« Bêtes de science », c'est comme un recueil d'histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s'émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, plongeons dans les abîmes pour retrouver un animal drôlement intelligent : la pieuvre.
[EN VIDÉO] Une pieuvre noix de coco se cache dans une coquille vide Les pieuvres n'ont plus à prouver qu'elles sont intelligentes ! Filmée en Indonésie, cette pieuvre noix de coco file se cacher dans une coquille vide pour échapper à l'objectif d'un plongeur trop intrusif. La pieuvre noix de coco fascine les scientifiques depuis longtemps. Grâce à elle, on a compris que les invertébrés peuvent aussi utiliser des outils !
La pieuvre est un animal étonnant. D'apparence, déjà, avec ses huit bras et son sang bleu. Un drôle d'habitant des mers. Drôle... et futé. Parce que la pieuvre est l'un de ces animaux auxquels les chercheurs ont, au fil du temps, découvert une intelligence tout à fait hors norme.
Depuis des années maintenant, les scientifiques scrutent la pieuvre sous tous les angles. Avec l'espoir de comprendre enfin comment elle a pu en arriver là. Il ne fait aucun doute que ses quelque 500 millions de neurones ont aidé. 500 millions, c'est autant qu'un chien. Excusez du peu !
Mais peut-être que les 33.000 gènes que les chercheurs ont pu identifier pour l'une au moins des 700 espèces de pieuvre qui existent au monde n'y sont pas pour rien non plus. Ou au moins certains d'entre eux. Des gènes pas tout à fait comme les autres. Ceux que les scientifiques appellent des gènes sauteurs. Ou, plus techniquement parlant, des éléments transposables. Parce qu'il est question ici de fragments d’ADN qui peuvent non seulement se copier, mais aussi se déplacer d'un endroit à un autre sur les chromosomes de la pieuvre.
Octopus brain and human brain share the same 'jumping genes'. Transposable elements widely contribute to the evolution of genomes.
— MU-Peter Shimon (@MU_Peter) June 28, 2022
Identification of LINE retrotransposons and long non-coding RNAs expressed in the octopus brainhttps://t.co/ZjrJP2t7GJpic.twitter.com/SgvBiSfObo
Des gènes sauteurs chez les Hommes comme chez la pieuvre
Il faut savoir que plus de 45 % de notre génome est composé de tels gènes sauteurs. La plupart d'entre eux restent silencieux. Certains parce que des mutations les ont inactivés. D'autres parce qu'ils sont bloqués par des mécanismes de défense cellulaire. Ils restent toutefois utiles à l'évolution. Comme une sorte de « matière brute » qu'elle pourrait façonner.
Les Long Interspersed Nuclear Elements (Line), eux, constituent une famille de gènes sauteurs toujours actifs chez les Hommes. Les chercheurs ont découvert que leur activité est finement régulée... dans notre cerveau. Les éléments transposables Line, particulièrement actifs du côté de notre hippocampe, seraient associés à certaines de nos capacités intellectuelles comme l'apprentissage ou la mémoire.
Revenons maintenant à notre pieuvre. Elle aussi dispose de gènes sauteurs. Pour la plupart inactifs. Mais au moins un gène actif de la famille des Line que l'on retrouve dans le cerveau de l'animal. Les chercheurs l'ont identifié chez deux espèces de pieuvre. La pieuvre commune et la pieuvre à deux points de Californie, et plus exactement dans le lobe vertical de leur cerveau. Une structure qui, à l'instar de notre hippocampe, se trouve être le siège des capacités d’apprentissage et plus largement, de cognition, chez cet invertébré décidément pas comme les autres.
Il n'en fallait pas plus pour que les chercheurs s'enthousiasment, vous imaginez. On peut les comprendre : mettre à jour une telle similitude entre les Hommes et des animaux aussi éloignés -- a priori -- que les pieuvres, ce n'est pas courant. Cela constitue possiblement un exemple fascinant d'évolution convergente. Le genre de phénomène au cours duquel deux espèces génétiquement très différentes développent, indépendamment l'une de l'autre, un même processus moléculaire en réponse à leurs besoins.
Autre motif d'excitation, le fait que l'identification de ce gène sauteur Line dans le cerveau de la pieuvre le propulse au rang de candidat numéro un des éléments à étudier pour améliorer les connaissances que nous avons sur l'évolution de l'intelligence. Avec la possibilité de comprendre un peu plus encore pourquoi la pieuvre n'est réellement pas si bête !
La donzelle qui fait toujours grise mine Les donzelles sont des poissons abyssaux qui ressemblent un peu aux anguilles et aux murènes. Ils font partie de la famille des Ophidiiformes. Le spécimen sur cette photo a croisé le chemin des scientifiques a environ 1.585 mètres de profondeur. Il vit dans les mers tempérées et tropicales du monde. Cette donzelle au visage particulièrement renfrogné a été immortalisée dans le golfe du Mexique. © Image courtesy of the Noaa Office of Ocean Exploration and Research, Gulf of Mexico, 2017
Méli-mélo d'ophiures et de coraux Difficile de comprendre quelque chose dans ce méli-mélo de tentacules oranges. Pourtant, cette photo montre bien trois espèces totalement différentes. Au centre, on peut voir la forme reconnaissable d'une étoile de mer, avec de long bras tubulaires. Il s'agit d'une espèce d'ophiure, un échinoderme proche des étoiles de mer. Cette espèce précise est surnommée « étoile de mer-serpent » en référence à ses longs bras tortueux. Elle est entrelacée avec les branches jaunes d'un Octocorallia, une sous-classe de cnidaires apparentée aux coraux mais qui ne vit pas en récifs. Ce couple, déjà bien emmêlé, se trouve au milieu d'une troisième espèce, une étoile de mer complexe du genre Novodinia, qui peut posséder jusqu'à vingt bras. Un beau ménage à trois !© Image courtesy of the Noaa Office of Ocean Exploration and Research, Gulf of Mexico, 2017
Un Rhinochimaerida au nez bien retroussé Le nom scientifique de la famille de ce drôle de poisson est Rhinochimaerida. Le préfixe Rhino fait évidemment référence à son long nez retroussé. Bardé de capteurs sensoriels, celui-ci lui permet de capturer les petits poissons dont il se nourrit. Quant au suffixe chimaerida, il se rapporte à l'ordre des Chimaeras qui regroupe des poissons cartilagineux, comme le requin-fantôme ou le poisson-lapin, dont les caractéristiques morphologiques sont si étranges qu'on les dirait tout droit sorties de la mythologie grecque. Celui-ci ne fait pas exception !© Image courtesy of the Noaa Office of Ocean Exploration and Research, Gulf of Mexico, 2017
La baudroie des abysses, un poisson effrayant Le poisson-pêcheur tire son nom de son mode particulier de prédation. Grâce à une « canne » placée sur sa tête, il attrape ses proies attirées par ce leurre. Les poissons-pêcheurs appartiennent à l'ordre des Lophiiformes et présentent une grande diversité de taille, de morphologie et de couleur. Tous ont en commun leur méthode de prédation ainsi qu'une apparence plutôt effrayante.Sur cette photo, il s'agit d'un Melanocetus johnsonii. Cette baudroie abyssale est la seule représentante de sa famille, les Melanocetidae. C'est la femelle, bien plus grosse que le mâle qui porte l'appât lumineux et qui nourrit son compagnon, accroché à elle.Melanocetus johnsonii. © National Geographic, CC by-sa 4.0
Une ophiure sur son corail Cette ophiure de l'espèce Asteroporpa cf. annulata, est solidement entortillée sur le squelette d'un Isididae, appelé aussi corail bambou, une espèce abyssale présente dans l'océan Atlantique. Celui-ci a été photographié dans le golfe du Mexique.© Image courtesy of the Noaa Office of Ocean Exploration and Research, Gulf of Mexico, 2017
Montagnes sous-marines au cœur d'une plaine abyssale Les montagnes sous-marines offrent un relief proéminent au milieu de la plaine abyssale. Toutes sortes de créatures, mobiles ou sessiles, viennent s’y fixer, s’y nourrir ou s’y reproduire pour profiter des courants accrus. La richesse de la faune y est telle que ces formations géologiques (des volcans éteints pour la plupart, mais parfois encore actifs) sont désignées comme des « îlots de diversité ». À chaque plongée, que ce soit dans le golfe d’Alaska, au sud du Pacifique ou au large de la Californie, les chercheurs stupéfaits découvrent de nouvelles merveilles.© Les Watling pour the Mountains in the Sea Research Team, IFE, URI-IAO, Noaa.
Un ver tubicole géant, Riftia pachyptila Riftia pachyptila. Ver tubicole géantTaille : 2 m ;Profondeur : 2.000 à 2.850 m.Jusqu’en 1979, lorsqu’on pensait à un ver, l’image d’un lombric incolore nous venait immédiatement à l’esprit devant ce ver tubicole géant. La découverte des créatures géantes et sublimement colorées que l’on trouve aux abords des oasis hydrothermales dans l’est du Pacifique a chamboulé cette vision. Ces animaux étonnants vivent en symbiose avec des bactéries chimiosynthétiques qui se chargent de leur fournir le repas. Les spécialistes mirent un certain temps à comprendre le fonctionnement de l’animal, qu’ils croyaient, au début, filtreurs. Robert D. Ballard se souvient de leur incrédulité : « Sans yeux ni bouche, sans aucun autre organe apparemment destiné à absorber de la nourriture ou à excréter des déchets, ce n’était ni ver, ni serpent, ni anguille, mais ce n’était pas une plante non plus — c’était la créature la plus étrange que nous ayons jamais vue ». © 2003 MBARI
Poulpe Dumbo Grimpoteuthis sp. - Poulpe Dumbo. Taille inconnue. Profondeur : 300 à 5.000 m.Ces poulpes à oreilles ont un comportement et une biologie très mal connus. On en rencontre fréquemment près du fond dans tous les océans du monde. Il leur arrive de s’aventurer assez loin dans la colonne d’eau. Les plus grands spécimens peuvent atteindre 1,5 mètre.© 2003 MBARI