobel de littérature.

    Le soir, autour de la cathédrale illuminée, le quartier redouble d'animation. La rue Obispo, en particulier, résonne de mille musiques. Avec une multitude de bars et d'auberges. En 2011, l'État a autorisé la création de restaurants privés, les Paladars, généralement dans les étages, et tous les escaliers de la rue se convertissent le soir en minuscules boutiques de souvenirs. Un petit secret : pour échapper à la foule de La Bodeguita, grimpez l'escalier qui se trouve au fond du bar, et vous trouverez un havre de paix pour y apprécier des moros y cristianos, ou autres spécialités cubaines délicieuses, et d'excellents musiciens.

    Viñales : karst et tabac

    Dans la vallée de Viñales, un paysage fantomatique, nimbé de brumes matinales, nous accueille : ce sont les magnifiques mogotes, formations karstiques, semblables à celles de la baie d'Ha Long, au Vietnam, mais situées comme à Guilin, en Chine, au milieu des terresterres. Comme dans toutes les formations karstiques, l'érosion a sculpté d'innombrables cavernes, comme celle dite de l'Indien. Jadis, elle fut en effet un habitat pour des tribus indiennes.

    Explication de la fabrication d'un cigare traditionnel cubain. © Antoine, DR

    Explication de la fabrication d'un cigare traditionnel cubain. © Antoine, DR

    Aujourd'hui, Viñales est la région du tabac. Au pied des mogotes, les grandes feuilles, d'un vert irréel, accrochent la lumièrelumière. Les plus élevées, qui reçoivent le plus de soleilsoleil, serviront à fabriquer les puros, les cigares les plus cotés. Mais cette année, malgré certaines fortes pluies, la région souffre d'une grande sécheressesécheresse. Comme nous l'explique un cultivateur, en échange du droit de cultiver sa parcelle, il doit revendre au gouvernement 90 % de sa production, au tarif minuscule correspondant au salaire minimum des Cubains, soit 18 dollars par mois. Il prend bien soin, pour le dixième de la récolte qui lui revient, de choisir les plus belles feuilles.

    Et puis commence la fabrication du cigare proprement dit : lors de la fermentationfermentation, il ajoute aux feuilles une infusioninfusion de rhum, de miel, de cannellecannelle, d'orange et d'ananasananas. Les feuilles sont mises à sécher, d'abord au soleil, puis dans des cases couvertes de feuilles de palmier. Il faut ensuite rouler les feuilles, les entourer des plus belles d'entre elles, et voici le produit fini : les cigares les plus naturels, sans marque, que les Cubains eux-mêmes fument.

    Voir aussi

    1997 : Antoine en tournage pour la série : Iles… était une fois