Après Ieoh Ming Pei, Zaha Hadid ou Jean Nouvel, entre autres grands noms de l'architecture, le Burkinabé Diébédo Francis Kéré, Berlinois d'adoption, rejoint ses pairs et reçoit le prix Pritzker, équivalent du prix Nobel de l'architecture. Il doit cette consécration suprême à son engagement pour plus de justice sociale et pour la durabilité de ses réalisations se réappropriant les techniques ancestrales.
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Pionnier des constructions durables au service des populations, comme l'école de son village au Burkina Faso, l'architecte Diébédo Francis Kéré a reçu mardi le prix Pritzker, devenant le premier Africain à recevoir la plus haute distinction de la profession.
« Grâce à son engagement pour la justice sociale et à l'utilisation intelligente de matériaux locaux pour s'adapter et répondre au climat naturel, il travaille dans des pays marginalisés, où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l'architecture et les infrastructures sont absentes », ont expliqué les organisateurs du prix Pritzker dans un communiqué.
C'est la première fois qu'un architecte d'un pays africain reçoit la distinction qui a déjà couronné les plus grands noms de cet art, comme Frank Gehry, Tadao Ando, Renzo Piano, Zaha Hadid ou Jean Nouvel.
Consécration pour un architecte engagé
Il est notamment connu pour son implication dans des projets au fort potentiel d'usage public, comme des écoles, et nombre d'ouvrages de Kéré sont situés sur le continent africain, notamment au Bénin, Burkina Faso, Mali, Togo, Kenya, et Mozambique. L'architecte de 57 ans, qui possède également la nationalité allemande, est depuis longtemps reconnu au niveau international et s'est aussi vu commander des pavillons et installations en Europe et aux États-Unis. En 2004, il avait déjà reçu le prix Aga Khan d'architecture.
C'est un pionnier dans la construction durable au service de la population. Matériaux locaux, système d'aération, d'isolation, techniques inspirées du biomimétisme... Il s'épanouit dans des projets architecturaux aux dimensions sociales et écologiques. Cet engagement l'a mené à bâtir des cliniques, des musées et des écoles partout dans le monde. De Berlin, jusqu'à Gando, son village natal, dans le centre-est du Burkina Faso. « Notre approche est locale et participative », déclare l'agence Kéré Architecture sur son site. Volontairement précurseur, Diébédo Francis Kéré travaille en lien avec les populations et l'écologie. C'est en imaginant des solutions durables que les artisans se sont attaqués à transformer des matériaux pour se saisir de nouvelles techniques.
« Il construit des institutions scolaires contemporaines, des établissements de santé, des logements professionnels, des bâtiments civiques et des espaces publics, souvent dans des pays où les ressources sont fragiles et où la fraternité est vitale », ajoute le prix Pritzker, remis par la fondation Hyatt.
Le besoin de « corriger les inégalités sociales »
Parmi ses réalisations phares, figure l'école primaire de Gando, le village burkinabé où il est né et où il a mené d'autres projets. Pour les organisateurs du prix Pritzker, cette école « jette les bases de son idéologie : bâtir une source avec et pour une communauté afin de répondre à un besoin essentiel et de corriger les inégalités sociales ».
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Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on ne doit pas essayer de créer de la qualité
L'école est conçue pour résister à la chaleur et à des ressources limitées et son succès a conduit à son extension, à la construction de logements pour les enseignants et à une nouvelle bibliothèque. Avec toujours la même ligne directrice, des bâtiments sobres aux tons chauds, sable ou ocre, qui s'insèrent dans le paysage et où la lumière est cruciale.
« J'espère changer le paradigme, pousser les gens à rêver et à prendre des risques. Ce n'est pas parce que vous êtes riche que vous devez gaspiller du matériel. Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on ne doit pas essayer de créer de la qualité », dit Francis Kéré, dans le communiqué du prix Pritzker.
« Tout le monde mérite la qualité, tout le monde mérite le luxe et tout le monde mérite le confort. Nous sommes liés les uns aux autres et les préoccupations en matière de climat, de démocratie et de pénurie nous concernent tous », ajoute celui qui passe son temps à moitié entre Berlin et son Burkina Faso natal.
Parmi d'autres de ses réalisations, figure la rénovation du parc National du Mali à Bamako. L'année dernière, le prix Pritzker avait été décerné aux Français Jean-Philippe Vassal et Anne Lacaton, apôtres d'une architecture dédiée au bien-être du plus grand nombre, combinant espaces généreux avec budgets modestes et techniques écologiques.
Fini l'année dernière, le campus technologique Startup Lions est situé sur les rives du lac de Turkana, au Kenya. Le bâtiment a été conçu en s'adaptant à la pente de la colline. La forme de la structure s'inspire des monticules construits par les colonies de termites de la région, créant, par biomimétisme, un système d'aération naturelle. Ce campus répond au défi du chômage des jeunes de la région en les formant aux technologies des télécommunications.
La conception du Logement des Médecins Léó suit un système modulaire. La construction se compose d'un mur à double couche de blocs de béton et de blocs de terre stabilisée comprimée (CEB). Les doubles couches ajoutent une intégrité structurelle, tout en augmentant la masse thermique pour aider à garder les intérieurs frais.
Sarbalé Ke pour le festival Coachella en Californie, USA, 2019. © Iwan Baan, Kéré Architecture
Biosphère II, une réplique de notre Terre Le dôme de Biosphère II a été érigé entre 1987 et 1991 dans le désert de l’Arizona (États-Unis) suivant les plans de l’architecte Ieoh Ming Pei comme une réplique miniature de notre planète. Objectif : reproduire de manière artificielle, différents écosystèmes — une forêt tropicale, un océan, un désert et même un habitat humain — dans un milieu clos.Biosphère II a accueilli deux missions scientifiques menées en vase clos. Il reste aujourd’hui un laboratoire opéré par l’université de l’Arizona. Et il est accessible au public qui a la possibilité de déambuler sur un chemin de promenade découvrant les écosystèmes reconstitués qui continuent d’évoluer sous le dôme. © Justin Frisch, Flickr, CC by-NC 2.0
L’hommage rendu par la bibliothèque JFK Les plans de la bibliothèque John F. Kennedy — située à Boston (États-Unis) — ont été dessinés par l’architecte Ieoh Ming Pei. Et si le travail de conception avait déjà débuté du vivant du 35e président des États-Unis, le bâtiment n’a pu être inauguré que bien après son assassinat, en 1979. Il a vu le jour grâce à des dons privés de plus de 35 millions de personnes dans le monde désireuses de rendre hommage à JFK.Béton, acier et verre. L’architecture de la bibliothèque est organisée autour de géométries simples, soigneusement orchestrées. Le tout pour une harmonie parfaite… avec « une vue remplie d’espoir sur l’avenir ». © mixpix, Wikipedia, CC by-sa 3.0
Le Rock and Roll Hall of Fame and Museum, comme une incarnation du rock and roll À Cleveland (États-Unis), le Rock and Roll Hall of Fame and Museum — comprenez, le panthéon du rock and roll — renferme des archives des moments réputés les plus significatifs de l’histoire du rock and roll. Il a été imaginé en 1995 par l’architecte Ieoh Ming Pei pour « incarner le rock and roll ».L’idée : juxtaposer différentes formes géométriques pour finalement former un ensemble cohérent. D’un côté, un théâtre aux arêtes coupantes en porte à faux sur le lac Érié — non visible sur cette photo. De l’autre, un tambour circulaire. Et une tour orthogonale d’une vingtaine de mètres de haut qui sort de l’eau et sur laquelle s’appuie une tente de verre tétraédrique. © Tom Baker, Flickr, CC by-NC 2.0
La John Hancock Tower, le plus haut gratte-ciel de Boston Lorsque ce bâtiment a été inauguré en 1976, on l’appelait la John Hancock Tower, la compagnie d’assurance en étant le principal locataire. Aujourd’hui, il est également désigné par son adresse, le 200 Clarendon Street. Culminant à quelque 240 mètres, il est le plus haut gratte-ciel de Boston (États-Unis).C’est à l’architecte Ieoh Ming Pei qu’on doit cet édifice qui contraste avec les bâtiments historiques qui l’entourent. Et notamment avec l’église de la Trinité qui se trouve juste en face et qui se reflète dans ses panneaux de verre.Au sommet du gratte-ciel : une plate-forme qui offre une vue spectaculaire sur la ville. Malheureusement, après les attentats du 11 septembre 2001, celle-ci a été fermée au public.Pour les fans de séries télé enfin, notez que la John Hancock Tower est présentée dans Fringe comme le siège du FBI. © Tim Sackton, Wikimedia, CC by-sa 2.0
La Bank of China Tower, un gratte-ciel en forme de bambou Depuis son inauguration en 1989, la Bank of China Tower de Hong-Kong — et ses 367,4 mètres de haut, comptant ses deux mâts — a perdu son titre de gratte-ciel le plus haut d’Asie. Elle reste une attraction pour les touristes grâce à son architecture originale et à sa plate-forme située au 43e étage qui offre une belle vue sur la ville.Au moment de sa conception, l’architecte Ieoh Ming Pei a été mis au défi de prendre en compte le fait que le bâtiment serait construit sur une zone à risque de typhon. D’un point de vue esthétique, il s’est inspiré de la forme des pousses de bambou, symbole de force, de croissance et de prospérité. © Warren R.M. Stuart, Flickr, CC by-NC 2.0
L’OCBC Centre, une tour brutaliste C’est dans le paysage de Singapour que se dresse, depuis 1976, l’OCBC Centre. Mesurant moins de 200 mètres de haut, il a été imaginé par l’architecte Ieoh Ming Pei et symbolise plutôt bien le style brutaliste : répétition de certains éléments, absence d’ornements et caractère brut du béton. Un style totalement différent de celui des gratte-ciel qui l’entourent aujourd’hui.Sa relative faible profondeur et ses trois blocs de fenêtres qui ressemblent un peu à des touches lui valent le surnom, au sein de la population, de calculatrice. © Sean Munson, Flickr, CC by-NC 2.0
La Tour EDF et son excavation conique La Tour EDF, bâtie en 2001 à La Défense (Paris – France) sur les plans de l’architecte Ieoh Ming Pei, n’étonne pas par sa hauteur. Bien qu’elle atteigne les 165 mètres. Elle surprend plus par sa forme au sol elliptique (grand axe de 70 mètres et petit axe de 32 mètres). Et un peu plus encore par la découpe d’une section conique sur le côté nord de la tour. Une section qui monte jusqu’au 26e étage et marque l’entrée principale du gratte-ciel.La façade de la tour, quant à elle, est constituée d’une alternance de bandes horizontales en acier ordinaire et de vitres teintées. © Steve Calcott, Flickr, CC by-NC 2.0
La Torre Espacio, un avant-goût du futur La Torre Espacio — comprenez la Tour de l’espace — a été inaugurée en 2008. Elle culmine à plus de 230 mètres. Elle est l’une de celles que l’on connaît sous le nom de Quatre Tours de Madrid (Espagne) et se situe dans le quartier le plus moderne de la ville.Son architecture a été imaginée par le cabinet de Ieoh Ming Pei. Elle abrite aujourd’hui aussi bien des bureaux de grandes entreprises que des ambassades. Et sa façade, par exemple, a été conçue pour optimiser le confort thermique de ceux qui l’occupent : une double façade ventilée et des parements de verre notamment ainsi qu’un système de contrôle de la position des stores afin d’assurer un éclairage naturel maximal tout en évitant les reflets gênants. © Amaia Orozco, Flickr, CC by-NC 2.0
Le musée d’art islamique de Doha repose sur une île artificielle Le musée d’art islamique de Doha est le plus grand musée de la capitale du Qatar. Il a été imaginé par l’architecte Ieoh Ming Pei et inauguré en 2008. Il est inspiré de la mosquée Ibn Touloun du Caire (Égypte) et a été construit sur une île artificielle protégée par une jetée circulaire.Le bâtiment est majestueux et abrite de très belles collections d’art. Certains voient dans les ouvertures du haut de l’édifice, les yeux d’une femme voilée. Des yeux qui semblent suivre les visiteurs partout dans leur découverte de la ville. © Elisabetta Pietrostefani, Wikimedia, CC by-NC 3.0
Fountain Place, un prisme dressé vers le ciel Ce gratte-ciel un peu particulier a été baptisé Fountain Place en référence aux nombreuses fontaines que l’on peut trouver à ses pieds. Comme une oasis de fraîcheur au cœur de la ville de Dallas (États-Unis). Le bâtiment a été imaginé par l’architecte Ieoh Ming Pei en 1986 comme un gigantesque — il mesure près de 220 mètres — prisme de verre. Ses multiples facettes offrent des points de vue différents selon l’angle sous lequel on le regarde.Dans le projet initial, une tour jumelle accompagnait celle-ci. Mais elle n’a jamais été construite. La faute à la crise du début des années 1980. © Jeff Stvan, Flickr CC by-NC 3.0
La controversée Pyramide du Louvre La Pyramide du Louvre se dresse dans la cour Napoléon, à Paris (France). Elle a été conçue par l’architecte Ieoh Ming Pei et a été ouverte au public en 1989. D’abord qualifiée de passe-partout, de trop futuriste pour le contexte classique du Louvre ou même de « maison des morts », elle fait aujourd’hui l’unanimité.La structure de base carrée, toute d’acier et d’aluminium, s’élève sur plus de 20 mètres. Elle est recouverte de 603 losanges et de 70 triangles de verre. Parmi les exigences de l’architecte : la plus grande transparence possible. Or les impuretés classiquement présentent dans le verre absorbent une partie de la lumière qui les traverse. Il a donc fallu recourir à un verre flotté dit extraclair. © Luc Viatour, Wikimedia, CC by-NC 3.0
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